26122024

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Immobilier

Le gouvernement et l'immobilier, la grande incompréhension

"Le  nombre  d'exilés  fiscaux  atteint  des  records",  s'exprimait  ainsi  le  délégué  général  du  Think  Tank  Génération  Entreprise  en  décembre  dernier.  5 000  d'entre  eux  auraient ainsi franchi nos frontières en quête d'horizons fiscaux plus cléments.

Pour autant, en grands amateurs des spécificités fiscales de nos voisins, nous nous étonnons souvent de l'intérêt finalement bien relatif de l'expatriation, ne serait-ce que pour des questions de coût de vie plus élevé ou de budget transport accru.
Pourquoi donc une telle hémorragie ? A notre sens, elle sanctionne, plutôt qu'une fiscalité confiscatoire, l'amateurisme grandissant de nos gouvernants.
L'anathème pourrait sembler politique s'il ne résonnait comme une vérité. Les « gaffes » des politiciens se sont multipliées au point de devenir un véritable phénomène, qui serait risible s'il ne sapait pas les fondements de notre droit.
Dernier épisode tragi-comique en date : la réforme de la fiscalité des plus-values immobilières. S'attelant à résoudre le problème du logement social, le gouvernement Ayrault avait décidé d'inscrire dans la loi de Finances pour 2013 un ensemble de mesures destinées à « mobiliser la fiscalité en faveur du logement social ».

Devant le coup d'arrêt porté au marché immobilier par l'allongement de la durée de détention à 30 ans pour bénéficier d'une exonération totale de la plus-value, une batterie de dispositifs étaient prévus. Parmi eux, nous avons évoqué, dans l'un de nos précédents articles (cf. Gestion de Fortune n°231), la création d'un nouveau régime défiscalisant, le Duflot. Y figurait également un abattement exceptionnel de 20 % sur la plus-value immobilière, destiné à fluidifier le marché de l'immobilier résidentiel en 013 et, pourquoi pas, permettre à des foyers modestes d'acquérir un logement. Les taux des prêts bancaires, historiquement bas, se prêtaient plutôt bien à la chose.

A peine la mesure évoquée qu'on découvrait avec stupéfaction, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012, une mesure visant à alourdir la fiscalité des plus-values à compter de 2013. Suite à un amendement surprise suggéré par le gouvernement, le projet prévoyait ainsi une « surtaxation » des plus-values immobilières supérieures à 50 000€, applicable à compter de... 2013.
Difficile de trouver une raison à cette contradiction : amnésie ? Indécision ? Difficulté à concilier les desiderata du puissant lobbying immobilier et les besoins des finances publiques ?
Le problème de l'articulation entre les deux dispositions n'aura finalement pas besoin d'être tranché, puisque le Conseil Constitutionnel, refusant la différence de traitement entre propriétaires d'immeubles bâtis ou de terrains à bâtir, a censuré, dans un ultime rebondissement, l'article qui contenait l'abattement exceptionnel de 20 %. On peut, du reste, s'interroger sur le sens d'une suppression intégrale de l'article quand une suppression partielle aurait suffi.
Seule subsiste donc la mesure alourdissant la fiscalité des fortes plus-values immobilières, dont on se demande encore en quoi elle va inciter les propriétaires fonciers à se défaire de leurs biens.

Une telle désinvolture dans l'exercice de la fonction législative n'est pas sans rappeler l'incroyable capharnaüm qui a accompagné l'adoption de la loi sur le logement social proposée par l'actuelle ministre du Logement, Cécile Duflot. Décrétant l'urgence, la ministre a accéléré les débats parlementaires pour faire passer sa loi en force, au mépris des règles en vigueur. Le Conseil Constitutionnel, constatant l'irrégularité de la procédure, l'a invitée à renouveler sa tentative. Un délai salutaire, puisqu'on s'est rendu compte, à cette occasion, que la liste des terrains dont l'Etat acceptait de se défaire pour y construire des logements sociaux était obsolète, incluant des immeubles vendus depuis des années, et omettant des biens vacants.

Si cette confusion chronique est préoccupante, révélatrice du nivellement de nos élites, la légèreté avec laquelle elles traitent les notions juridiques l'est encore plus. Nous faisons allusion à la modification de la fiscalité applicable aux cessions d'usufruit temporaire, introduite par la loi de finances rectificative pour 2012.
Le gouvernement, alerté par l'administration fiscale, s'est en effet ému d'une pratique devenue courante, celle de la cession de l'usufruit temporaire d'un bien immobilière ou de parts de société à prépondérance immobilière. Selon le schéma visé par le projet de loi, une telle pratique permet à un chef d'entreprise qui loue des locaux à son entreprise de lui céder le droit d'occuper les lieux pendant un nombre d'années déterminées. Par voie de conséquence, le vendeur troque ainsi la lourde fiscalité sur les revenus fonciers pour la fiscalité plus clémente des plus-values immobilières, échappant en même temps aux prélèvements sociaux. Pour mettre fin à cette stratégie d'optimisation fiscale, la loi de finances rectificative prévoit de taxer les plus-values de cession d'usufruit temporaire de biens, immobiliers ou mobiliers, dans la catégorie fiscale afférente au produit qu'ils produisent ou pourraient produire. Il faut comprendre par là que lorsqu'on vend l'usufruit temporaire d'un immeuble, la plus-value sera taxée comme un revenu foncier et non comme une plus-value immobilière.

Sur le fond, les motifs invoqués par le gouvernement pour mettre en place une telle mesure nous paraissent excessifs. D'une part, le régime fiscal des plus-values immobilières, passablement alourdi par le rallongement du délai de détention de 15 à 30 ans, rend les cas d'exonération de la plus-value très exceptionnels. Les opérations réalisées dans ce cadre, pour l'écrasante majorité soumises à impôt, procèdent donc d'un réel besoin plutôt que d'un opportunisme fiscal.

D'autre part, contrairement au schéma substituant une fiscalité à une autre que le gouvernement entend sanctionner, l'opération la plus fréquente revient à un cumul des deux fiscalités. En effet, l'immobilier d'entreprise est généralement logé dans une société civile immobilière. L'usufruit temporaire cédé ne porte pas sur l'immeuble lui-même, mais sur les parts de SCI. Dès lors, le bail unissant la société civile à la société d'exploitation, et, a fortiori, les loyers, sont maintenus. Il y a donc d'une part une plus-value taxée entre les mains du vendeur, représentant la jouissance future des parts pendant un nombre d'années déterminé, et d'autre part, des revenus fonciers taxés annuellement, entre les mains de l'usufruitier.
La nouvelle mesure revient donc à taxer deux fois le même revenu.

Alléché par la perspective d'accroître les recettes publiques, le législateur de la loi de finances rectificative déforme ainsi des notions de droit bien assises, au point d'en ôter toute logique. A mélanger toutes les notions de droit dans un grand chaudron, on en retire une soupe imbuvable. Dans le même esprit, pourquoi ne pas taxer les revenus du meublé comme ceux du foncier (l'abattement sur les revenus est de 30 %, au lieu de 50, encore un taux à aligner !), ou les indemnités des parlementaires comme les salaires des employés ? La mesure, au moins, ne provoquerait pas l'envol de nouveaux « pigeons », ceux-ci étant, par leur fonction, cloués à notre sol...

Isabelle Gauthier 


Mis en ligne le 17 janvier 2013