Gestion d’actifs
Finance responsable : l'épargnant y voit plus clair, selon Hervé Thiard
- Mardi 20 avril 2021 - 16:13
- | Par Michel Lemosof
Alors que vient d’entrer en application le règlement SFDR, le directeur général de Pictet AM France, Hervé Thiard, vient de rédiger un intéressant point de vue sur la question. Pour lui, l’épargnant va y voir clair dans la jungle de la finance responsable !
La Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) va aider l’épargnant à s’y retrouver parmi la multitude de fonds qui revendiquent une gestion éthique et responsable. Une petite révolution ! « L’épargne durable est en plein essor », fait en préambule remarquer Hervé Thiard, directeur général de Pictet Asset Management France, enseigne n° 1 de l’ISR dans le Palmarès 2020 des fournisseurs de Gestion de Fortune.
N’est pas responsable qui veut !
A ce jour, 624 fonds affichent le Label ISR et 56 ont obtenu le Label Greenfin. En plus des données financières classiques, beaucoup de sociétés de gestion intègrent des critères ESG pour sélectionner les valeurs qu’elles logent dans les portefeuilles. Toutes font valoir un même objectif : « faire avancer » la société, soit en sélectionnant les entreprises les plus vertueuses, soit en aidant les autres à opérer leur transition écologique et sociétale. Noyé dans une « surenchère de bonnes intentions », l’investisseur avait toutefois de quoi être perdu. Les gérants de fonds déploient des « trésors d’ingéniosité et de marketing » pour convaincre les épargnants que leurs stratégies d’investissement « lavent plus blanc », « plus vert » ou « plus social ». Ce qui ne signifie pas que tous consacrent les mêmes moyens à leur gestion ESG. « Ils n’ont pas tous les mêmes exigences, ni les mêmes grilles d’évaluation », souligne le professionnel. Le terme « gestion responsable » revêt un caractère multiforme, difficile à saisir. Le grand perdant, c’est l’épargnant, qui doute face à cette surenchère. Le plan d’action européen pour la finance durable vise à en finir avec les malentendus. Instaurée en 2020, la taxonomie verte imposait déjà aux entreprises cotées et aux sociétés de gestion de parler le « même langage ».
Lorsqu’elle prétend œuvrer en faveur de l’environnement, une société doit le justifier et le quantifier au travers de critères rigoureusement définis. « C’est une avancée, poursuit Hervé Thiard, mais cela reste trop abstrait pour l’investisseur. » Maintenant, les fonds sont classés, de celui qui se montre le moins exigeant à celui qui supporte le plus de contraintes. La SFDR intervient pour aider l’épargnant à s’y retrouver dans la jungle de la gestion éthique et responsable. Le texte européen, qui a pour vocation de « flécher » les investissements vers des entreprises vertueuses, vient réglementer de façon stricte le marketing des sociétés de gestion. Il empêche ainsi les fonds d’investissement les moins exigeants de brandir l’argument ESG dans leur communication commerciale.
Durable c’est bien, mais avec impact c’est mieux !
Pour éclairer le consommateur, la SFDR définit trois classes de fonds responsables : article 6, article 8 et article 9. « Certains fonds utilisent les critères ESG pour sélectionner les valeurs qu’ils mettent en portefeuille, mais en se laissant une grande marge de manœuvre dans leurs choix, commente le directeur général de Pictet AM. Ceux qui appliquent cette approche discrétionnaire relèvent dorénavant de l’article 6 de la SFDR. » Ils n’ont pas le droit d’utiliser les termes «sustainable », « durable » ou « responsable » dans leur nom. Pas plus qu’ils ne peuvent les utiliser dans les plaquettes commerciales. « Les fonds estampillés article 8 sont nettement plus exigeants, continue le professionnel. Ils doivent se focaliser sur les entreprises aux meilleures qualités environnementales ou sociales. » Ce qui conduit à exclure un certain nombre de secteurs d’activité de leur univers d’investissement (charbon, armes, pornographie, jeux d’argent…).
Ces fonds peuvent revendiquer une gestion dite « responsable », « durable » ou « sustainable ». « Les fonds d’investissement qui se conforment à l’article 9, explique enfin Hervé Thiard, vont encore plus loin : ils affichent la volonté d’avoir un réel impact sur les sphères sociale ou environnementale. » Cela peut impliquer que davantage de secteurs soient exclus, comme la culture d’OGM ou la production d’hydrocarbures conventionnelle. De surcroît, les fonds qui relèvent de l’article 9 de la SFDR doivent investir dans des entreprises dont l’activité a un impact sur l’environnement ou la société. Les écosystèmes de l’éducation, de la santé, des énergies renouvelables, des transports décarbonés ou de la dépollution d’eau sont alors privilégiés. De tels fonds peuvent accoler à leur nom non seulement les qualitatifs « responsable », « durable » ou « sustainable », mais aussi le terme « impact ».
Les sociétés de gestion ont encore un peu de temps pour revoir leur communication et l’adapter à la nouvelle réglementation. L’industrie de la gestion collective ne peut qu’y gagner : plus l’épargnant y verra clair, plus il investira en confiance. Pictet AM, qui, en 2007, a été parmi les premiers signataires des Principes pour l’investissement responsable, a très tôt appliqué le principe de durabilité à son offre de gestion. Ses premières stratégies ISR ont été lancées dans les années 90. Pictet-Biotech, un fonds à impact, a été ouvert en 1995. Le fonds Pictet-Water, lui, a été créé en 2000… La quasi-totalité des encours (98 %) du gestionnaire d’origine genevoise (l’origine du groupe remonte à 1805) intègre aujourd’hui des critères extra-financiers. Plus de la moitié de ses actifs sont classés article 8 ou article 9. Une proportion qui devrait sensiblement s’élever en cours d’exercice.
ML