Gestion d’actifs
Le Comptoir National de l’Or revient sur la théorie du Peak Gold
- Jeudi 2 mai 2019 - 17:49
- | Par Gestion de Fortune
Allons-nous peu à peu manquer d’or ? C’est la question que se pose Laurent Schwartz, le directeur du Comptoir National de l’Or, qui revient sur la théorie du Peak Gold, laquelle prophétise un pic suivi d’un déclin de la production d’or.
Le Comptoir National de l’Or, société française spécialisée dans l’or investissement et l’expertise de bijoux depuis 1976, revient sur la théorie du Peak Gold. Cette théorie qui prophétise le pic, puis le déclin de la production d’or gagne en popularité depuis plusieurs années. Une vision positive à long terme pour le cours du métal fin.
Des signes d’essoufflement
« Le Peak Gold est bien connu des experts de l’or, fait observer Laurent Schwartz, le directeur du Comptoir National de l’Or. Pour les partisans de la théorie, la production d’or aurait atteint, ou atteindra bientôt, un pic et serait condamnée à décliner, en raison de l’absence de découvertes majeures et de l’épuisement des gisements. La théorie, qui n’est pas nouvelle, gagne en popularité. D’abord lancée par Goldman Sachs en 2015, l’idée a été relayée par Randall Oliphant, le président du World Gold Council en 2017.
Plus récemment, c’est Ian Tefler, le président-fondateur de Goldcorp (premier producteur mondial d’or après la fusion avec Newmont Mining), qui a ravivé le sujet dans une interview de mai 2018. Dans cet entretien au Financial Post, il déclare, notamment, que nous sommes au Peak Gold. « Soit la production commencera à baisser cette année, soit l’année prochaine, précise-t-il. Cela a peut-être déjà commencé… » Alors, le déclin est-il amorcé ? A première vue, les chiffres semblent lui donner tort. Selon le World Gold Council, la production minière mondiale a augmenté l’an dernier de 0,8 %.
Cela dit, si 2018 a été une année de production record, c’est cependant la plus faible progression depuis 10 ans. De surcroît, d’autres signes d’essoufflement commencent à s’accumuler. La production américaine a reculé en 2018, descendant à son plus bas niveau depuis 1991 (époque à laquelle les premières données ont été recensées). La production chinoise connaît une situation similaire, avec un recul de 6 % en 2018, du fait de l’application de normes environnementales plus strictes. Une société minière comme Barrick Gold, par exemple, a vu sa production chuter de 15 % l’année dernière…La plupart des experts constatent qu’il n’y a eu aucune découverte d’ampleur ces dernières années. Les découvertes de méga-gisements appartiennent au passé. Il n’y a plus d’or facile à trouver. « A 1 300 $ l’once, je ne pense pas qu’il reste des gisements, en tout cas rien de significatif », estime Ian Tefler.
Dans les années 90, il y avait en moyenne 13 découvertes significatives par an. Dans les années 2000, le chiffre tombe à 9. Depuis 2010, c’est moins de 2 découvertes importantes par an. Les dernières ayant le potentiel de dépasser les 5 millions d’onces (155 tonnes) sont celles de Brucejack, au Canada, et de Haiyu, en Chine.
Une dizaine de grammes par tonne
« Cette raréfaction des découvertes significatives est inquiétante, continue Laurent Schwartz, surtout lorsque l’on sait que les budgets d’exploration sont à des niveaux élevés. En outre, il est probable que les gisements importants restant à découvrir se situent désormais dans des régions politiquement plus instables ou moins propices à l’investissement. »
Les détracteurs de la théorie du Peak Gold évoquent souvent le parallèle avec le secteur pétrolier. Longtemps annoncé, le Peak Oil ne s’est pourtant pas produit, en raison du boom des pétroles de schiste aux Etats-Unis lié à la mise en œuvre de technologies innovantes. Pour l’or, une telle révolution technologique paraît toutefois peu probable, car le processus d’extraction ne change pas. Les plus grosses concentrations étant d’une dizaine de grammes par tonne, il faudra toujours extraire des milliers de tonnes d’agrégats pour les traiter, ce qui rend beaucoup de petits gisements non rentables.
Goldcorp a noué un partenariat avec IBM (solution Watson) pour analyser des données géologiques avec ses algorithmes. Si les équipements et véhicules autonomes se développent sur des sites miniers (grâce, notamment, aux recherches de Caterpillar), on est encore loin de la mine autonome.
Il faut compter de 15 à 20 ans entre la découverte d’un gisement et l’exploitation d’une mine aurifère. Un délai qui s’explique par la longueur des processus d’étude et d’obtention des autorisations. Selon certains analystes du secteur, l’absence de découvertes majeures ces dernières années pourrait donc se faire sérieusement sentir dans une dizaine d’années.
En toute logique, une production qui ne pourrait répondre à un accroissement de la demande conduirait à une hausse du cours de l’once, à peu près stable depuis cinq ans et dont le record, à près de 1 900 $, remonte à septembre 2011. Une bonne nouvelle pour le cours de l’or (aux abords de 1 300 $ actuellement), qui peut être considéré comme un support d’investissement de long terme !
Michel Lemosof