09032025

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Actualité des sociétés

Les fonds Eltifs doivent encore faire leurs preuves

loupe examen attention

Si la mouture 2.0 de la réglementation a permis d’amplifier le développement de ces véhicules destinés à démocratiser les actifs privés, l’investisseur potentiel doit prêter attention à de nombreux paramètres avant de s’engouffrer dans un univers d’investissement peuplé de jeunes pousses.

 

 

 

 

 

Les fonds d’investissement européens à long terme (Eltif), conçus comme une brique de plus de l’Union européenne dans son Union des marchés de capitaux (UMC), doivent aider à démocratiser l’accès des particuliers aux actifs privés suivant un cadre unifié.

La réglementation initiale de 2015 a dû être revue devant le manque d’attrait des investisseurs individuels, freinés par un cadre trop strict. La version 2.0 entrée en vigueur début 2024 ouvre les Eltifs à de nouvelles catégories d’investissements éligibles (actifs titrisés, green bonds, FIA…), améliore la liquidité des fonds en réduisant cette part d’investissements obligatoire de 70 % à 55 % et introduit les fonds ouverts, dits evergreen.

Ces véhicules à durée indéterminée dont l’objectif est de lisser la fameuse « courbe en J » typique du non coté prévoient des entrées et sorties périodiques. A ce titre, ils constituent le véhicule de choix des assureurs confrontés au casse-tête de la liquidité avec la loi Industrie verte qui prévoit une part de non coté en gestion pilotée à horizon pour l’assurance vie et le PER.

Développement fulgurant

Toutes ces innovations ont bien servi les objectifs européens puisque le nombre de fonds « eltifisés » a plus que triplé entre 2023 et 2024, pour un marché pesant désormais 20 Md€ contre 13 Md€ un an plus tôt, selon une étude de Morningstar (1).

Le crédit privé a dépassé le capital-investissement dans les classes d’actifs privilégiées par les gérants, s’invitant en 2024 dans plus de la moitié des Eltifs lancés.

Les fonds d’infrastructures et les stratégies multi-actifs combinant capital-investissement et crédit privé gagnent du terrain, tandis que l’immobilier reste peu représenté. Morningstar attribue cette faible présence à « l'offre existante et large de fonds immobiliers UCITs ».

fonds eltif

Forza Italia

L’Italie constitue un marché clé, notamment en raison de la présence d’Amundi et d’Azimut, l’un des plus grands gestionnaires d’Eltifs détenant 1,5 Md€ d’actifs sous gestion répartis sur 21 fonds. Les réseaux de distribution sont pleinement impliqués, les italiens friands de produits d’épargne à long terme et un cadre fiscal avantageux s’applique aux fonds soutenant l’économie italienne.

Morningstar conseille aux investisseurs qui voudraient tenter l’aventure d’appréhender la stratégie sous-jacente du fonds, les dispositions en matière de liquidité, son processus de valorisation des actifs et sa structure de frais.

En effet, une plus grande liquidité ne signifie pas l’absence de risque de liquidité, et les frais sont en moyenne beaucoup plus élevés que les produits comparables du marché public – souvent plus de 2 % par an –, sans compter d’éventuelles (mais fréquentes) commissions de performance. Or, l’approche dilué des Eltifs minore d’autant la prime d’illiquidité liée aux actifs privés, même si la concurrence pourrait améliorer le rendement à terme en faisant pression sur les frais.

Issue de secours

« Alors que les acteurs de la gestion active subissent la pression de concurrents passifs à faibles coûts, beaucoup voient dans les actifs privés et semi-privés une voie vers des gammes de produits à plus forte marge et une amélioration des résultats », relate Morningstar.

Des informations cruciales manquent souvent sur « des aspects essentiels » comme les titres en portefeuille, le processus d’investissement, la performance ou la composition de l’équipe de gestion et son track-record. Si les grandes sociétés de gestion s’empressent d’acquérir l’expertise des spécialistes des marchés privés, il leur reste encore à les intégrer pleinement.

Vers la convergence

Morningstar met d’ailleurs en garde contre les pratiques opportunistes qui surferaient sur cette nouvelle mode sans analyser pleinement les prérequis de ce type de produit.

« La convergence des marchés privés et cotés devrait dominer les discussions sur la gestion d'actifs dans les années à venir, commente Mara Dobrescu, responsable de la recherche sur les fonds obligataires chez Morningstar. Les marchés privés exigent un ensemble de compétences distinct de celui des investissements traditionnels, et les gestionnaires d'actifs devront probablement accroître considérablement leurs capacités pour proposer des produits ELTIF performants - qui connaissent enfin un regain d'intérêt à la suite des récents changements réglementaires. »

(1) « ELTIFs Step Into the Spotlight », 26/02/2025