Gestion de Fortune n° 373 - Novembre 2025
L'Edito de Jean-Baptiste Marcy
L’art de naviguer dans l’incertitude
Nous vivons une époque où l’instabilité semble être devenue la norme. Entre une fiscalité imprévisible, une classe politique accrochée à son pouvoir et un leadership national qui peine à se dessiner, le paysage pourrait sembler décourageant. Pourtant, les marchés, eux, résistent. Leur capacité à absorber les chocs économiques et géopolitiques, sans sombrer dans le chaos, force l’admiration.
Cette résilience n’est pas sans rappeler les observations du journaliste Albert Londres à Pékin, dans les années 1920. Plongé dans une Chine en proie à l’anarchie, où le pouvoir central n’était plus qu’une coquille vide, il découvrit une société qui, contre toute attente, continuait de fonctionner. Lors d’un échange avec un commerçant local, il lui demanda : « Comment va votre commerce depuis que vous n’avez plus de gouvernement ? » La réponse, cinglante de bon sens, fut : « Le commerce a besoin de clients, pas de gouvernement ».
Cette Chine des années 1920, livrée aux seigneurs de la guerre et aux trafics en tous genres, pourrait bien être le miroir de la France d’aujourd’hui. Malgré les turbulences politiques et les incertitudes, les entreprises, les gestionnaires de patrimoine et les fournisseurs poursuivent leurs activités, imperturbables. Attendre une stabilité venue d’en haut reviendrait à s’immobiliser sur le bas-côté, à regarder les trains passer sans jamais monter à bord.
Non, la vie économique, elle, avance. L’épargne cherche des placements, les successions s’organisent, les opportunités de défiscalisation se saisissent. Malgré un pacte social qui semble de plus en plus déséquilibré et une colère publique prête à exploser, il faut continuer à oeuvrer. Comme ce commerçant chinois, il nous faut apprendre à nous passer de certitudes institutionnelles pour nous concentrer sur l’essentiel : créer, innover, et persévérer.
Car au fond, l’incertitude n’est peut-être pas l’ennemi à abattre, mais une réalité à apprivoiser. Et si la véritable force résidait dans notre capacité à avancer, malgré tout ?







