21112024

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ZAN : les notaires veulent créer une bourse d’échange


réchauffement climatique ours polaireLe 120e Congrès des notaires, axé sur l’urbanisme durable, prône l’assouplissement du régime d’artificialisation des sols, mais également apporter quelques entorses au droit de propriété pour faire face aux défis environnementaux de notre siècle.

 

 

 

 

  

Les propositions du 120e Congrès des notaires, dévoilées le 12 septembre, soufflent le chaud et le froid quant à l’accompagnement des règles d’urbanisme face aux défis environnementaux.

Certaines propositions visent à assouplir les contraintes qui pèsent sur les porteurs de projet, à commencer par la politique Zéro artificialisation nette (ZAN). Pour rappel, la loi Climat et résilience fixe un double objectif : de réduction de moitié du rythme d’artificialisation des sols entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente, et d’arrêt de l’artificialisation d’ici 2050.

Réallocation des droits à artificialiser

La 3e commission propose d’instaurer un système de réallocation des droits à artificialiser, qui permettrait aux communes de s’échanger leurs droits alloués dans la limite de 20 %. Michèle Raunet, présidente de la 3e commission, pose quelques garde-fous pour rassurer ceux qui ont encore en mémoire les mauvaises expériences passées de ce type, comme le marché des quotas carbone : « Une seule entité serait maître de la réallocation et les droits complémentaires ne pourraient être acquis ou vendus que pour des projets d’intérêt général. Les communes pourront ainsi anticiper l’objectif de 2050 tout en évitant d’artificialiser si les droits alloués sont supérieurs aux besoins. »

Une autre proposition, toujours dans le sens des porteurs de projet, s’engouffre dans une thématique qui a fait l’objet de 10 réformes ces 30 dernières années, le contentieux d’urbanisme. « Le sujet n’est pas réglé pour autant, assure Michèle Raunet. Lors des recours, les moyens relatifs au droit environnemental sont importants et percutent les autorisations d’urbanisme. La solution n’est pas de faire une énième réforme du contentieux de l’urbanisme, mais de systématiser le diagnostic environnemental pour toutes les autorisations. » Une autorisation de projet unique engloberait urbanisme et environnement, afin de limiter les mauvaises surprises des opérateurs une fois le permis de construire accordé.

Aide à l’acquisition de biens rénovés

La commission pousse d’autres assouplissements législatifs au service de la transformation urbaine. Certains visent à faciliter la mobilité des commerçants aux entrées de villes pour favoriser la conversion des zones commerciales en quartiers mixtes et durables. D’autres, à privilégier la transformation du bâti existant en limitant les opérations de démolition-reconstruction, qui pourraient se voir refuser pour des motifs environnementaux. Ou encore, d’inciter fiscalement les porteurs de projets à la rénovation - en les exonérant par exemple de taxe foncière pendant la durée des travaux - et les acquéreurs particuliers à acheter des biens rénovés grâce à une aide à l’acquisition axée sur MaPriménov’.

Le 120e Congrès des notaires ne se résume cependant pas à déverser de l’assouplissant sur le droit positif. Sa créativité et sa proposition la plus symbolique réside certainement dans la création d’un statut de l’arbre. A l’instar des animaux considérés depuis 2015 comme des « êtres dotés de sensibilité », le végétal gagnerait en grade dans le Code civil pour ne plus être seulement un bien immeuble mais « un organisme vivant dont la préservation est d’intérêt général ». Le résultat serait cependant moins symbolique puisque la coupe des racines ou l’élagage des branches « susceptibles d’attenter à la vie de l’arbre » nécessiterait de démontrer un trouble anormal de voisinage.

Créer la propriété temporaire

Autre proposition notable, instaurer une propriété temporaire pour faire face au recul de trait du côté pour les biens concernés. « Alors que le niveau de la mer a augmenté de 30 centimètres depuis le début de l’ère industrielle, le Giec projette un mètre d’ici la fin du siècle, rappelle Eric Meiller, président de la 1ère commission. Les digues arrivent à leurs limites et le droit n’a pas vraiment de solution car le concept de ville n’est pas nomade. »

En France, 450 000 logements risquent d’être affectés à l’horizon 2100. Or, les notaires constatent un « déni total du marché », des acquéreurs comme des agents immobiliers, les valorisations des biens ne laissant pas transparaître d’inquiétude quant à demain.

Il faudra pourtant bien se préoccuper du sujet puisque sur le principe, les propriétaires touchés par la montée des eaux n’ont en principe ni droit à une indemnisation publique - tout terrain gagné par la mer devient propriété de l’Etat - ni de bénéficier du régime assurantiel des catastrophes naturelles (Cat-Nat).

Habiter jusqu’à la fin

Pour provoquer une prise de conscience, les agents ministériels veulent ouvrir la possibilité pour les biens concernés par le « droit de préemption recul du trait de côte » d’une préemption ou d’un délaissement - un équivalent - qui porte uniquement sur le sol et le tréfond. Le propriétaire pourrait ainsi continuer à habiter le bien aussi longtemps que l’érosion le permet.
« Le but est d’envoyer un signal au marché pour qu’il sorte du déni et se corrige afin d’arriver à des prix en rapport avec la réalité du phénomène », justifie Eric Meiller.