Fiscalité
L’Assemblée nationale se frotte au casse-tête de l’indivision successorale
- Vendredi 7 mars 2025 - 12:16
- | Par Jonathan Blondelet
Face aux difficultés liées à la multiplicité d’héritiers sur un bien, particulièrement aiguës dans les territoires ultramarins, les députés ont adopté en première lecture une proposition de loi visant à simplifier les procédures de sortie d’indivision.
Si l’indivision successorale peut poser problème en métropole, le problème est d’une toute autre ampleur dans les territoires ultra-marins. Les successions tournent souvent au casse-tête pour les notaires confrontés à des propriétés morcelées au fil du temps, regroupant parfois plusieurs dizaines, voire centaines d’héritiers.
Les litiges peuvent durer plusieurs décennies, empêchant toute valorisation du patrimoine, favorisant la hausse des prix du foncier et freinant le développement du territoire.
Insuffisances de la loi Letchimy
La loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dite loi Letchimy, n’a pas vraiment résolu cette problématique.
La Direction nationale d’intervention domaniale (DNID) évalue à 22 % du stock immobilier total disponible (soit plus de 5 500 immeubles en 2022) ces immeubles en succession vacante, parfois à l’abandon depuis de nombreuses années.
« Nous assistons à la multiplication des biens immobiliers en état d’abandon, que ce soit la conséquence d’indivisions conflictuelles ou de successions vacantes, lorsqu’aucun héritier n’a pu être trouvé », indique dans son exposé des motifs une proposition de loi visant à simplifier la sortie de l’indivision successorale, votée en première lecture à l’Assemblée nationale le 6 mars.
Aliénation facilitée
Le loi Letchimy prévoit que la vente du bien peut être autorisée par le tribunal judiciaire si au moins deux tiers des droits indivis se prononcent en faveur de la vente, si tant est qu’elle n’entraîne pas d’atteinte excessive aux intérêts des autres indivisaires. Cette est souvent insuffisante dans les DROM-COM - où s’applique la loi - compte tenu du nombre élevé d’héritiers sur certains biens. Le Conseil supérieur du notariat a d’ailleurs relevé que cette procédure n’est pas souvent utilisée dans la pratique.
La rapporteuse Louise Morel (Ensemble !), qui pensait initialement étendre la loi Letchimy à l’ensemble de la France, a finalement opté pour renforcer le dispositif dans les territoires concernés en abaissant le seuil des droits nécessaires pour l’aliénation du bien de deux tiers à la moitié.
Administration renforcée
La proposition de loi vise aussi à mettre fin aux indivisions comprenant au moins un indivisaire dont la succession est déclarée vacante. La DNID verrait ses prérogatives renforcées dans l’exercice de sa mission de curateur à succession vacante. Lorsque l’indivision est constituée depuis au moins dix ans ou lorsqu’elle comprend un indivisaire décédé depuis au moins deux ans dont la succession a été déclarée vacante, et lorsque l’identité ou l’adresse d’un indivisaire n’est pas connu, l’autorité administrative pourrait demander au tribunal judiciaire à passer seule l’acte de vente du biens indivis ou la requérir par voie de licitation.
Si l’un des indivisaires s’oppose à la vente ou n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté, la DNID pourrait être autorisée à passer seule l’acte de vente dès lors que celui-ci n’excède pas une certaine valeur à fixer par décret.
Expérimentation du droit asacien-mosellan
Un autre pan du texte prévoit d’expérimenter pendant cinq ans dans les départements volontaires le régime du partage judiciaire de droit alsacien-mosellan. Ce droit local accorde au notaire des moyens renforcés pour faire avancer la procédure et limite les allers-retours devant le juge. En cas de non-comparution à une réunion organisée par l’officier civil, les absents sont présumés consentir au partage, qui s’imposera donc à eux malgré leur absence. Par ailleurs, l’indivisaire peut solliciter directement un partage judiciaire sans passer par la case partage amiable, contrairement au droit commun.
Recensement des biens en déshérence
La proposition de loi veut enfin créer une base de données recensant les biens en état d’abandon manifeste destinées aux élus locaux, intégrant toutes les procédures juridiques qui débouchent sur la gestion ou le transfert de propriété aux pouvoirs publics.
« L'objectif est de recenser tous ces biens qui parfois, relèvent d'une procédure différente, mais posent les mêmes problèmes au niveau local : entrave aux opérations d'aménagement, absence de mise en oeuvre d'obligations légales comme le débroussaillage, incertitude sur l'impôt foncier... », précise l’exposé des motifs.
Une cartographie du territoire qui permettrait aussi de mesurer l’ampleur du problème à l’échelle nationale. Qui, si l’on en croit les remontées de terrain des notaires, est tout sauf anecdotique.