Fiscalité
La « taxe Zucman » votée en première lecture à l’Assemblée nationale
- Vendredi 21 février 2025 - 15:15
- | Par Jonathan Blondelet
L’impôt plancher sur la fortune serait égal à 2 % du patrimoine taxable des contribuables possédant plus de 100 M€ si les autres impôts acquittés n’aboutissent pas à ce montant. Le gouvernement a exprimé sa pleine opposition au texte porté par le groupe écologiste.
La niche parlementaire des écologistes a été fructueuse. Les députés ont adopté dans la même journée du 20 février un texte sur les polluants éternels (PFAS) et, par 116 voix contre 39, une proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra riches.
Celui-ci vise les « 0,01 % des contribuables les plus riches, possédant plus de 100 M€, afin de s’assurer qu’ils paient au moins 2 % de leur fortune en impôts », indique l’exposé des motifs. Selon l’économiste Gabriel Zucman (qui a donné son surnom à la proposition de loi), cette contribution plancher pourrait générer entre 15 et 25 Md€ de recettes, touchant environ 4 000 contribuables.
Ceux-ci devront s’acquitter de l’impôt plancher sur la fortune (IPF) s’ils ne s’acquittent pas déjà, via l’impôt sur le revenu, l’IFI, la CSG, la CRDS et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) d’un impôt égal à 2 % de la valeur nette taxable de leur patrimoine.
Assiette large
L’impôt cible les contribuables domiciliés fiscalement en France pour l’ensemble de leurs biens situés en France et à l’étranger, ainsi que ceux domiciliés à l’étranger à raison de leurs biens situés en France.
L’assiette de l’IPF inclut la « valeur nette de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux contribuables concernés au 1er de chaque année », de même que les biens des enfants mineurs si le parent en détient l’administration légale et le patrimoine du concubin.
L’assurance vie est également concernée pour « empêcher des tentatives d’évasion fiscale ». Sont de même inclus, à quelques exceptions près, les biens grevés d’un usufruit pour leur valeur en pleine propriété et les biens ou droits transférés dans une fiducie ou un trust (sauf certains trusts irrévocables).
La double présomption de propriété, initialement destinée aux titres financiers pour les successions, serait étendue à l’IPF. Un abattement d’un million d’euros s’appliquerait à la valeur vénale du bien occupé à titre de résidence principale.
Enfin, le texte prévoit une forme d’exit tax, toujours dans son objectif de lutte contre l’exil fiscal.
Impôt régressif
Pour justifier de son bien-fondé, le texte s’appuie sur une étude de l’Institut des politiques publiques qui avait calculé que le système d’imposition était régressif pour les plus gros patrimoine, grâce à des montages fiscaux via des sociétés holdings.
La mesure risque-t-elle de faire double emploi avec la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), qui prévoit un taux minimal d’imposition de 20 % pour les contribuables assujettis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), à partir de 250 000 € pour une personne seule et à 500 000 € pour un couple ?
Les écologistes font valoir un impôt « limité dans le temps » et « assis sur les revenus », que les grandes fortunes peuvent justement minimiser. « Cette contribution ne résolvait donc pas le problème de manque de progressivité du système fiscal dans son ensemble », écrivent-ils.
Projet alternatif
Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, a exprimé l’opposition du « socle commun » à la création de l’IFP. La mesure est jugée « confiscatoire et inefficace » et portant en germe un risque d’exil fiscal. Clémentine Autain et les autres membres du groupe écologistes répondent qu’il n’y « aucune crainte à nourrir ». Ils s’appuient sur une étude de France Stratégie montrant que jusqu’en 2017, seuls 0,2 % des contribuables éligibles à l’ISF s’étaient expatriés.
En guise de contre-attaque, le gouvernement est attelé à la création d’un « impôt minimal différentiel » égal à 0,5 % du patrimoine, qui exclut les biens professionnels. L’IPF a en pratique peu de chances de survivre aux navettes parlementaires : la « taxe Zucman » avait déjà été adoptée en octobre 2025 dans le cadre du budget, mais n’avait pas survécu à l’examen du Sénat et au 49-3 gouvernemental.