09032025

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Fiscalité

Omnibus : les acteurs balancent entre simplification et préservation de l’acquis

vertgreenloupeweb

Les investisseurs, tout en se montrant compréhensifs sur l’exigence des reportings, appellent l’Union européenne à ne pas perdre le cap de la durabilité alors qu’elle suit sa boussole de compétitivité. Banques, chercheurs et associations tentent chacun de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

 

 

 

 

 

Après des années intenses à mettre sur pied une régulation extra-financière ambitieuse, la Commission européenne a brusquement changé de braquet. Au « Pacte vert » a succédé la « Boussole de compétitivité », dans lequel s’inscrit le paquet Omnibus qui doit être présenté le 26 février.

Vers la simplification

Objectif, alléger les obligations qui pèsent sur les entreprises, en revoyant trois textes majeurs dans le sens de la simplification : la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD), la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D) et le règlement Taxonomie, qui vise à identifier les activités économiques durables.

Le Groupe des investisseurs institutionnels sur le changement climatique (IIGCC), le Forum européen de l’investissement durable (Eurosif) et les Principes pour l’investissement responsable (PRI) ont appelé dans une déclaration commune à « préserver l’intégrité et l’ambition » du cadre de la finance durable.

S‘ils considèrent qu’une rationalisation des normes techniques est indispensable, la cohorte d’investisseurs rappelle que ces réglementations sont des « pierres angulaires fondamentales de l’architecture de la politique de durabilité de l’Union européenne ». Ainsi, la base de travail qu’elles leur fournissent leur permet de « gérer les risques » et « identifier les opportunités, favorisant in fine la croissance économique à terme.

Labels déjà alignés

Pour les investisseurs français, il s’agit d’un enjeu d’autant plus crucial que les labels de finance durable ISR et Greenfin ont déjà aligné, au moins partiellement, leur cahier des charges sur ce dispositif.

Le Forum pour l’investissement responsable (FIR), qui soutient la déclaration, ajoute que les normes environnementales et sociales européennes protègent les PME-ETI d’un dumping et d’une concurrence déloyale. « Il convient donc de ne pas surinterpréter leur message et de ne pas laisser perdurer l’idée qu’une remise en cause des directives ESG, adoptées sous présidence française de l’UE, améliorerait leur compétitivité », écrit l’association.

Qualité de la donnée...

L’association française de la gestion d’actifs (AFG) adopte une attitude similaire, demandant une révision équilibrée entre simplification et préservation de la compétitivité européenne. Un point de vigilance porte sur l’élévation des seuils au-delà desquels les obligations de reporting s’appliquent.

A trop vouloir soulager les entreprises de plus petite taille, le législateur européen risquerait d’accroître la dépendance des investisseurs aux fournisseurs de données ESG, « ni régulés ni supervisés », le coût de la donnée et les risques de greenwashing. « Qui contrôle la donnée, sa qualité, son accessibilité et son coût, contrôle également l’allocation des flux financiers », prévient l’AFG, qui demande aussi de conserver la double matérialité comme pilier fondamental de l’analyse ESG.

… Ou dilution ?

Les banques adoptent un langage un peu différent, qui penche plutôt du côté des émetteurs. « La quantité d’information demandée est excessive pour les entreprises de toutes tailles qui doivent la collecter et payer divers prestataires, au détriment de leurs efforts consacrés directement aux projets de transition ; de plus, une information trop importante dilue les données réellement importantes pour prendre les décisions », plaide la Fédération bancaire française (FBF).

L’association s’inscrit dans le sillage du rapport « Less is more », remis au Parlement européen il y a quelques jours, qui prône la simplification du cadre réglementaire et la révision de la gouvernance des Autorités européennes de surveillance (AES).

Première vague

Du côté des chercheurs européens, c’est tout l’inverse. 240 d’entre eux ont publié une lettre ouverte pour exprimer leur crainte d’une simplification qui ne serait que le paravent d’un détricotage des textes. Leur inquiétude est d’autant plus grande que le projet Omnibus est présenté comme la première étape d’une vague de déréglementation plus large soutenue par plusieurs Etats-membres, dont la France ou l’Allemagne, alors que ces mêmes pays ont inspiré une partie des réglementations aujourd’hui sur le grill.

« La recherche indique que le temps consacré à l’échange de données sur le développement durable est relativement limité et que la valeur ajoutée pour les acteurs du marché - en particulier à long terme - est substantielle », justifie Martijn Jeroen Van Der Linden, professeur de nouvelle finance à l’université des sciences appliquées de La Hay.

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) défend des instruments « essentiels pour lutter contre les violations persistantes des droits humaines ». Elle déplore le manque de transparence, d’étude d’impact et de consultations en amont du paquet Omnibus, qu’elle qualifie d’« affront aux principes démocratiques de l’Union européenne ».