Tendance
(Encore une) réforme en vue pour le DPE
- Jeudi 10 juillet 2025 - 16:28
- | Par Jonathan Blondelet
Un changement dans le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique devrait faire sortir 850 000 logements de la catégorie des passoires thermiques dès 2026. Si les professionnels accueillent la nouvelle avec soulagement, elle laisse un goût amer aux propriétaires qui ont joué le jeu alors que ses règles évoluent constamment.
850 000. C’est le nombre de biens qui devraient sortir de la catégorie des passoires thermiques en 2026, sur les 5,8 millions de logements recensés en France dont le diagnostic de performance énergétique affiche une lettre F ou G.
Le Premier ministre François Bayrou a annoncé le 9 juillet un changement du mode de calcul qui se veut plus favorable au chauffage électrique. Le coefficient de conversion de l’électricité (qui calcul l’énergie réellement consommée), fixé à 2,3, sera abaissé à 1,9. Les logements concernés verront mécaniquement leur DPE amélioré, et seront donc moins susceptibles d’être concernés par l’interdiction de location. Pour rappel, les logements G sont exclus du marché locatif depuis le 1er janvier, tandis que les logements F le seront à partir de 2028.
Fidéliser le reflet
« Cette évolution permettra de mieux refléter la réalité du mix énergétique français, largement décarboné grâce au nucléaire, et de corriger une inégalité de traitement pénalisant jusqu’ici les logements chauffés à l’électricité, y compris lorsqu’ils ont fait l’objet de travaux de rénovation », précise Matignon dans un communiqué.
Ce biais, qui profitait au chauffage au gaz - dont le coefficient de conversion est à 1 - et au fioul, « contribue à freiner l’électrification des usages », et « nuit à la lisibilité des investissements pour les ménages ».
La mesure bénéficiera essentiellement aux petites surfaces, avec une consommation d’énergie par mètre carré plus élevée que les biens de plus grande taille. Elles bénéficient déjà, depuis le 1er juillet 2024, d’une nouvelle méthode de calcul avec un coefficient de pondération des consommations fixes révisées, qui suit le même objectif.
Un arrêté doit être signé début septembre, après une consultation publique qui va être lancée dans les prochains jours menées par les ministères du Logement et de l’Energie.
Justice ou injustice ?
« C’est une mesure de justice énergétique et de cohérence écologique. Elle permet de corriger une distorsion technique qui ne tenait pas compte des réalités de notre mix électrique français », a salué dans un communiqué Loïc Cantin, président de la Fnaim.
L’association de consommateurs CLCV regrette à l’inverse un changement des règles en cours de route, alors que le calendrier d’interdiction à la location des passoires thermiques se déploient progressivement.
« Cela pénalise les propriétaires qui ont anticipé et réalisé des travaux d'économie d'énergie et va pousser à l’attentisme les bailleurs qui ne peuvent ou ne souhaitent se lancer dans des opérations de rénovation énergétique », déplore CLCV.
Outil stratégique
La consommation d’énergie n’est pas la seule problématique qui affecte la fiabilité du DPE. Un rapport de la Cour des comptes publié le 3 juin pointait un taux d’anomalie de près de 70 %, concernant essentiellement des manquements au droit de la consommation : clauses abusives, non-respect du délai légal de rétractation ou défaut d’information sur les prix.
« D’un simple objet réglementaire technique à vocation informative, le DPE s’est […] transformé en outil stratégique et politique aux conséquences majeures pour les particuliers et pour le régime de la propriété sans que les conséquences de cette transformation et de son calendrier de réalisation n’aient été clairement mesurées, notamment en termes de risque d’éviction, même temporaire, de logements du parc locatif », écrivaient les Sages de la rue Cambon.
Anticipant la publication du rapport, la ministre du Logement Valérie Letard avait lancé un plan d’action en mars pour essayer de « restaurer la confiance » dans cet outil maintes fois étrillé. Un arrêté publié en juin prévoit des mesures d’authentification et de détection des diagnostics frauduleux, incluant la création de QR codes. Il renforce les contrôles - y compris sur site - et les sanctions qui peuvent être infligées aux diagnostiqueurs défaillants, ainsi que leur formation.
Deux missions ont été confiées par la ministre, à Henry Buzy-Cazaux sur la formation initiale des diagnostiqueurs et au député Daniel Labaronne sur la création d'un ordre des diagnostiqueurs.