23112024

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Immobilier

Non, le travail au bureau ne deviendra pas l’exception !

homoffice

Pour freiner la transmission de la Covid-19, le télétravail s’est imposé dans de nombreuses entreprises pendant et à la sortie du confinement… avec comme corollaire des milliers de m² de bureaux dépeuplés.

Il serait néanmoins présomptueux d’y voir les fondements de l’avènement du télétravail et donc de la mort des bureaux. Ce serait mal juger la capacité d’évolution de cet immobilier tertiaire mais aussi ignorer les bienfaits du travail au bureau pour la créativité et la stratégie de croissance des entreprises.
En pleine pandémie, la mise au travail à distance de millions de salariés, y compris pour des professions où le télétravail était jusque-là considéré comme impensable, a permis, grâce à des technologies de plus en plus efficaces, d’assurer la continuité de l’activité de milliers d’entreprises en France et à travers le monde. Mais c’est aussi et avant tout une solution provisoire à une situation des plus complexes et face à des processus sanitaires très lourds.
Pourtant, cette capacité de réaction, toute aussi inédite que la crise provoquée par la pandémie, a suscité de nombreuses spéculations sur la pérennité du télétravail, à tel point que de nombreux observateurs n’hésitent pas à affirmer que le travail au bureau sera désormais l’exception. Face à une crise économique sans précédent, les entreprises peuvent être tentées de voir dans la pérennisation du télétravail un moyen de réduire sensiblement le coût des m² de bureaux. S’emparer du télétravail uniquement pour des raisons financières serait toutefois très hasardeux.

Des télétravailleurs pas si épanouis que cela
Contrairement aux idées reçues, le télétravail n’est pas toujours synonyme d’épanouissement pour les collaborateurs, ni d’efficacité pour les entreprises. Plusieurs sondages réalisés à la sortie du confinement ont montré qu’une petite minorité de salariés souhaitait continuer à télétravailler à temps plein après le retour à la normale. Cette période a même été jugée laborieuse pour un grand nombre d’entre eux. Les plus jeunes se sont plaints d’avoir enduré une charge mentale très forte. Les sondés sont également très peu nombreux à croire à une généralisation du télétravail après la pandémie.
Si pendant le confinement le travail depuis son domicile a été salvateur pour nombre d’entreprises, ses effets sur le plus long terme peuvent être néfastes pour les collaborateurs et les entreprises. Le télétravail ne convient pas à tous. Travailler loin de ses collègues et de sa hiérarchie nécessite l’aptitude à se rendre visible dans un environnement où l’effacement, le conformisme et le manque d’enthousiasme, aussi bien pour les sujets à traiter au quotidien que pour les réunions collectives virtuelles, peuvent rapidement devenir la règle. Sans compter les sujets complexes qui deviennent alors épineux à résoudre à distance. Le télétravail est également très problématique pour les nouvelles recrues et les jeunes diplômés qui, en l’absence de face-à-face et échanges quotidiens avec leurs nouveaux collègues, peinent à s’intégrer et à s’imprégner de la culture d’entreprise.
Retard dans la gestion des sujets, déficit d’attention porté aux problèmes et nouvelles idées, difficulté d’intégration… le télétravailleur peut rapidement s’ennuyer et se sentir isolé. Moins visible et moins dynamique, il développe également la crainte d’être plus facile à licencier.

