16102025

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Marché

Loi Lemoine : les premières amendes tombent

amende payer sanction

La Bred Banque Populaire, la Caisse régionale de Crédit Agricole Paris Île-de-France, la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Île-de-France et le CIC Est ont été sanctionnées pour joué la montre lors de demandes de substitution.

 

 

 

 

La DGCCRF vient d’aligner quatre banques pour non-respect de la réglementation sur l’assurance emprunteur. Les manquements sont en rapport avec la réforme de 2022, aussi appelée loi Lemoine, qui devait libéraliser un marché largement aux mains des bancassureurs. Ce qu’elle a réussi sur le papier en levant les contraintes pour souscrire une assurance de prêt externe au moment de contracter le crédit (par délégation) ou après (par substitution), à tout moment et sans frais.

Règne sans partage

Dans les faits, le gâteau de 8 Md€ de primes est toujours détenu à 85 % par les banques. « Les courtiers et assureurs se sont souvent retrouvés dans la ligne de mire du client désemparé de ne pas voir les choses se régler, écrit Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia. Pourtant, aucune arme contre les banques n'était à notre disposition, si ce n'est dénoncer auprès de la DGCCRF ou de l'ACPR... mais nous manquions de temps et d'énergie pour le faire. »

Leurs prières ont été exaucées : la Caisse régionale de Crédit Agricole Paris IDF a écopé d’une amende de 323 500 euros, Bred Banque Populaire de 298 000 euros et la Caisse d’Epargne et de Prévoyance IDF de 80 000 euros.

Délai de réponse

A chaque fois, la DGCCRF a constaté des manquements similaires de la part des établissements sur les demandes de substitution d’assurance. Leurs réponses ne respectaient pas le délai de dix jours pour y répondre à compter de leur réception. Un délai qui comprend l’émission de l’avenant au contrat de prêt en cas d’accueil favorable de la demande.

S’il est difficile de calculer avec précision le nombre de dossiers défaillants, les manquements à la loi Lemoine sont passibles d’une amende administrative allant jusqu’à 3 000 euros par personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

Pouvoir de sanction

Début octobre, le CIC Est était condamné pour des manquements analogues à une amende de 196 000 euros.
« Outre le fait que les banques se doivent d’être en parfaite conformité avec le droit applicable à la substitution d’assurance-emprunteur, ces décisions rappellent deux choses : d’une part, que la DGCCRF dispose d’un pouvoir de sanction non négligeable et, d’autre part, qu’elle n’hésite pas une seule seconde à y recourir (et à communiquer sur les décisions rendues…) », a commenté sur LinkedIn Jérôme Lasserre Padeville, maître de conférences à l’Université de Strasbourg.

« Certaines pensaient pouvoir continuer à « jouer la montre » tranquille : un petit flou dans les délais, un soupçon de paperasse qui traîne… et hop, on garde le client bien au chaud sous la couette..., a renchéri Emmanuel Provost, directeur général de Afi Esca Patrimoine. Sauf que cette fois, la police de la concurrence a sifflé la fin de la récréation. »

Evolution positive

A Securimut, courtier spécialisé dans le changement d’assurance emprunteur, l’analyse est plus nuancée. « Le CIC est l’une des seules banques à être encore réticente à la substitution, indique Emilie Ruben, porte-parole de Securimut. Les autres banques répondent généralement dans les temps. Les contrôles de la Caisse d’Epargne et de la Banque Populaire ont eu lieu peu de temps après l’entrée en vigueur de la loi. Et pour la Caisse d’épargne comme le Crédit agricole, l’amende est faible au regard de leur production d’assurance emprunteur. »

Une étude du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) publiée début 2024 montre que les demandes de substitution ont bondi de 80 % entre 2021 et début 2023, pour 9 dossiers sur 10 acceptés. L’obligation pour l’assureur d’origine d’expliciter son refus en cas de réponse négative, ouvrant la voie à une deuxième demande avec les bons éléments, a joué son rôle de facilitateur pour la résiliation infra-annuelle.

Délégation en berne

Au global, un sondage réalisé auprès des acteurs du marché alternatif par le CCSF faisait état d’une « nette amélioration de la situation », alors qu’eux-mêmes ont « industrialisé et centralisé » leurs processus et se sont adaptés aux exigences des réseaux bancaires.

Seule ombre au tableau, la délégation à l’octroi du prêt, sur laquelle la réforme n’a eu qu’un effet marginal, les emprunteurs préférant garantir leur accès au crédit en souscrivant l’assurance de la banque.

Manque d’indemnisation

Si la libéralisation progressive du marché de l’assurance emprunteur bénéficie au portefeuille du consommateur, l’ACPR a fait part d’un autre sujet d’inquiétude en mars 2025. Le superviseur avait constaté, à partir de l’analyse des données de six groupes bancaires et alternatifs, un rapport sinistre à primes (S/P) compris entre 39 % pour les contrats groupe et 21 % pour les contrats dits « défensifs ».

Ce ratio « ne saurait être durablement inférieur à 30% sans appréciation circonstanciée du management, en vue de prévenir toute commercialisation qui ne pourrait être justifiée par l’intérêt du client », prévenait alors Jean-Paul Faugères, vice-président de l’ACPR. L’objet de la prochaine salve de sanctions ?