Actualité des sociétés
Une sanction exemplaire de l’AMF contre une arnaque chypriote
- Lundi 4 décembre 2023 - 15:25
- | Par Jean-Denis Errard
Pour la première fois, la Commission des sanctions de l'AMF a sanctionné un « agent lié » français d'une plate-forme de trading basée à Chypre. Une décision exemplaire même si la sanction est faible par rapport aux préjudices subis par les épargnants floués.
Voilà une société française dénommée « France Safe Media » (ci-après, « FSM ») qui intervenait sur le marché français comme « agent lié » de l’entreprise d’investissement israélo-chypriote « Safe Financial Group Limited » basée à Chypre et agréée par la Cyprus Securities and Exchange Commission (CySEC), l’homologue de notre AMF. Cette officine française mandatée proposait à des Français via sa plateforme Alvexo de spéculer sous forme de « contracts for difference » (CFD) sur les devises, actions, indices, métaux précieux, énergie et crypto-monnaies. Une affaire prospère, avec 874 clients, grâce à la complaisance de medias qui ont accepté des publi-reportages (Le Point, BFM, Capital…) et des bannières publicitaires.
Habituellement, l’AMF ne peut pas intervenir sur les escroqueries commises via Chypre, Etat membre de l’Union européenne, puisque seul le régulateur local a autorité pour contrôler et sanctionner. Sauf que le régulateur chypriote ne régule rien, ce qui permet à des escrocs de trouver là une porte d’accès aux épargnants européens ; mais, dans le présent dossier, du fait de l’installation d’un mandataire en France, ce qu’on appelle un « agent lié », l’AMF a pu intervenir pour sanctionner des pratiques consistant à encourager de petits épargnants à faire du « trading » sur la base de promesses de gain avec l’aide de « coachs ». En réalité, selon le dossier, « il ressort [...] de l'état des mouvements des comptes des clients de FSM entre janvier 2019 et octobre 2021 versé au dossier que 874 clients ont subi une perte globale de 3 325 152 € ».
Plus de 3 millions d’euros de pertes
Au terme du contrôle, réalisé sur trois ans (2019-2021), la commission des sanctions de l’AMF a requis 300 000 € à l’encontre de la société et 100 000 € à l’encontre du dirigeant. Comme elle le souligne dans sa décision, « les manquements caractérisés sont multiples, se sont déroulés sur une période de près de trois ans, et se rapportent à la promotion et à la commercialisation auprès de clients non professionnels de CFD, qui sont des produits complexes présentant des risques financiers importants en raison de leur effet de levier, et à l'information des clients dans ce contexte, de sorte qu'ils revêtent une particulière gravité ».
Les manquements concernent spécialement l’absence de contrôle d’une « qualification minimale et d’un niveau de connaissances suffisant » des clients, un « questionnaire d’évaluation de la connaissance et de l’expérience client lacunaire » et des « bannières promotionnelles portant sur des CFD qui ne présentaient pas un contenu clair, exact et non trompeur » (sur Boursier, TradingSat, Facebook...).
(AMF, Commission des sanctions, Décision n°14 du 10 novembre 2023)
JDE