21112024

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Loi de finances

Secret professionnel des avocats : une restriction majeure


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Une récente circulaire du ministère de la justice met à mal le secret professionnel des avocats, notamment pour la protection des conseils donnés en matière fiscale. La profession du barreau a contesté la validité de ces commentaires. Le Conseil d’Etat vient de trancher*, et pas dans le bon sens ! CGP, notaires, experts comptables ont intérêt à y prendre garde.

L'association des avocats pénalistes et la conférence des bâtonniers ont demandé au Conseil d'Etat d’annuler pour excès de pouvoir la circulaire du Garde des sceaux du 28 février 2022 commentant l'article 56-1 du code de procédure pénale relatif aux perquisitions des cabinets d'avocats, cela à la suite de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire (n° 2021-1729 du 22 décembre 2021). La profession du barreau estimait que ce commentaire restreint le champ d'application de la protection du secret professionnel.
Dans sa décision le Conseil d'Etat reconnait une distinction majeure, dans le déroulé de la prestation de l’avocat, entre le secret professionnel des activités de conseil et celui relatif à la préparation de la défense.
Les magistrats déclarent en effet que « les documents résultant d'une activité de conseil d'un avocat après la commission d'une infraction par son client doivent être regardés -alors même que celui-ci ne fait l'objet d'aucune poursuite pénale ou mise en cause au moment où cette activité de conseil intervient- comme participant de la préparation d'une défense à venir et, à ce titre, comme relevant de l'exercice des droits de la défense ».

Mais « il en va autrement des documents résultant d'une activité de conseil d'un avocat avant toute commission d'une infraction par son client, lesquels -dès lors qu'ils ne relèvent pas de l'exercice des droits de la défense au sens du second alinéa de l'article 56-1 du code de procédure pénale- ne sont pas couverts par le secret professionnel et peuvent, en conséquence, faire l'objet d'une saisie ».

Par conséquent, selon le Conseil d'Etat, tout conseil donné postérieurement à la réalisation de l'infraction pénale par un avocat doit donc être considéré comme relatif à l'exercice des droits de la défense. Reste à savoir -puisqu’ici on est dans le cadre d’une contestation d’une circulaire administrative- si la Cour de cassation adoptera la même position dans le cadre d’une contestation d’une saisie de documents. On voit bien que la question de la date de l'infraction est centrale pour l'application du secret professionnel.

Pas de secret indivisible

Cet arrêt n’est pas en soi surprenant dès lors que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2022-1030 QPC du 19 janvier 2023, a déjà affirmé cette restriction du champ du secret professionnel. L’indivisibilité du secret mise en avant par le barreau n’existe plus, elle se heurte aussi à la jurisprudence de la Cour de cassation. L’avocat qui est soupçonné d’avoir participé à la commission d’une infraction, en tant qu’auteur ou complice, ne peut valablement invoquer son secret professionnel pour échapper aux mesures d’enquête (Cass. crim., 5 octobre 1999, n° 98-80.007). Il a été jugé également que « le secret professionnel de l’avocat ne peut faire obstacle à la saisie de pièces susceptibles d’établir la participation éventuelle de celui-ci à une infraction pénale » (Cass. crim., 14 janvier 2003, n° 02-87.062). La chambre criminelle de la Cour de cassation l’a encore récemment déclamé (Crim. 25/11/2020, 19-84304). Et la Cour de justice européenne a statué dans le même sens (CJUE 18/05/1982, AM Europe Limited).

Une confidentialité limitée

Donc, lors d’une perquisition dans un cabinet toutes les correspondances de l’avocat avec un client ou avec un conseiller en gestion de patrimoine l’ayant sollicité ne peuvent pas être protégées lorsqu’elles relèvent de l’étape du conseil ; elles ne peuvent l’être qu’après la commission de l’infraction. Il est donc important que le CGP, le notaire ou l’expert-comptable qui sollicite un avocat fiscaliste pour le compte d’un client aux fins de validation d’un montage, ou de conception d’une stratégie patrimoniale, ait bien en tête que la confidentialité des échanges n’est pas protégée. De même la transmission par le client de la consultation au CGP peut conduire à lever le secret professionnel de l'avocat.

Seuls les documents rédigés postérieurement à l'infraction sont couverts par le secret professionnel en ce qu’ils relèvent de la préparation de la défense. Cette protection, souligne le Conseil d’Etat, « s'appliquera lorsqu'une personne a commis ou pense avoir commis une infraction, mais non lorsque des conseils sont demandés à un avocat avant toute commission d'une infraction, et qu'il s'agit donc de conseils qui auraient pu être sollicités auprès de toutes les autres personnes exerçant des missions de conseil juridique, comme par exemple des notaires ».

 Attention pour les fraudes fiscales

La circulaire du ministère de la Justice, présentant le nouvel article 56-1-2 du code de procédure pénale, indique que cette disposition « apporte un tempérament à cette nouvelle protection du secret de l'activité de conseil, en précisant que ce secret n'est pas opposable aux mesures d'enquête ou d'instruction lorsque la procédure est relative aux (...) délits de fraude fiscale, de financement du terrorisme, de corruption ou de blanchiment de ces infractions ».

La circulaire précise en outre, sous réserve de la jurisprudence à venir de la Cour de cassation, que si une personne -physique ou morale- ayant commis un délit de fraude fiscale « utilise les conseils et documents fournis par l'avocat, sous couvert de la préparation de sa défense, pour poursuivre la commission de cette fraude fiscale, et que donc les consultations, correspondances ou pièces, détenues ou transmises par l'avocat ou son client établissent alors la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission de cette infraction, la saisie sera possible ».

*Conseil d'Etat 6ème chambre 1er mars 2024, n°46295

JDE