Loi de finances
Pacte Dutreil : la transmission des actifs patrimoniaux en sursis
- Jeudi 30 novembre 2023 - 08:01
- | Par Jonathan Blondelet
Le projet de loi de Finances pour 2024 exclut du champ du dispositif la location de locaux meublés ou équipés. Une réflexion est en cours à Bercy pour recentrer encore plus le pacte sur les actifs professionnels.
Depuis que l’examen parlementaire sur le projet de loi de Finances (PLF) pour 2024 a commencé, les professionnels du pacte Dutreil enchaînent les sueurs froides alors même que Bercy n’a pas encore tiré ses dernières cartouches.
La commission des finances de l’Assemblée nationale a dégainé la première, votant sur proposition d’un député Renaissance la suppression du dispositif d’exonération d’ici à 2026.
Le gouvernement a actionné l’article 49-3 de la Constitution pour faire transiter le texte de force vers la chambre haute, sans l’amendement de suppression du Dutreil mais avec un autre de son cru.
Pas d’exonération pour le « patrimoine privé »
Le texte, examiné en ce moment même au Sénat, légalise une partie de la jurisprudence et de la doctrine administrative en matière de Dutreil, tout en mettant un terme à leurs contradictions. Pour rappel, le pacte Dutreil permet d’exonérer 75 % de la valeur des titres d’une entreprise de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) lors d’une transmission ou donation, dans l’optique de préserver les entreprises familiales.
L’amendement gouvernemental exclut du champ du dispositif les activités de gestion « de son propre patrimoine », à savoir la location meublée et équipée. Celui-ci est réservé aux activités dites opérationnelles, à savoir industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou libérales.
Les juridictions administratives comme civiles s’étaient pourtant prononcées en faveur de l’éligibilité des locations meublées, contre l’avis de l’administration. Le Conseil d’Etat a ainsi considéré, dans une décision récente, qu’aucune disposition légale ne permettait « de dénier de manière générale à la location de locaux meublés à usage d’habitation » le caractère commercial de l’activité au sens du Dutreil.
En réponse, le gouvernement a décidé de graver l’interdiction dans la loi. « Il n’est pas cohérent, au regard de l’objectif poursuivi par le dispositif Dutreil de pérenniser le tissu économique au moment de la transmission des entreprises par décès ou par donation, d’accorder l’exonération à la simple transmission d’un patrimoine privé mis en société », écrit-il dans l’exposé des motifs.
Première pierre
Il ne s’agit là que de la première pierre d’un rétrécissement du Dutreil qui semble maintenant immuable et fait d’ailleurs l’objet d’un « teasing » à la fin de l’amendement, prévu « dans l’attente d’autres précisions qui pourraient centrer la mesure sur la transmission d’actifs professionnels ».
Selon Philippe Gosset, avocat fiscaliste à CMS Francis Lefebvre, l’exécutif avait initialement prévu de déposer un second amendement au Sénat en ce sens, avant de reculer devant la pression des associations professionnelles.
L’idée n’est pas enterrée pour autant. Interrogé par Gestion de fortune, Bercy a confirmé qu’une réflexion était en cours sur le sujet, mais qu’elle « s’inscrit dans une temporalité qui n’est pas conciliable avec ce PLF ». Pas de nouvel amendement prévu à ce stade donc, mais le sursis du régime actuel est bien temporaire.
« Si la réforme exclut du champ du dispositif les actifs patrimoniaux purement accessoires, cela pourrait grandement freiner la transmission des grands groupes familiaux du fait du changement des règles en cours de jeu, alerte Philippe Gosset. Les transmissions nécessiteront le plus souvent une restructuration préalable du patrimoine professionnel coûteuse et parfois même impossible, en présence de multiples actionnaires familiaux et/ou manque de liquidités. A défaut de reclassement possible, la réforme pourrait conduire à des ventes à des investisseurs tiers, le cas échéant étrangers, plutôt qu’à une transmission intrafamiliale qui est pourtant l’objectif premier recherché par le dispositif Dutreil. »