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[Tribune] La dette privée s’impose comme levier clé du financement des entreprises en 2025
- Vendredi 5 septembre 2025 - 15:53
- | Par Emilie Buttiaux, directrice générale et Romain Gerlinger, directeur de l'investissement d'Archinvest
En pleine mutation du paysage financier mondial, la dette privée se positionne comme une alternative stratégique au financement bancaire traditionnel. En Europe, cette classe d’actifs connaît un développement rapide, portée par des contraintes réglementaires, une évolution des besoins des entreprises et un appétit croissant des investisseurs.
Jusqu’à la crise de 2008, le financement des entreprises européennes reposait principalement sur les prêts bancaires. L’effondrement du crédit consécutif à la crise financière a révélé la fragilité du modèle bancaire, en provoquant une contraction sévère de la liquidité et un durcissement réglementaire. C’est dans ce contexte que les fonds de dette privée ont émergé, comblant un vide en matière de financement, notamment pour les PME négligées par les banques.
Un marché soutenu par des fondamentaux solides
La croissance de la dette privée repose sur deux leviers : raréfaction de l’offre bancaire et demande croissante en capital de la part des entreprises. D’un côté, les exigences de Bâle III et le retrait progressif des banques ont restreint l’accès au financement traditionnel. Parallèlement, l’augmentation des capitaux levés par les fonds de private equity s’est traduite par une multiplication des opérations de LBO ainsi que de croissance externe, entraînant un besoin accru de financement contribuant ainsi la montée en puissance des fonds de crédit privés.
Les fonds de dette privée se distinguent également par leur capacité à proposer des solutions de financement flexibles et sur-mesure, adaptées aux besoins spécifiques des entreprises non cotées. Cette approche ciblée constitue un avantage compétitif clé face à la rigidité des institutions bancaires.
Enfin, la croissance des fonds de dette privée a été renforcée par l’appétit des grands investisseurs institutionnels, en particulier les compagnies d’assurance. Celles-ci cherchent à allouer les primes collectées vers des actifs offrant un rendement avec une visibilité forte tout en présentant un profil de risque défensif. La dette privée répond ainsi à leurs contraintes réglementaires et à leur recherche de stabilité à long terme.
Tendances 2025 : levées records et désintermédiation
Le marché global de la dette privée est estimé à 1,500 Md$ début 2024 et devrait atteindre 2,600 Md$ d’ici 2029 selon Preqin, soit une progression annuelle moyenne de 10 %. En Europe, les encours sont passés de 49 Md€ en 2010 à 427 Md€ en 2023 et devraient dépasser 550 Md€ d’ici 2027 (1).
En parallèle, les fonds de private equity ont accumulé 1,600 Md$ de capitaux à investir en 2024. D’après Bain & Company, cette pression sur les fonds pour déployer leur capital devrait maintenir une forte demande pour les solutions de dette privée( 2).
Dans le segment du mid-market européen, la part des financements assurée par les banques est passée de 100 % en 2012 à seulement 38 % en 2024, le reste étant assuré par les fonds de dette privée. Cette désintermédiation reflète la maturité croissante du marché et la confiance dans les solutions alternatives.
Une classe d’actifs plébiscitée par les investisseurs
La dette privée séduit par ses nombreux atouts : un rendement compétitif, supérieur à celui des obligations d’État ou des sociétés cotées, une protection renforcée grâce à la priorité des créanciers en cas de défaut, ainsi qu’une diversification sectorielle et géographique. Elle facilite également l’accès direct à l’économie réelle en finançant PME et ETI.
(1) Preqin, Future of Alternatives 2029 Report, décembre 2024
(2) Bain & Company, Global Private Equity Report 2024