Fiscalité
Chronique de jurisprudence fiscale : novembre 2025
- Vendredi 5 décembre 2025 - 16:39
- | Par Isabelle Pichard et Philippe Gosset, avocats chez CMS Francis Lefebvre

Chaque mois, CMS Francis Lefebvre décrypte pour Gestion de Fortune les dernières décisions en matière de fiscalité patrimoniale. Une sélection commentée des arrêts et jugements les plus significatifs pour les praticiens.
Sportif résident fiscal de France détenant une société étrangère titulaire du droit d’exploitation de son image : confirmation de la non application de l’article 123 bis du CGI (Conseil d’Etat, 8e et 3e ch. réunies, 12 novembre 2025, n° 501567)
L’administration fiscale peut imposer les résidents fiscaux français sur les revenus réalisés à l’étranger par l’intermédiaire de structures à prépondérance financière établies hors de France et soumises à un régime fiscal privilégié, indépendamment de toute distribution effective (1).
Une structure est à prépondérance financière lorsque son actif est principalement constitué de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants.
Dans cette affaire, un joueur international argentin – jouant dans un club français de premier plan – a été imposé sur les revenus perçus par une société panaméenne qu’il détenait et à laquelle il avait cédé le droit d’exploitation de son image. La valeur réelle de cet actif représentait plus de la moitié de la valeur totale d’actifs.
Le litige a porté sur l’appréciation de la condition tenant au caractère principalement financier de la société panaméenne.
Le Conseil d’État a tout d’abord rappelé que, pour l’appréciation de cette condition, il convient de retenir la valeur réelle des éléments d'actif de l'entité. L'administration est toutefois fondée, en l'absence d'argumentation du contribuable tendant à démontrer que la valeur réelle de ces éléments d'actif s'écarte de leur valeur comptable, à retenir cette dernière valeur.
Le Conseil d’État a ensuite confirmé que le droit d’exploitation de son image ne constituait pas une créance, c’est-à-dire un actif financier. Ainsi, dès lors que cet actif représentait 55,5 % de l’actif de la société panaméenne, le Conseil d’Etat a jugé que l’administration fiscale n’était pas en droit d’imposer le contribuable sur les revenus réalisés par l’intermédiaire de sa société panaméenne, sur le terrain de l’article 123 bis du CGI tout du moins…
Compte-courant d’associé débiteur d’une SCI familiale : non déductibilité de la dette successorale et ISF (Cour de cassation, ch. commerciale, 26 novembre 2025, n° 23-23.086)
Dans cette affaire, un contribuable était associé d’une SCI dont il détenait certaines parts en pleine propriété et d’autres en usufruit, ses enfants en détenant la nue-propriété.
A son décès, son compte courant d'associé au sein de la société présentait un solde débiteur que les héritiers ont déclaré au passif de la succession (et de l’ISF) afin de réduire mécaniquement l’actif net taxable de la succession.
L’administration fiscale a remis en cause ces déductions de passif sur le fondement d’un article du code général des impôts (1) qui exclut la déductibilité des dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées.
Cette somme a également été jugée non déductible par la Cour de cassation. Selon la Cour, aucune disposition de la loi ne conduit à écarter la possibilité qu’une personne morale puisse être considérée comme une personne interposée entre un défunt (débiteur) et son héritier (créancier).
Un prélèvement sur la communauté en exécution d’une clause de préciput n’est pas une opération de partage soumise au droit de partage de 2,5% (Cour de cassation, ch. commerciale, 5 novembre 2025, n° 23-19.780)
La clause de préciput autorise l'époux survivant à prélever sur la communauté, avant tout partage, un ou plusieurs biens.
En l’espèce, à la suite du décès de son époux, sa veuve a procédé à un prélèvement sur la communauté, en exécution de la clause de préciput prévue à son contrat de mariage.
Par une proposition de rectification, l'administration fiscale a soumis ce prélèvement au droit de partage de 2,5%. A tort juge la Cour de cassation.
Selon la Haute juridiction, le prélèvement effectué sur la communauté par le conjoint survivant en vertu d'une clause de préciput a, comme le partage, un effet rétroactif. Mais il se distingue de l'opération de partage à plusieurs égards. En premier lieu, s'il s'opère dans la limite de l'actif net préalablement liquidé de la communauté, il intervient, selon les termes mêmes de la loi, avant tout partage.
Le prélèvement préciputaire ne peut, dès lors, être soumis au droit de partage de 2,5%.
Plus-value immobilière et exonération au titre de la première cession d’un logement autre que la résidence principale (Tribunal administratif de Paris, 21 octobre 2025, n° 2318063)
Un arrêt récent apporte un éclairage intéressant sur les conditions d’application de l’exonération prévue par la loi au titre de la première cession d'un logement autre que la résidence principale (3).
Cette exonération est applicable lorsque le cédant n'a pas été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre années précédant la cession.
Dans cette affaire, des contribuables avaient :
- vendu en juin 2017 une maison en la déclarant comme résidence principale « au jour de la cession » et ont bénéficié à ce titre de l’exonération totale pour cession de la résidence principale ;
- cédé un appartement en octobre 2020 en revendiquant l’exonération des plus-values réalisées au titre de la première cession d’un logement autre que la résidence principale.
Le tribunal a jugé que les contribuables, en déclarant le bien cédé en 2017 comme leur résidence principale, doivent être regardés comme ayant disposé de leur résidence habituelle et effective jusqu'à cette date, peu importe la circonstance que les contribuables aient déménagé en août 2016 de leur maison.
Autrement dit, la qualification de résidence principale ne disparaît pas du seul fait que les occupants quittent physiquement le logement : elle se maintient jusqu’à la date de sa cession, dès lors que le bien conserve, sur le plan fiscal, les caractéristiques d’une résidence principale.
(1) Sur le fondement de l’article 123 bis du CGI
(2) Article 773, 2°, alinéa 1er du CGI.
(3) Article 150 U-II-1° bis du CGI.


