Fiscalité
Les superviseurs font campagne pour l’Union de l’épargne et de l’investissement
- Lundi 2 juin 2025 - 12:20
- | Par Jonathan Blondelet
Les autorités de tutelle se font l’écho des institutions européennes pour mettre l’épargne au service des investissements communautaires stratégiques. Objectif : un passage à l’action en moins de trois ans.
Deux conférences, un objectif partagé. L’ACPR et l’AMF, en présentant leur bilan de l’année écoulée, se sont engagés dans un exercice de plaidoirie similaire à l’égard de l’Union pour l’épargne et l’investissement (UEI), fruit du rapprochement entre l’Union des marchés de capitaux (UMC) et de l’Union bancaire.
Pour Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'AMF, il s’agit ni plus ni moins que du « projet le plus important de notre génération en matière financière », qui permettra de « donner à l’Europe les moyens de son autonomie stratégique et de ses choix politiques ».
Momentum politique
Après les rapports Noyer, Draghi et Letta, et dans un contexte commercial tendu avec les Etats-Unis, les superviseurs pensent que le « Momentum politique » est là. Mais encore faut-il s’en saisir.
« Pour passer des intentions à l’action, j’appelle à une date mobilisatrice, a tonné François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, lors de son traditionnel discours d’introduction. C’est à la Commission européenne de la proposer, au Conseil de la fixer, mais pourquoi pas le 1er janvier 2028 : nous devons nous donner deux à trois ans pour sortir plus puissants et souverains du tournant opéré par l’administration américaine. »
Long chemin
Faire de l’épargne européenne un relais des financements publics pour la transition écologique et technologique, et désormais de l’industrie et de la Défense, est cependant un objectif affiché depuis plus de 10 ans par l’Union européenne : Jean-Claude Juncker rêvait déjà d’UMC en 2014.
Sans compter que le chemin sera long pour sortir du giron de l’Oncle Sam : parmi les 10 premiers établissements qui génèrent la majorité des commissions liées aux activités de banque d’investissement, trois seulement relèvent de la zone euro et agrègent 27 % de ces commissions, tandis que les institutions américaines en captent 57 %.
Vivier d’épargne
La stratégie UEI, adoptée par la Commission européenne en mars 2025, estime les besoins de financements supplémentaires entre 750 et 800 Md€ d’ici à 2030. Un fossé qu’elle veut combler grâce aux 10 000 Md€ constitués par les dépôts bancaires des ménages européens.
Elle s’appuie sur trois piliers, le premier consistant évidemment à favoriser l’investissement des particuliers dans l’économie européenne, en facilitant notamment le parcours client de l’investisseur. L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma), a lancé un appel à contributions sur ce thème le 21 mai. La stratégie pour l’investisseur particulier (RIS), actuellement en phase de trilogue à Bruxelles, poursuit le même objectif en encadrant plus drastiquement la distribution des produits financiers.
Défragmentation et titrisation
Second pilier, renforcer la supervision européenne : selon l’AMF, la fragmentation des pratiques est un obstacle au bon fonctionnement des marchés de capitaux et l’une des « causes majeures » de la surrèglementation européenne. En ligne de mire : l’émergence d’un superviseur européen grâce à un transfert de compétences des autorités nationales, ce que l’AMF souhaite ardemment.
Le dernier pilier, plus polémique, concerne la relance du marché de la titrisation - un mot encore chargé d’ombres depuis la crise des subprimes. Tous les superviseurs européens plaident pourtant en faveur d’une révision du règlement Titrisation, pour se porter au chevet d’un marché atone comparé à celui des Etats-Unis : entre 2007 et 2022, les volumes totaux d’émissions annuelles d’actifs titrisés sont passés de 407 à 157 Md€, soit une baisse de 61 %, alors qu’ils dépassaient les 1 200 Md$ aux Etats-Unis en 2022.
La machine pour mettre l’épargne des particuliers au service de la souveraineté européenne est donc lancée, mais la densité de l’UEI doit encore être mise à l’épreuve du réel. « La différence entre un rêve et un projet, c’est une échéance », résume François Villeroy de Galhau, empruntant un proverbe italien.