25112024

Retour

Gestion d’actifs

Suspension de fonds : nouveau rebondissement chez H2O AM

bourse3

Jamais deux sans trois ! En 2019, H2O AM avait été attaquée dans la presse pour de prétendus problèmes de liquidité. En mars 2020, certains de ses fonds phares ont plongé. Cette fois, l’AMF a demandé la suspension des souscriptions/rachats sur trois de ses OPCVM.

La nouvelle est tombée vendredi 28 août. H2O AM, la société de gestion de portefeuille installée à Londres, filiale de Natixis Investment Managers, s’est vu notifier en milieu de journée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) la suspension temporaire des souscriptions et des rachats des parts pour trois de ses OPCVM de droit français, et ce dans l’intérêt du public et des porteurs de parts. Il s’agit d’H2O Allegro, H2O Multibonds et H2O Multistratégies.

« Le régulateur, précise le communiqué de l'AMF, a également pris acte de la décision du gestionnaire de suspendre ces trois fonds et d’étendre cette suspension à cinq autres fonds de sa gamme : H2O Adagio, H2O Moderato, H2O MultiEquities, H2O Vivave et H2O Deep Value (FIA). »

L’extension de la mesure à d’autres fonds de la gamme (qui, au total, en comprend 26, ce qui représente un encours d’environ 22 Md€) s’explique par la volonté de la société de gestion de ne pas pénaliser les porteurs qui auraient souhaiter vendre (et qui auraient été indirectement pénalisés par une vague de rachats provoquée par d’autres investisseurs). « Nous tenons à préserver une stricte égalité entre nos clients », souligne un porte-parole de la société.

Une supension temporaire

En juillet 2019, dans une longue interview qu'il nous avait accordé, Bruno Crastes, fondateur et chief executive officer d’H2O AM, nous avait déclaré : « La liquidité, au même titre que la transparence et la performance, fait partie des valeurs clés d’H2O. C’est pour cela que nous ne bloquerons jamais les rachats ». Cela dit, sans jouer sur les mots, il ne s’agit pas aujourd’hui à proprement parler d’une fermeture de fonds, mais d’une suspension temporaire des entrées et des sorties.

Le 9 avril dernier, nous avions interrogé en exclusivité l’équipe de gestion d’H2O AM pour savoir de quoi il retournait s’agissant de la chute des valeurs liquidatives de fonds phares de cette « boutique » plébiscitée par les CGP depuis sa création, en juillet 2010. Les propos que nous avions alors recueillis étaient de nature plutôt rassurante.

« Une mauvaise lecture de la crise sanitaire »

Depuis, les fonds concernés n’ont pas encore renoué avec le niveau de qualité de leurs performances antérieures. La gestion alternative « global macro » ne va donc pas sans désagréments dans certaines périodes troublées. A cet égard, la pandémie de coronavirus a été dévastatrice, avec l’accroissement d’une « incertitude » liée à des expositions « significatives » en obligations privées (la plupart dans l’orbite du financier allemand Lars Windhorst, celles-là même qui avait valu à la société de vives critiques mi-2019).

Il faut savoir que la gestion qu’H2O AM met en œuvre produit les résultats escomptés quand les tendances sont haussières, baissières ou stables, mais qu’elle peut être prise au dépourvu en cas de « dislocation » des marchés. Ce qui, heureusement, n’est pas monnaie courante.

« Nous avons eu une mauvaise lecture de la crise sanitaire, reconnaît le porte-parole de la société de gestion. La valeur des actifs liquides a fortement baissé dans les portefeuilles, ce qui a eu pour effet de faire globalement remonter le ratio des actifs illiquides, mais dont la plupart sont cotés. »

Des fenêtres de remboursement en cash

H2O AM va cantonner les actifs illiquides dans les fonds existants et transférer les actifs liquides de ces fonds vers de nouveaux OPCVM, lesquels devront faire l’objet d’un agrément de l’AMF. Les noms, comme les stratégies, seront les mêmes. Il faudra simplement du temps pour que les porteurs, qui seront détenteurs de deux classes de parts, retrouvent au moins leur mise initiale (avant scission).

Ajoutons que, malgré leur illiquidité, les fonds cantonnés ont une valeur qu’il ne faudra ni ignorer ni sous-estimer. « Au fur et à mesure que nous nous séparerons de ces actifs illiquides, précise notre interlocuteur, nous ouvrirons des fenêtres de remboursement en cash. Ces actifs ne nous coûtent rien. Ils nous ont même rapporté un peu. Nous allons continuer à nous en séparer, notamment dans le cadre de contrats de cession conclus avec d’autres structures ». Les valeurs liquidatives des fonds incriminés ne cesseront pas d’être diffusées pendant la période de suspension, qui ne devrait pas excéder un mois.

Les dirigeants d’H2O AM entendent rester « créatifs ». Ils se disent pleinement responsables de ce qu’ils font, non seulement quand tout va bien, mais aussi lorsque les circonstances leur sont particulièrement défavorables. Ils ont une nouvelle fois fait preuve de réactivité, sans états d’âme et sans manifester d’inquiétude. D’après nos informations, ils auraient travaillé en amont avec l’AMF sur le mécanisme de suspension de souscriptions/rachats de leurs fonds.

Pour eux, il n’y a pas lieu de modifier leur approche de gestion, fondée sur une politique d’arbitrages (par opposition à directionnelle) axée sur la performance. Avec un score annualisé sur 10 ans de + 13 %, le fonds Multibonds, notamment, montre que cela ne relève pas de l’utopie. Mais il faudra attendre avant de savoir si le potentiel de rebond des fonds se matérialisera enfin. Par ailleurs, H2O AM bénéficie du soutien de son actionnaire majoritaire, Natixis Investment Managers, qui a publié un communiqué pour le confirmer dès le 28 août.

Malgré tout, il faut noter que le titre Natixis perdait plus de 6 % dans la séance de Bourse suivante (lundi 31 août). Même si cette réaction semble exagérée, vu le poids de la société de gestion (à peine 2 %) dans l’ensemble du groupe, d’aucuns se demandent si cette entente avec son « affiliée » ne risque pas de finir par s’émietter.

Michel Lemosof