21112024

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Fiscalité

Clause de préciput : la pagaille fiscale

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Le droit de partage s’applique-t-il lorsque le conjoint survivant fait jouer la clause de préciput prévu dans son contrat de mariage ? L’administration a lancé une série de redressements fiscaux. Les tribunaux sont très divisés sur le sujet. La Cour de cassation est intervenue mais… pour surseoir à statuer !

A la suite du décès de son époux, Mme [W] a prélevé sur l’actif de communauté, en exécution de la clause de préciput prévue à son contrat de mariage, la résidence principale et la résidence secondaire ainsi que le mobilier les garnissant.

Cette clause, rappelons-le, permet en cas de décès, au conjoint survivant, de prélever des biens communs avant tout partage, biens qui sont réputés lui avoir appartenu dès la dissolution de la communauté, et ce, sans que cette attribution ne s'impute sur ses droits dans le cadre d'un éventuel partage ultérieur. Les biens ainsi prélevés ne feront plus partie de la masse successorale à partager.

L’administration fiscale y voit un partage et adresse à cette dame une proposition de rectification soumettant ces prélèvements au droit de partage de 2,5% prévu à l'article 746 du code général des impôts. Sa réclamation contentieuse ayant été rejetée cette veuve a saisi le tribunal judiciaire d'une demande de décharge des impositions réclamées ainsi que des intérêts de retard, soit un peu plus de 47 000 €. Elle gagne en première instance au TJ de Niort puis en cour d’appel (Poitiers, 4 juillet 2023, RG n° 22/01034).

Vous avez dit partage ?

L’administration fiscale estime (BOI-ENR-PTG-10-10) que le droit de partage est exigible si les quatre conditions suivantes sont réunies :
- l'existence d'un acte ;
- l'existence d'une indivision entre les copartageants ;
- la justification de l'indivision ;
- l'existence d'une véritable opération de partage.

Le 4e critère fait débat puisque l’article 1515 du code civil qui prévoit cette option de préciput autorise le conjoint survivant « à prélever sur la communauté, avant tout partage ». L'exercice de la clause de préciput n'a qu'une fonction de prélèvement par le seul conjoint survivant et non l'allotissement entre plusieurs partageants.

L’administration invoque une décision du TJ de Rennes qui, le 20 avril 2021, a validé le redressement en considérant que cette attribution préférentielle a « en réalité les effets du partage en ce qu'il permet un transfert de propriété sur un bien qui ne composait pas le patrimoine du bénéficiaire et qui ne lui est dévolue qu'en raison du décès ouvrant les opérations de partage ». Certes, mais le tribunal judiciaire de Lille le 4 avril 2022 a statué en sens contraire !

Une cacophonie ?

La cour d’appel de Poitiers déclare qu’il n’y a pas de « véritable opération de partage ouvrant droit à taxation supplémentaire ». L’administration se pourvoit alors en cassation contre cet arrêt et la chambre commerciale de la Cour, plutôt que rentrer dans la logique administrative de l’autonomie du droit fiscal par rapport au droit civil, renvoie sagement pour avis à la 1ère chambre civile.

Le suspens continue (jusqu’au 27 mai 2025, date prévue de la décision après avis), la cacophonie aussi puisque la cour d’appel de Grenoble vient de statuer en faveur de l’administration (24/09/24, n° 23/01411) (2). Il paraît pourtant évident, aux termes de l’article 1515, qu’un prélèvement « avant partage » entre héritiers et légataires ne vaut pas partage même s’il a pour effet un transfert de propriété ! Nul doute que la 1ère chambre civile saura expliquer le sens de « avant tout partage ».

(Cass. com. 16 octobre 2024, n° 23-19.780)
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(1) Cf « Préciput et droit de partage : un couple illégitime », Defrénois n°29-33 du 21 juill. 2022, Gilles Bonnet et Christophe Vernières.
(2) Defrénois, n°34 du 17 oct. 2024

 

JDE