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La finance responsable moins regardante sur la défense
- Vendredi 6 juin 2025 - 09:15
- | Par Michel Lemosof
Nécessité fait loi ! Les menaces d’une hypothétique extension de conflits armés ont fait voler en éclats la rigueur extra-financière, avec ses normes environnementales et sociales. Des experts se penchent sur la question.
« Il a fallu, fait remarquer dans le magazine Gestion de Fortune Vincent Auriac, président d’Axylia, que Donald Trump prévoie un désengagement de l’armée américaine en Europe pour que l’Europe se soucie de sa défense. »
Pour sa part, Eric Simonnet, responsable investisseurs France et Luxembourg chez Triodos Investment Management, fait toutefois observer que la défense est « kaki, pas verte ! ».
Dans un entretien à Citywire, il déclare notamment : « L’armement ne contribue ni à la préservation de l’environnement, ni au progrès social. Si l’on veut parler d’investissement durable, il faut que celui-ci ait un impact positif tangible sur la société et la planète. Il est impératif de ne pas travestir la réalité. »
Le cahier des charges du Label ISR interdit les armes controversées : chimiques ou biologiques, mines antipersonnel, bombes à sous-munitions… Les armes conventionnelles (artillerie, avions, chars, navires, lanceurs de missiles…) sont autorisées, comme l’arme nucléaire, bien que les fonds « à impact » – les plus exigeants – excluent l’armement, ne serait-ce que pour des raisons éthiques, mais ils gèrent seulement 3 % des encours des fonds durables.
Branle-bas de combat
Dans la mesure où ils se contentent de répliquer un indice boursier, les ETF sont beaucoup moins stricts. Quelques-uns ont même été lancés sur le thème de la défense (par VanEck, WisdomTree, Amundi ou BNP Paribas, par exemple).
Au demeurant, aucun centime ne finance l’armement par leur intermédiaire. En effet, ces ETF investissent en Bourse – qui est un marché secondaire, un marché d’occasion – et n’apportent pas d’argent aux émetteurs. Ils permettent, néanmoins, de profiter de l’engouement pour les valeurs du secteur.
En revanche, les fonds de capital-investissement, qui s’adressent aux institutionnels, aux professionnels ou aux personnes fortunées, peuvent être des pourvoyeurs de capitaux.
Dans une tribune, Philippe Zouati, directeur général de Mirova, se dit favorable à la création d’obligations spécifiques, les « defense bonds », comme il existe des « green bonds ». Eric Simonnet, qui souligne dans une vidéo que le financement de l’industrie de défense est du ressort de l’Etat, estime également que des emprunts d’Etat seraient une solution, de même que le livret dédié en préparation.
Chez BDL Capital Management, Laurent Chaudeurge, membre du comité d’investissement, analyse lui aussi la situation dans une synthèse nuancée : « La finance durable joue un rôle indispensable dans le développement d’un modèle économique et sociétal harmonieux, mais elle s’est construite sur deux principes qui montrent aujourd’hui leurs limites.
Premièrement, elle a voulu ancrer l’idée que le profit était accessoire et que seule l’intention comptait véritablement. Deuxièmement, elle a érigé des dogmes pour diviser le monde en deux, le bien et le mal, alors que la réalité est souvent bien plus subtile. »
Le sujet de savoir si la défense relève de la finance responsable et de l’investissement durable n’est pas nouveau.
En 2021, Florence Parly, alors ministre des Armées, avait eu cette formule : « Si nous nous mettons à considérer que la défense de nos citoyens n’est pas une activité durable, alors nous ne durerons pas bien longtemps. »
ML