12122024

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Fiscalité

Clause bénéficiaire : que désigne « mes héritiers » ?

testament

Il est courant que les clauses de désignation mentionne « mes héritiers », parfois directement ou souvent à défaut. Sauf que parfois cette mention ambigüe entre en conflit avec le testament. Comme dans cette affaire qui vient d’être jugée en cour d’appel.

Une dame souscrit une assurance-vie, désignant nominativement les bénéficiaires. 10 ans plus tard, elle modifie cette clause pour désigner comme bénéficiaires « mes héritiers par parts égales ».

A son décès, selon son testament notarié son héritage revient à un neveu et à une nièce désignés légataires universels. C’est à eux que la compagnie d’assurance règle le capital acquis de 102 800 € car un légataire universel a vocation à recueillir la totalité de la succession (article 1003 du code civil).


Les autres neveux et nièces contestent puisque la clause bénéficiaires les désignait tous en tant qu’héritiers. Ils ont invoqué « la primauté du contrat d'assurance-vie sur la qualité de légataire universel instituée par testament ».

Héritiers et légataires

La cour d’appel de Versailles (5 septembre 2024, RG n° 21/06317) suit le raisonnement suivant :
- le Code des assurances, art. L.132-8, requiert simplement qu’il existe un bénéficiaire déterminé ou déterminable. Donc la désignation « mes héritiers » est valable.
- Légalement sont héritiers légaux les neveux et nièces de la défunte qui ne laisse aucun héritier réservataire.
- « Le testament, même s'il institue un légataire universel, ne fait pas pour autant perdre la qualité d'héritier aux héritiers légaux » (Cass. civ. 2ème 12 mai 2010, n°09-11.256).

Ces arguments justifient la réclamation des autres neveux et nièces. Mais, pour déterminer exactement les bénéficiaires, la cour d’appel estime que l’on doit tenir compte de la volonté de la défunte. Car « pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d'héritier, lors de l'exigibilité du capital, il convient de ne s'attacher exclusivement ni à l'acception du terme héritier dans le langage courant ni à la définition de ce terme en droit des successions mais de rechercher et d'analyser la volonté du souscripteur » (Cass. civ. 2ème, 14 décembre 2017, n°16-27.206 : dans cette affaire c’est la paroisse, par testament, qui avait été désigné légataire universel alors que les neveux et nièces ressortaient légataires particuliers).

Dans le dossier examiné par la cour de Versailles il apparaît que la défunte était en conflit avec l’un des neveux, elle ne pouvait donc pas vouloir le gratifier ! Par conséquent, comme en première instance, la cour d’appel rejette le recours car « la volonté [de la défunte] était celle de gratifier ses seuls héritiers entendus comme les légataires universels désignés ». Ce qui est conforme à une jurisprudence constante (également Cass. 1ère civ., 10 févr. 2016, n°14-27057 ; Cass. 2ème civ., 14 mars 2018, n° 17-14384 ; Cass. 1ère civ., 19 sept. 2018, n° 17-23568).

La volonté du souscripteur

Cette affaire en rappelle une autre (Cass. 1ère civ. 30 septembre 2020, n°19-11.187), celle d’une femme qui avait désigné comme bénéficiaires « mes héritiers ». A son décès, l’assureur a partagé la prestation entre les héritiers légaux, ses deux filles, mais aussi avec la fille de l’une d’elles en tant que légataire à titre universel désigné par testament (pour recevoir 50% de la quotité disponible). L’autre sœur contestait la qualité d’héritier de sa nièce. La Cour de cassation considère que la volonté du défunt est la clé de désignation. Ainsi « pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d'« héritier », qui peut s'entendre d'un légataire à titre universel, il appartient aux juges du fond d'interpréter souverainement la volonté du souscripteur, en prenant en considération, le cas échéant, son testament ».

Depuis la réforme des successions et des libéralités de juin 2006, les héritiers sont les personnes qui, en l'absence de conjoint survivant, sont énumérées par l'article 734 du Code civil. La situation du légataire universel a été discutée avant d’être assimilée à celle des héritiers (Cass. 1ère civ., 4 avr. 1978, n°76-1208). En revanche, disait-on, un légataire à titre universel ou à titre particulier n’a pas la qualité d’héritier, pour la raison qu’il n’a jamais eu vocation à recueillir l’intégralité de la succession. L’arrêt du 30 septembre 2020 a tranché la question.

 

JDE