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AMF : Novaxia de retour devant la commission des sanctions
- Vendredi 10 octobre 2025 - 09:41
- | Par Jonathan Blondelet
L’AMF demande à la commission des sanctions d’infliger une amende de 800 000 € à l’encontre de Novaxia Investissement et de 600 000 € à l’encontre de son ancien président Joachim Azan, également président-fondateur du groupe Novaxia. Ce dernier pourrait également être temporairement interdit de gérance. L'entité comme le dirigeant ont déjà subis le couperet du régulateur en 2019.
Bis repetita pour Novaxia. Dejà sanctionnée en 2019, la société est de nouveau dans la tourmente. Le collège de l’AMF a requis lors de la séance publique du 9 octobre de lourdes sanctions à l’égard de Novaxia Investissement (NIV) et de son fondateur Joachim Azan pour une série de manquements, dont certains d’une « particulière gravité », relevés lors d'une mission de contrôle du 1er juillet 2018 au 31 décembre 2022.
Si plusieurs ont trait à des questions de conformité classiques, comme la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT) ou la prévention des conflits d’intérêts, le point le plus disputé concerne l’implication de son fondateur dans la conduite de la société de gestion alors qu’il n’en était plus dirigeant.
Dirigeant de fait
Géraldine Marteau, représentante du collège de l’AMF, reproche à Joachim Azan, président-fondateur de Novaxia SAS, de s’être comporté comme un dirigeant de fait à partir d'avril 2019, alors qu’il n’était plus président de la société de gestion.
Pour arriver à cette conclusion, Géraldine Marteau se base sur un faisceau d’indices, qui tient à l’implication dans le recrutement de trois candidats et à un licenciement, ainsi qu’à 64 points informels organisés avec les dirigeants de la société de gestion. De plus, un comité stratégique était amené à délibérer sur des thématiques « variées et structurantes, sans fixer uniquement une stratégie globale », comme la fusion de fonds ou leur préaffectation, l’organisation de l’équipe commerciale…
Pour le collège de l’AMF, le comité stratégique n’avait pas qu’un « rôle consultatif » mais était doté d’un véritable « pouvoir de contrôle et d’information ». Joachim Azan, président de ce comité, pouvait fixer l’ordre du jour, nommer et révoquer les membres, disposait d’une voix prépondérante et d’un droit de véto. « Un droit de veto n’a de sens que si les décisions sont véritablement contraignantes, assène la représentante du collège. Les convocations ne mentionnaient jamais les mots « avis » ou « consultatif », mais amenaient invariablement à « prendre une décision ».
Formalisme d’un jour
Autre élément susceptible d’apporter plus de lumière, , l’absence de procès-verbaux (PV) à l’issue de ces comités, alors que l’ordre du jour était lui formalisé à l’écrit. « Pourquoi NIV respecte le formalisme dans un cas et pas dans l’autre, sauf à ne pas vouloir laisser de trace du caractère prescriptible des délibérations ? », interroge le collège de l’AMF.
« L’implication opérationnelle de Joachim Azan ne s’est pas limitée à sa participation aux comités mensuels, des milliers d’emails en témoignent », poursuit Géraldine Marteau. Le président de Novaxia était sollicité ici sur une hypothèse de collecte, là sur une commercialisation immobilière. Pour le collège, compte-tenu de son statut d’actionnaire unique de la SAS et de fondateur de Novaxia, c’est la preuve incontestable que ses avis lient ceux qui les reçoivent.
Retrait volontaire
« Les mails sont mon mode de communication privilégié, mais je n’en ai jamais émis 6 000 en deux ans à destination de NIV comme le prétend la mission de contrôle, se défend Joachim Azan. Je suis en copie de la plupart d’entre eux, et NIV n’occupe que 5 % de ma boite mail. » Le dirigeant rappelle avoir fait le choix délibéré de se défaire de la présidence de la société de gestion, pour se consacrer à la stratégie de Novaxia, à sa croissance externe et à son internationalisation.
La rapporteuse de la commission des sanctions, Ute Meyenberg, considère de son côté que le grief n’est pas caractérisé. A son sens, le rôle de Joachim Azan, bien que prépondérant, était prévu par les statuts de la société de gestion et son programme d’activité, et par son statut d’actionnaire unique de Novaxia, maison-mère de NIV. Par ailleurs, Novaxia jouait un rôle RH support de NIV en vertu d’une convention d’externalisation.
Justification des rétrocessions
Le collège impute une série d’autres griefs à NIV, comme le caractère lacunaire de la procédure d’investissement et de désinvestissement, le défaut de traçabilité des prestataires, des projets et de transparence des sommes versées à une autre société du groupe… et de justification des rétrocessions versées aux distributeurs.
« NIF était tenu de veiller à la bonne exécution de sa convention de services qui mettait à la charge des distributeurs d’améliorer le service en échange de la perception de rétrocessions et d’assurer des contrôles annuels », affirme Ute Meyenberg. Les attestations annuelles recueillies par NIV auprès des distributeurs sont considérées non probantes, car reposant uniquement sur des éléments déclaratifs.
Si ce grief est retenu, il pourrait faire « jurisprudence », dans le sillage des décisions portant sur les sociétés Eternam et Altaroc et forcerait les sociétés de gestion à renforcer l’encadrement des rétrocessions distribuées aux intermédiaires.
Une « récidive »
Pour l’ensemble des ces griefs, l’AMF demande à la commission des sanctions d’infliger une amende de 800 000 € à NIV et de 600 000 € à l’encontre de son ancien dirigeant Joachim Azan, également président-fondateur du groupe Novaxia.
NIV a évolué depuis son contrôle : sa gouvernance a été renouvelée en profondeur - en lien avec un fort turn over - et la société s’est dotée d’un pouvoir bicéphale divisé entre directoire et conseil de surveillance. Des éléments qui n’ont pas semblé convaincre le collège de l’AMF, dont la proposition de sanction tient compte de la surface financière de Joachim Azan, mais aussi du caractère de « récidive » de la société.
En 2019, la commission des sanctions avait déjà infligé à NIV et à Joachim Azan deux amendes de 300 000 € pour une série de manquements : défaut d’indépendance de NIV du fait de la composition de son comité d’investissement, procédure de gestion des conflits d’intérêts non opérationnelle, défaillances dans l’élaboration des documents commerciaux, mais aussi entrave à la mission de contrôle.
Interdiction de gérance
De quoi motiver une demande complémentaire du collège d’interdiction pour Joachim Azan d’exercer une fonction de dirigeant de société de gestion de portefeuille.
« La réquisition du collège concernant une potentielle interdiction de gestion de Joachim Azan, qui n’est plus dirigeant de NIV depuis avril 2019, ne remet aucunement en question son rôle de dirigeant dédié au développement des activités non régulées du groupe Novaxia, ni ses mandats sociaux au sein de celui-ci, précise la société. Si cette interdiction était prononcée in fine par la commission des Sanctions, elle serait cantonnée au champ des sociétés de gestion régulées. »
Le verdict de la commission devrait être connue fin novembre ou début décembre.