28102025

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Fiscalité

Pacte Dutreil : l’heure du recentrage ?

Panorama de lhémicyle de lassemblée nationale 1

Longtemps épargné, le pacte Dutreil pourrait bien être rattrapé par la rigueur budgétaire, alors que l’Assemblée nationale emboîte le pas à la Cour des comptes pour cantonner l’assiette de l’abattement aux biens professionnels. D’autres amendements pourraient suivre.

 

 

 

 

 

Alors que les députés s’écharpent sur la meilleure manière de ramener le déficit à 4,7 % du PIB, la modification du pacte Dutreil fait partie des mesures envisagées pour faire davantage contribuer les grandes fortunes. Le dispositif avait déjà été brocardé par la Cour des comptes en septembre 2024 comme l’un des mécanismes dérogatoires susceptible d’expliquer l’impopularité de l’impôt sur l’héritage.

Mauvaise évaluation

L’exonération fait partie de ces dispositifs qui favorisent « de facto les ménages aux patrimoines importants » et dont l’impact sur les finances publiques est incertain « faute de données plus précises et actualisées », pointait l’institution.

Un an plus tard, les Sages de la rue Cambon proposent leurs estimations dans un rapport qui, bien que révélé par Le Monde il y a une semaine, n’a pas encore été officiellement publié tant son contenu est explosif. La Cour des comptes bat en brèche un dispositif à l’efficience économique « faible » en raison d’un coût élevé lié à des règles « exagérément favorables », sans « effet notable » sur l’emploi ou l’investissement.

Le coût du pacte Dutreil, officiellement de 500 M€ dans chaque loi de finances depuis 2011, avait déjà été jugé peu crédible par le Conseil d’analyse économique qui l’estimait en 2021 plutôt entre 2 et 3 Md€ par an.

Dispositif inflationniste

L’évaluation de la Cour des comptes fait elle état d’une inflation du dispositif depuis 2020, de 1,2 Md€ à 5,5 Md€. L’article du Monde attribue cette dynamique à « deux très grosses donations, en 2023 et 2024 » ainsi qu’à la « crainte – récurrente depuis quelques années – d’une réforme qui durcirait les règles ».

A raison, puisque la loi de finances pour 2024 a déjà exclu du champ du dispositif les activités de gestion « de son propre patrimoine », à savoir la location meublée et équipée. Celui-ci est réservé aux activités dites opérationnelles, à savoir industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou libérales.

L’amendement qui avait introduit cette exclusion précisait dans son exposé des motifs faire office de premier rétrécissement « dans l’attente d’autres précisions qui pourraient centrer la mesure sur la transmission d’actifs professionnels ». Le gouvernement alors en place prévoyait en effet de déposer un second amendement, avant de finalement reculer devant la pression des associations professionnelles.

One direction

Le projet de loi de finances (PLF) actuellement débattu en séance publique à l’Assemblée nationale pourrait bien permettre de remédier à ce premier rendez-vous manqué, tant les amendements des différents groupes déposés lors du passage en commission des finances tendent dans cette même direction.

Celui du groupe Liot – adopté même si le PLF a été rejeté par la commission – supprime la possibilité d'intégrer des biens personnels dans le champ de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG). Son bénéfice serait ainsi limité à la seule fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle de la société. La durée de détention minimale des actions transmises dans le cadre du pacte serait quant à elle portée de quatre à six ans.

Ces pistes de réformes sont aussi présentes dans le rapport de la Cour des comptes, qui fourmille d’idées en la matière. L’institution suggère par exemple de réduire l’abattement (pour certaines entreprises ou de façon générale) voire de le supprimer en présence d’une opération de family buy out, « car celle-ci permet de raboter l’impôt de personnes qui sortent de l’actionnariat et de la gouvernance », précise Le Monde.

To be continued

Si l’exclusion des biens professionnels va dans le sens des travaux du gouvernement depuis deux ans, ce dernier n’a pas encore abattu toutes ses cartes. L’exécutif a simplement assuré par l’intermédiaire de sa ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, qu’un débat sur le dispositif aurait bien lieu.

Le ministre des PME et du commerce Serge Papin, lors d’une interview donnée à BFM Business le 28 octobre, a défendu le principe de l’exonération tout en apportant son soutien aux amendements de la représentation nationale, estimant légitime que les « biens somptuaires » n’en fassent pas partie. « Le Pacte Dutreil est un pacte avec la France, notre souveraineté économique en dépend », a-t-il martelé.

Le ministre a précisé être en discussions avec Bercy pour créer un « pacte Dutreil salarié », une adaptation du dispositif fiscal de faveur aux transmissions envers les salariés de TPE.