17062025

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Fiscalité

[Tribune] 150-0 B ter : quel usage pour une stratégie patrimoniale dynamique ?

Yann Charraire removebg preview

Dans un environnement marqué par l’essor des transmissions d’entreprises et une exigence accrue en matière d’optimisation patrimoniale, le mécanisme fiscal prévu à l’article 150-0 B ter du CGI s’impose comme un véritable accélérateur de stratégie. À condition de bien en maîtriser les leviers et d’en comprendre les véritables enjeux.

 

 

 

 

 

 

Encore trop peu exploité, y compris par les professionnels du secteur, le régime de l’article 150-0 B ter du Code général des impôts (CGI) permet de différer l’imposition des plus-values réalisées lors de la cession de titres, à condition de réinvestir au moins 60 % du produit dans l’économie réelle/une entreprise opérationnelle, et ce, dans un délai de deux ans.

La détention des titres acquis doit ensuite être maintenue pendant au moins cinq ans. En cas de transmission à titre gratuit, le report peut, sous certaines conditions, être définitivement annulé. L’intérêt est considérable : il autorise le réemploi d’un capital dans son intégralité, avant toute imposition, permettant ainsi un « recyclage » optimisé des gains vers de nouvelles opportunités économiques ou patrimoniales.

En neutralisant temporairement l’impact fiscal, ce dispositif renforce à la fois la capacité d’investissement et la maîtrise de la trajectoire financière post-cession.

Un cadre aligné avec le private equity

Le 150-0 B ter trouve toute sa pertinence dans les logiques propres au capital-investissement. Sa durée minimale de conservation - cinq ans - est en phase avec les horizons d’investissement classiques du private equity, souvent étalés sur cinq à dix ans. Quant à sa cible, elle se concentre exclusivement sur les sociétés exerçant une activité économique réelle, excluant les structures passives ou purement patrimoniales. Ce critère fait écho à l’ADN même du non coté, tourné vers l’économie productive.

Au-delà des aspects purement techniques, le 150-0 B ter s’inscrit dans une vision partagée avec le private equity : celle d’une gestion active et long terme du capital, fondée sur le réinvestissement des plus-values dans l’économie réelle, la création de valeur durable, et une structuration patrimoniale pilotée dans le temps. Par son architecture, le dispositif s’adapte naturellement aux logiques d’une stratégie patrimoniale ambitieuse/exigeante, articulée autour de la performance, de la diversification maîtrisée et de la préparation anticipée de la transmission.

Un levier différenciant dans l’accompagnement client

Pour les professionnels de la gestion de patrimoine, mobiliser ce mécanisme revient à apporter une réponse de fond aux enjeux rencontrés par les chefs d’entreprise et investisseurs au moment clé de la cession. C’est aussi affirmer une compétence technique à forte valeur ajoutée, en croisant fiscalité, gouvernance et stratégie patrimoniale.

En intégrant le 150-0 B ter dans un accompagnement global — incluant la structuration via holding, les stratégies de transmission, ou les arbitrages futurs — le CGP dépasse le simple rôle d’intermédiaire pour devenir un partenaire stratégique. Ce régime constitue également un vecteur de fidélisation, en créant des relations sur le long terme fondées sur des projets d’investissement successifs et une construction patrimoniale sur mesure.

Toutefois, le véritable enjeu du 150-0 B ter ne réside pas uniquement dans le report d’imposition, mais dans la manière dont le capital est redéployé. Ce choix conditionne la performance future, le niveau de risque et l’impact économique de l’investissement.

Diversification et mutualisation des risques : l’atout clé des fonds éligibles

Plutôt que d’opter pour un investissement en direct dans une société, choisir un fonds éligible au 150-0 B ter permet une diversification accrue et une mutualisation du risque. En effet, en répartissant le réemploi du capital sur un portefeuille composé de plusieurs entreprises, souvent issues de secteurs complémentaires ou à différents stades de maturité, l’investisseur limite l’exposition aux aléas d’un acteur unique.

Cette approche collective, pilotée par des professionnels, permet de lisser les performances dans le temps tout en conservant un fort potentiel de valorisation. Dans un cadre fiscal contraint par des exigences de délai et de réinvestissement, cette diversification constitue un levier stratégique pour sécuriser l’opération et optimiser la trajectoire globale.

L’importance du choix des équipes de gestion

Cependant, tous les fonds éligibles ne se valent pas. Au-delà de la simple conformité fiscale, la performance du réemploi repose avant tout sur la qualité des équipes de gestion. Leur capacité à sourcer les opportunités, à accompagner les entreprises en portefeuille et à gérer activement les participations est déterminante. Il est donc essentiel de privilégier des sociétés de gestion expérimentées, disposant d’un track record solide et d’une expertise sectorielle affirmée.

Les fonds spécialisés dans les technologies, notamment le numérique, la cybersécurité ou la transition énergétique, s’inscrivent particulièrement bien dans la logique du 150-0 B ter : dynamiques, innovants et à fort potentiel de croissance, ces secteurs offrent une temporalité et un profil de risque/rendement adaptés aux exigences du dispositif.

Une approche d’investissement à part entière

Si le 150-0 B ter est souvent abordé sous l’angle fiscal ou patrimonial, il convient de ne pas en négliger la dimension purement financière. Réinvestir dans un fonds, c’est avant tout faire un choix d’allocation de capital, orienté vers la performance et l’accompagnement de l’économie réelle. Le mécanisme fiscal vient alors renforcer la pertinence de cette stratégie d’investissement, sans en être l’unique moteur.

Dans un monde où la création de valeur passe par l’innovation, la croissance des PME/ETI et l’engagement dans des projets porteurs de sens, le 150-0 B ter se révèle être bien plus qu’un simple outil d’optimisation : il est un catalyseur d’investissement au service d’une vision ambitieuse et durable du patrimoine.