Le télétravail, révélateur d'inégalités et source de stress
Passé l’enthousiasme des premiers jours de se retrouver à domicile, sans temps de transport chronophage, nombre de télétravailleurs ont déchanté sur leurs nouvelles conditions de travail. Bien sûr, il a fallu gérer la logistique quotidienne du confinement mais aussi, pour un grand nombre, « l’école à la maison » dans un premier temps, puis « les nouvelles modalités de reprise progressive de l’école » dans un second temps. Mais au-delà de ces difficultés normalement provisoires, la taille, l’aménagement et l’insonorisation des habitats mais aussi l’équipement multimédia des foyers et les conditions familiales sont vite apparus comme des facteurs discriminants pour une bonne pratique du télétravail et donc pour sa pérennité. La frontière entre activité professionnelle et vie privée s’est aussi révélée poreuse avec des conséquences immédiates sur la santé des collaborateurs : difficultés à se déconnecter du travail, augmentation de la charge mentale, baisse de la pratique de l’activité physique, perte de sommeil…

Vecteurs de cohésion et de créativité...
Au vu de ses nombreux effets négatifs et nocifs, il peut paraître étonnant de vouloir faire du télétravail la nouvelle règle. L’exemple d’IBM est à ce titre très instructif. Pionnier dès 1998 et champion du télétravail pendant près de deux décennies, le géant américain a fait machine arrière en 2017. Certes, IBM a économisé 100 millions de dollars par an en location de bureaux, mais le retour d’expérience est sévère : selon la direction, le télétravail altère la créativité et l’enthousiasme de ses salariés. Pour redynamiser l’innovation et accompagner sa transformation vers le Cloud et l’intelligence artificielle, IBM a donc demandé au cinquième de ses effectifs qui travaillaient à temps plein à domicile de retourner au bureau. Ce n’est d’ailleurs pas la seule entreprise américaine à avoir fait volte-face. Yahoo !, Best Buy, Honeywell International ou encore Bank of America avaient déjà plus tôt stoppé net l’expérience.
Pour les scientifiques, le langage corporel est primordial pour communiquer. Les interactions en « face-à-face » facilitent le partage de connaissances et donc l’apprentissage. Elles stimulent aussi l’innovation et les idées. Des relations directes entre collaborateurs, c’est-à-dire au sein d’espaces communs que sont les bureaux, et les échanges ainsi générés sont donc sources d’émulation et de créativité. Vitrine d’une marque et/ou d’une culture d’entreprise, le bureau permet de structurer les pratiques professionnelles, de motiver et de souder les équipes, de transmettre les savoirs, d’incarner la stratégie mais aussi d’attirer et de retenir les talents.

...Les bureaux vont continuer à évoluer
Face à la crise économique actuelle sans précédent, il serait donc très risqué pour les entreprises de se couper de cette dynamique collective pour se maintenir à flot puis rebondir.
Bien sûr, le télétravail continuera à être pratiqué, comme il l’était d’ailleurs déjà avant la crise. Mais le travail au bureau ne peut pas et ne doit pas disparaître. Ce serait également nier la capacité d’évolution des bureaux pour répondre aux nouvelles aspirations des salariés et de toujours mieux incarner la culture d’entreprise. La tendance déjà en place vers des espaces de travail plus attrayants, plus conviviaux et plus collaboratifs, afin de favoriser les rencontres et les échanges, va s’accélérer. Les entreprises se doivent donc de repenser non seulement les usages et aménagements des bureaux, avec probablement moins d’open space, mais aussi de développer des services (cafétérias, des salles de sport et/ou de repos, des conciergeries…) afin d’améliorer la qualité de vie au travail.
Quoi qu’il en soit, l’emplacement est, et restera, le principal critère de valorisation des actifs immobiliers de bureaux. Implantation dans les métropoles et zones tertiaires dynamiques, connexion à un réseau de transport fort, environnement agréable et convivial avec une offre de commerces et de services large et adaptée… autant de critères essentiels pour attirer et retenir les talents mais aussi pour capitaliser sur des tendances structurelles (métropolisation, tertiarisation, verticalisation) porteuses. Les quartiers centraux d’affaires (QCA) des métropoles françaises et européennes resteront donc très recherchés pour tenter d’articuler au mieux les aspirations de certains pour une poursuite modérée du télétravail et celles du plus grand nombre pour une vie de bureau plus conviviale et collaborative.

Jean-Marc Peter

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