Fiscalité
Le Conseil d'Etat borne l'application de l'exit tax
- Jeudi 6 mars 2025 - 09:16
- | Par Jonathan Blondelet
La juridiction a jugé contraire aux principes du droit européen la « petite rétroactivité » du projet de loi de finances rectificative de 2011. Le législateur l’avait fixé au moment d’une annonce ministérielle aux contours flous en fin de colloque, plutôt qu’à la présentation officielle du texte en Conseil des ministres.
La récente décision du Conseil d’Etat sur l’« exit tax » (1) va donner du grain à moudre aux débats autour de la « petite rétroactivité » de la loi de finances pour 2025.
Dans cette décision, la haute juridiction estime que la mesure issue de la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 ne peut s’appliquer qu’aux transferts de résidence intervenus à compter du 11 mai 2011.
Sursis et exonération
Le contribuable en litige avec l’administration avait transféré son domicile fiscal en Belgique le 15 avril 2011 puis déclaré le 28 juin 2012 ses plus-values latentes afin de bénéficier du sursis d’imposition.
Pour rappel, l’exit tax cible les plus-values latentes des actions des contribuables qui changent de pays de domiciliation fiscale. Elle s’applique si la personne a été résidente fiscale en France pendant au moins 6 des 10 années précédant le départ et qu’elle détient au moins la moitié des droits dans une société ou que sa participation dépasse 800 000 euros.
L’imposition est différée jusqu’à la vente des titres si le lieu d’expatriation se situe dans l’Union européenne ou l’Espace économique européen, mais une exonération totale s’applique sous condition de détention des titres pendant cinq ans.
Sécurité et confiance
L’administration fiscale exige du contribuable l’impôt sur le revenu et les contributions afférentes à ces plus-values. Le contribuable en demande la décharge mais perd en 1e comme en 2nd instance.
Le Conseil d’Etat, tout en considérant que l’exit tax n’est pas contraire à la liberté d’établissement car justifié par une raison impérieuse d’intérêt général (en l’occurrence préserver le pouvoir d’imposition de la France), juge que l’application rétroactive de la loi à compter du 3 mars 2011 porte atteinte aux principes européens de confiance légitime et de sécurité juridique.
Le législateur avait fixé cette date car il s’agissait celle à laquelle le ministre du Budget de l’époque avait exposé, en clôture d’un colloque sur la fiscalité du patrimoine, les différents scénarii de réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune envisagée par le Gouvernement en vue de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative.
Flou artistique
Il avait fait état d’une réflexion en cours relative à la manière d’appréhender « le revenu du contribuable qui s’expatrie non pour des raisons professionnelles mais seulement le temps d’échapper à la taxation de sa plus-value ». Or, cet exposé était non seulement bref et en fin de propos, mais le ministre avait conclu en indiquant qu’aucune décision n’avait été prise à ce stade et que le projet de loi à venir serait le fruit d’un travail « de concertation et de réflexion ».
« De tels propos, eu égard à leur caractère prospectif, ne peuvent être regardés comme annonçant le rétablissement d'une imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France », tranche le Conseil d’Etat, qui juge que les contribuables pu vent de la réforme qu’à compter du 11 mai, date de présentation officielle du projet de loi en Conseil des ministres.
(1) 05/02/2025, 9e et 10e chambres réunies, n°476399