Fiscalité
Réduction d'impôt : un cas d'école de mauvaise foi du fisc
- Mardi 18 juillet 2017 - 11:21
- | Par Gestion de Fortune
Dans cette affaire qui vient d'être soumise au Conseil d'Etat, la SAS Tethys, holding de la famille Bettencourt, avait investi 2,5 M€ dans la SAS Bey Medias (le quotidien L'Opinion). Le fisc refusait le droit à une réduction d'impôt. Un refus plus politique que légal.
Cette SAS Bey Medias a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la directrice de la législation fiscale du 23 mai 2013 qui a rejeté sa demande sur l'éligibilité à la réduction d'impôt de 25 % pour investissement dans une entreprise de presse (instituée par l'article 220 undecies du Code général des impôts).
Bercy a justifié ce refus en expliquant que cette SAS Bey Medias n'a pas la qualité d'entreprise éditrice. L'administration arguait qu'il existe une holding de tête (Bey Medias SAS) et une filiale opérationnelle qui édite le quotidien L'Opinion (Bey Medias Presse & Internet SASU). Elle estimait que la réduction d'impôt ne pouvait concerner que la filiale opérationnelle, et non la holding de tête où la holding de la famille Bettencourt avait investi.
Par un jugement du 23 septembre 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision pour « erreur de droit ». En effet, la loi permet l'avantage fiscal pour les sociétés exploitant un journal, il n'est nullement exigé de ces sociétés qu'elles soient des « entreprises éditrices » (au sens de l'article 2 de la loi du 1er août 1986). Bercy ajoute une condition non prévue.
Par un arrêt du 2 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté à nouveau l'appel formé par le ministre des Finances. Un double échec qui n'a pas empêché le ministre de l'Economie et des Finances de persister à demander l'annulation de cet arrêt. Un acharnement curieux (2).
Le 10 juillet dernier, le Conseil d'Etat a débouté pour la troisième fois Bercy et l'a condamné « dans les circonstances de l'espèce » (allusion à une mauvaise foi patente) à payer au quotidien 3 000 € de frais de procédure, mettant un terme définitif au litige.
(Conseil d'État, 10 juillet 2017, N° 396631)
(1) Aux termes du I de l'article 220 undecies du Code général des impôts : « Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 25 % du montant des sommes versées au titre des souscriptions en numéraire réalisées entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2013 au capital de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et exploitant soit un journal quotidien, soit une publication de périodicité au maximum mensuelle consacrée à l'information politique et générale ».
(2) « Harcèlement fiscal, acharnement procédurier, si l'on doit juger l'existence d'un titre au niveau de tracasseries et de coups bas dont il est victime », dénonçait son directeur de la rédaction, Nicolas Beytout, le 14 juin 2016.