21122024

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Marché

Le 3ème usage du courtage n’est pas contraire à la DDA


justice sanction condamnation arrêtLe tribunal de commerce de Paris estime que le maintien des récurrences de commission au profit du premier courtier lors d’un changement d’intermédiaire ne nuit pas à la qualité du service fourni au client.

 

 

 

  

Depuis l’entrée en vigueur de la directive sur la distribution d’assurance (DDA) le 1er octobre 2018, la contrepartie des récurrences de commissions se matérialise par un travail d’accompagnement dans la durée du client. Une obligation qui parait à certains assureurs difficilement compatibles avec le « 3ème usage du courtage », permettant à un courtier de conserver sa rémunération annuelle tant que dure le contrat d’assurance, même s’il n’a plus d’interaction avec le client.

Pour la première fois, une juridiction s’est prononcée sur cette question. Le tribunal de commerce de Paris (1) a considéré dans un jugement inédit que la transposition de DDA dans le code des assurances « ne remet expressément en cause » le 3ème usage du courtage, « ni même ne fait référence à la rémunération de l’intermédiaire d’assurance initial ».

Conflit de distributeurs

Dans ce cas d’espèce, un courtier travaille pour Cyrus Conseil de 2002 à 2007. Certains des clients suivis émettent après son départ une quarantaine d’ordres de remplacement, autorisant le transfert des contrats de Cyrus vers Sax Patrimoine Consultant, son nouvel employeur.

En 2011, il quitte Sax Patrimoine Consultant pour exercer à titre personnel avant de fonder Chillaz Conseil le 31 juillet 2018. En 2022, le courtier assigne Cyrus, Axa et Generali afin de récupérer les commissions de gestion versées par les deux assureurs à Cyrus depuis l’entrée en vigueur de la DDA.

Cyrus continue en effet de percevoir les récurrences jusqu’au 1er novembre 2023, date à laquelle les commissions ont été versées dans des comptes séquestres sur ordre du tribunal. Pour autant, ni Cyrus, ni les deux assureurs ne reconnaissent de droit à percevoir ces commissions à Chillaz Conseil.

Un droit qui court jusqu’à résiliation du contrat

Pour rappel, le 3ème usage du courtage prévoit que le courtier apporteur d’une police « a droit à la commission, non seulement sur la prime initiale mais encore sur toutes les primes qui sont la conséquence des clauses de cette police ». Ce droit peut durer « aussi longtemps que l’assurance elle-même » ou jusqu’à ce qu’un ordre de remplacement accompagné d’une dénonciation régulière de la police soit émis par le client.

L’ordre de remplacement seul - sans dénonciation du contrat - ne modifie pas le mode de rémunération « puisque ce dernier est régi par la relation contractuelle entre la compagnie d’assurance et le courtier primitif », rappelle le tribunal.

Un sujet absent de la DDA

La DDA, de son côté, impose que les commissions perçues par les intermédiaires n’aient pas d’effet négatif sur la qualité du service fourni ou souscripteur et ne nuisent pas à l’obligation mise à la charge du courtier d’agir de manière honnête, impartiale et professionnelle au mieux des intérêts du client.

Il n’est « nullement question de cesser la rémunération du courtier primitif en cas de remplacement de ce dernier par un autre intermédiaire d’assurance dûment mandaté par le client », tranche le tribunal.

Une situation connue dès le transfert de portefeuille

Chillaz Conseil argue que le priver des commissions de gestion - versées à Cyrus Conseil - alors même qu’il est en charge de la gestion des contrats litigieux a nécessairement un effet négatif sur le service fourni. Le tribunal lui fait remarquer que la revendication des commissions incriminées est intervenue plus de 13 ans après le premier transfert de portefeuille et qu’aucun assuré ne s’est plaint de la dégradation du service depuis les ordres de remplacement. Par ailleurs, le courtier connaissait la situation au moment du transfert et avait donc accepté l’absence de récurrences.

Axa et Generali ne faisaient donc qu’exécuter leurs obligations contractuelles - « ni contraire à la loi ni contraire à l’ordre public » - nées des protocoles les liant à Cyrus Conseil et antérieurs à l’entrée en vigueur de la DDA. Le tribunal ordonne donc la levée du séquestre des commissions versées depuis le 1e novembre 2023, Cyrus étant « la seule bénéficiaire des commissions contestées ».

Chillaz Conseil n'a pas fait appel de la décision. 

(1) Jugement du 27/02/2024, RG 2022010598