Fiscalité
Réserve héréditaire, assurance vie, apport-cession… Un rapport veut remettre à plat la fiscalité du patrimoine
- Mardi 2 décembre 2025 - 14:40
- | Par Jonathan Blondelet

Alors que la « grande transmission » des baby-boomers se profile, le CPO estime que le système fiscal actuel entretient les inégalités patrimoniales. Ses propositions s’inscrivent dans la lignée de travaux précédents et des discussions autour du budget, avec un prisme sur l’héritage.
Alors que la « grande transmission » des baby-boomers se profile, le CPO estime que le système fiscal actuel entretient les inégalités patrimoniales. Son rapport s’inscrit dans la lignée de travaux précédents et des discussions autour du budget, avec un prisme sur l’héritage.
Il suffit de regarder les débats parlementaires autour du projet de loi de finances pour 2026 pour saisir le profond clivage qui traverse le pays sur le patrimoine. A commencer par l’héritage : selon une étude (1), les Français sont 56 % à penser que les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) sont trop importants, alors que 31 % pensent au contraire qu’ils ne le sont pas assez.
L’organisme à l’origine du sondage, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), vient de publier un rapport pour « corriger les principales distorsions sur le patrimoine ». L’organisme rattaché à la Cour des comptes tacle une imposition « forte en comparaison internationale, complexe, inégalitaire, et peu efficace au regard des objectifs de politique publique auxquels elle est censée contribuer ».
Concentration et grande transmission
Impossible de faire l’impasse sur le sujet alors que le patrimoine croît aujourd’hui plus fortement que le revenu : il représentait six fois le revenu disponible en 2021, contre 4,5 fois en 2000, tout en étant concentré aux mains du dernier décile de la population qui en possède 60 %. L’imposition de la détention, de la transmission et des revenus du patrimoine, qui rapporte aujourd’hui pour près de 105 Md€, est plus inégalitaire que celle des revenus, en témoignent la taxe foncière ou les dispositifs de réduction de l’assiette des transmissions.
Sans réforme, la « grande transmission » des baby-boomers, de 9 000 Md€ d’ici à 2040, va donc accentuer ce phénomène de concentration. Le CPO propose des changements qui reprennent pour certains des propositions de rapports antérieurs, de l’OCDE, la Fondation Jean-Jaurès, France Stratégie ou Blanchard-Tirole. A commencer par « une plus grande neutralité » de l’imposition, pour faire en sorte que les dispositifs fiscaux ne canalisent pas artificiellement les flux vers certains produits d’épargne « au détriment de la fluidité du marché de l’immobilier et du financement de l’économie ».
L’assurance vie figure comme toujours parmi les cibles privilégiées : le CPO propose de rapprocher son traitement fiscal de celui de l’ensemble des transmissions en appliquant le barème des DMTG en ligne directe à partir de la tranche marginale à 20 % (15 932 €). Les livrets d’épargne ne sont pas non plus épargnés, le rapport suggérant de « rationaliser » les plafonds de dépôt en soumettant à l’imposition de droit commun l’excédent.
Transparence sur les cryptoactifs
Le CPO reprend une proposition de la Cour des comptes, institution à laquelle il est associé, qui voulait créer une obligation de déclaration des comptes d’actifs numériques pour les plateformes et de notification à l’administration fiscale pour les portefeuilles auto-hébergés.
Côté immobilier, les abattements pour durée de détention sur les plus-values immobilières seraient remplacés par un coefficient « destiné à rendre compte de l’érosion monétaire en prévoyant une application différée d’un an ». L’amortissement du bâti prévu au régime LMNP réel serait supprimé, et les abattements forfaitaires du micro-foncier et micro-BIC remplacés par un abattement unique de 40 %.
Le CPO s’attaque aussi au régime d’apport-cession, s’inscrivant dans la lignée de nombreux amendements discutés dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Dans sa copie, le report d’imposition serait encadré de façon plus drastique, et il expirerait de façon systématique au moment de la transmission.
Réserve en retrait
Et puisqu’elle n’a pas peur de s’attaquer aux sujets brûlants, l’institution propose de limiter le montant de la réserve héréditaire pour que celle-ci soit égale à la moitié de la succession en la limitant aux deux tiers du patrimoine transmis à partir de trois enfants, contre les trois quarts aujourd’hui. Un abattement spécifique serait mis en place pour l’enfant du conjoint, aligné sur celui des neveux et nièces.
Concernant les mesures au bénéfice du contribuable, on peut citer la diminution de la part départementale des DMTO lors d’une transaction immobilière, qui oscille entre 3,8 et 4,5 %. Le CPO préconise également d’alléger les barèmes de DMTG pour les transmissions « dans le cadre d’une réforme équilibrée pour les finances publiques ».
Deux scénarios
Pour compenser cette diminution, les auteurs de l’étude envisagent deux scénarios. Le premier associe taxe sur les holdings – en substituant à la discussion sur la trésorerie dans le cadre du budget 2026 une logique de durée de conservation des liquidités – et contribution différentielle sur les hauts patrimoines pour assurer un minimum d’imposition des transmissions (excepté pour le conjoint survivant).
Le deuxième, plus ambitieux, couple un impôt différentiel sur la fortune personnelle, non plafonnée et portant sur l’ensemble du patrimoine hors biens professionnels à « un taux modéré », à la restriction du Pacte Dutreil. Ici aussi, la proposition ne reprend pas exactement celle du PLF : bien qu’elle restreigne aussi son champ d’application aux seuls actifs professionnels et allonge de deux ans la durée de conservation des titres, elle ramène de surcroît le taux d’exonération de 75 à 50 %.
(1) « Baromètre des prélèvements fiscaux et sociaux en France – troisième édition 2025 »


