Marché
Loi industrie verte : ce que les assureurs ont négocié avec Bercy
- Vendredi 1 mars 2024 - 15:15
- | Par Jonathan Blondelet
Frileux à l’idée d’assumer seuls le risque de liquidité du non coté en assurance vie et PER, les compagnies auraient obtenu une décote sur les unités de compte en cas de sortie anticipée. Retour sur les principales dispositions des textes d’application de la loi Industrie verte dont la publication est imminente.
Les textes d’application de la loi Industrie verte vont être publiés dans la foulée de leur examen par le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF), débuté le 29 février. Les deux projets d’arrêtés les plus polémiques resteront, sauf décision contraire du CCLRF, quasiment inchangés dans leur version finale.
Pour rappel, l’un d’eux concerne la gestion pilotée profilée en assurance vie, l’autre la gestion pilotée par horizon dans le PER. Tous deux prévoient des profils d’investissement « qui peuvent être qualifiés » de prudent, équilibré, dynamique et offensif, avec une part d’investissement minimum en non coté comprise entre 2 et 15 % (sauf pour le profil prudent en assurance vie). Un seul détail devrait avoir évolué depuis que les projets ont fuité dans la presse : les nouveaux profils devraient être mis en place en 2025 plutôt qu’à la fin octobre 2024.
Décote en cas de sortie anticipée
Selon nos informations, les compagnies auraient négocié avec Bercy des garde-fous pour éviter un trop grand risque de liquidité, se matérialisant par une décote sur la valeur liquidative de l’UC d’au maximum 20 %. Un premier dispositif concernerait les fonds ouverts et s’activerait en cas de circonstances exceptionnelles de marché. Le second s’appliquerait aux fonds fermés, où la décote de la valeur liquidative de l’UC serait de principe en cas de sortie anticipée et représentative du marché secondaire, qui existe peu dans les faits.
Les cas de sorties sans décote seraient calqués sur les cas de déblocage anticipé du PERin en raison d’accidents de la vie, comme le décès du conjoint, l’invalidité, la cessation d’activité, le surendettement…
« Textes illégaux »
La Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants (Faider) pour la retraite estime ces textes « illégaux, car ils instaurent pour certains assurés vie une obligation d’investir leur épargne dans le non coté, et non la « possibilité » prévue par la Loi Industrie verte, ainsi qu’une obligation de fait pour la majeure partie des épargnants PER (les plus modestes et les moins qualifiés en finance) », selon Guillaume Prache, son président. La gestion pilotée par horizon est en effet le choix par défaut lors de la souscription d’un PER. La Faider a interpellé la représentante des clientèles au sein du CCLRF, Sandrine Perrois, qui l’a assuré de son positionnement, contre ces arrêtés.
Encadrement du mandat d’arbitrage
Un décret simple doit apporter certaines précisions sur le mandat d’arbitrage en assurance vie. Celui-ci est défini par la loi Industrie verte comme « la convention par laquelle le souscripteur ou l'adhérent à un contrat d'assurance sur la vie ou de capitalisation, agissant en qualité de mandant, confie à une personne physique ou morale, agissant dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles et en qualité de mandataire, la faculté de décider des arbitrages ». Le mandataire doit réaliser les arbitrages suivant les termes de la convention en tenant compte de l’orientation de gestion et du profil d’allocation.
Seuls peuvent exercer l’activité de mandataire les intermédiaires et les assureurs, mais l’exécution des opérations peut être confiée à un prestataire de services d’investissement (PSI) si le mandat le prévoit. Aucune « commission ou rémunération » ne peut être reçue lors des « opérations d’investissement ou désinvestissement entre les supports proposés », dispose la loi Industrie verte. Les modalités de la rémunération du mandataire sont un point sensible - notamment en ce qui touche aux rétrocessions - que le décret simple doit préciser, de même que certains points sur la rédaction du mandat, pour « renforcer l’information de l’épargnant quant au risque, à l’horizon de placement, aux supports ou encore au mandataire », précise Bercy. Jusqu’ici, le mandat n’était encadré que par le Code civil, sans disposition propre à la nature des produits, même si des contrats types de Place existent en pratique.
Devoir de conseil dans la durée
Une autre disposition de la loi Industrie verte renforce le devoir de conseil pour qu’il soit effectif tout au long de la vie du contrat. Lorsque le gestionnaire du contrat est informé d'un changement dans la situation personnelle et financière du souscripteur ou de l'adhérent ou dans ses objectifs d'investissement, il doit s’assurer que le contrat demeure adéquat aux exigences et besoins exprimés.
Le professionnel doit procéder aux mêmes diligences, tout en actualisant les informations recueillies, lorsque le contrat est « dormant ». Un arrêté doit préciser la durée pendant laquelle le contrat n’a fait l’objet d’aucune opération. En présence d’une opération susceptible « d’affecter le contrat de façon significative », le professionnel doit conseiller une opération « cohérente avec les exigences et besoins ». Les montants matérialisant le caractère significatif en cas de versement, de rachat ou d’arbitrage seront arrêtés par le texte d’application.
Retrouvez dans Gestion de Fortune n°356 un article sur les changements apportés par la loi Industrie verte, avec le point de vue des acteurs du non coté, des associations d’épargnants et des distributeurs