22112024

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SCPI – loi Pinel : quels effets ?

La gestion des SCPI concernées est impactée par la loi Pinel et la performance du support pourrait être lourdement plombée par la prochaine publication d’un décret d’application. Rencontre avec Arnaud Dewachter, délégué général de l’ASPIM.

Quelle est la portée de la loi Pinel ?
Arnaud Dewachter : L’un des volets de la loi Pinel a pour objet de protéger et de promouvoir les petits commerçants. Un objectif louable que l’ASPIM partage complètement d’autant plus que le succès des fonds immobiliers repose directement sur la qualité et la durabilité de la relation locative que ces derniers nouent avec tout type de locataires. Mais pour par venir à ses fins, la loi Pinel a retouché le régime des baux commerciaux, dont la plupart des règles le régissant sont d’ordre public. En d’autres termes, en voulant agir sur un secteur économique déterminé, en l’occurrence le commerce de proximité, le texte s’applique aux baux de la presque totalité de l’immobilier tertiaire. S’agissant du secteur commercial, on court le risque de déséquilibrer un système datant du décret de 1953, façonné par plus de 60 ans de jurisprudence, et qui en définitive n’était pas si défavorable pour le locataire.

Cette loi va-t-elle impacter le cadre de gestion des SCPI et tirer la performance vers le bas ?
AD :
On y trouve des dispositions qui ne faciliteront pas la démarche des gestionnaires de SCPI et d’OPCI. Parmi celles-ci, on peut citer la mesure qui prévoit de « plafonner le déplafonnement » des loyers. Dans les cas particuliers où le déplafonnement est permis, c’est-à-dire lorsqu’un rattrapage significatif des valeurs locatives peut être opéré, la hausse du loyer est désormais limitée à 10 % par an. On comprend alors aisément la perte d’opportunité pour les fonds immobiliers. Quant à votre question sur les effets de ce texte sur la performance du support, je serai davantage en mesure de vous répondre après la publication du décret d’application visant à préciser les dépenses qui ne pourront plus être imputées au preneur et qui est prévue dans les prochaines semaines.

Pouvez-vous nous parler davantage de cette mesure ?
AD : Pour clarifier les rapports locatifs, un inventaire des charges locatives que le pro- priétaire ne pourra plus récupérer auprès de son locataire devra être établi par dé- cret. Une fois encore, nous partageons l’ob- jectif de transparence et de prévisibilité. Il convient d’encourager la lutte contre la commission d’un certain nombre d’abus commis par des bailleurs peu scrupuleux au détriment de locataires. Mais il convient selon nous de préserver le principe essen- tiel de liberté contractuelle au travers de ce décret d’application. Nous considérons que rien ne saurait remplacer la liberté des par- ties pour former une convention qui soit à la fois équilibrée et durable.

Que craignez-vous dans ce décret ?
AD : La forme rédactionnelle qui devrait être retenue est celle d’un « socle » de types de charges qui ne seront plus récupérables auprès du locataire. Ce qui signifie que le reste sera soumis à l’appréciation des parties, en fonction des circonstances. Avec d’autres représentants de bailleurs tels que la FSIF, le CNCC et Afilog, nous avons demandé que ne figurent pas parmi cette liste des postes aussi importants quela Taxe Foncière (TFPB) et la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM). Si tel n’était pas le cas, des simulations réalisées auprès de quelques SCPI, de tailles différentes et intervenant dans des secteurs d’investissement immobilier variés, nous ont permis de révéler une baisse possible de 20 % des revenus distribuables. Nous avons manifesté notre vive inquiétude auprès des pouvoirs publics quant au sort des centaines de milliers d’épargnants qui détiennent des parts de SCPI en tant que complément de retraite et qui serait à ce point réduit. Ce dossier a aussi un volet social que nous ne pouvons pas négliger.

Peut-être allez-vous être entendus ? Vous êtes bien arrivés in extremis à ne pas faire jouer le droit de préférence en cas de vente de portefeuille...
AD :
C’est exact. Cet exemple est symptomatique d’un avantage que le projet de texte entendait conférer au locataire sans qu’il puisse trouver une concrétisation dans la réalité. A l’origine, une société de gestion qui vendait simultanément une centaine de lignes de murs de boutique devait faire jouer le droit de préférence pour chacun des locataires sans que ces derniers aient vocation ou même envie de devenir propriétaires de leurs murs d’activité. En pratique, on remettait en cause la cession de « portefeuille immobilier » qui est une pratique intéressante pour les fonds et qui ne pose pas de sujet aux locataires. Les pouvoirs publics ont entendu notre argumentation et accepté de modifier le texte. Espérons qu’ils fassent de même pour la liste des charges refacturables.

Encadrement des loyers, droit de préférence en cas de vente, état des lieux... On a l’impression que les politiques veulent appliquer les règles des baux d’habitation aux baux commerciaux... Partagez-vous ce sentiment ?
AD :
Oui... Tout en rappelant que la forte protection dont bénéficient les locataires de leur logement n’est manifestement pas un facteur de résolution de la crise que nous connaissons. Plus largement, nous déplorons l’analyse selon laquelle un contrat de bail abriterait nécessairement un rapport de forces déséquilibré au détriment du locataire. Nous rappelons que c’est avant tout la conjoncture économique qui dicte l’ambiance des négociations contractuelles et que la période que nous connaissons impose à chacun de la retenue dans ses prétentions. Il nous reste à convaincre encore et toujours qu’une relation locative repose sur une communauté d’intérêts. Rappelons donc ces évidences : avant de produire le premier euro de biens ou de services, une entreprise a besoin d’une solution immobilière adaptée à ses caractéristiques et un bailleur professionnel tel qu’une SCPI ou un OPCI n’a aucun intérêt à voir ses locataires en difficulté. Dans un tel cas, ce dernier finit par quitter les lieux, or la vacance locative est un véritable centre de coût pour les fonds immobiliers.

Propos recueillis par Lucie Portejoie