Gestion d’actifs
Parole d'expert : « le marché européen fait penser à une petite barque qui évolue sur des flots mouvementés »
- Jeudi 3 juillet 2025 - 14:15
- | Par Thierry Bisaga
Dans le cadre de notre hors-série « 50 fonds à détenir dans des marchés incertains », nous avons donné la parole à plusieurs professionnels qui présentent les caractéristiques d'un de leur fonds et sa pertinence dans un contexte économique et géopolitique troublé. Charles-Henri Nême, gérant à Exane Asset Management, présente Exane Ceres.
Publi-rédactionnel
Vous gérez Exane Ceres depuis son lancement il y a 18 ans. Quelle est son histoire ?
Après un début de carrière en tant qu’analyste et une première aventure entrepreneuriale en gestion d’actifs, j’ai rejoint Exane AM pour déployer une stratégie qui soit en parfait accord à la fois avec la passion que j’éprouve pour le métier de gérant et avec la curiosité intellectuelle qu’il nécessite. Exane Ceres est donc un fonds de stock-picking qui a été créé pour que je puisse mettre en pratique mes convictions, à l’achat comme à la vente. J’y ai d’ailleurs investi une part significative de mon patrimoine. Pour l’anecdote, le nom fait référence aux timbres de type Cérès et à la philatélie, un hobby que je partageais avec mon père et dont la pratique, enfant, m’a offert mes premières expériences d’investisseur.
Quel est votre univers d’investissement ?
Le fonds est principalement investi en actions européennes. J’ai la conviction que le principal risque en gestion d’actifs consiste à s’exposer à des titres qu’on connaît mal. C’est pourquoi l’univers d’investissement est limité aux secteurs et expertises que j’ai pu appréhender tout au long de ma carrière. Ainsi, en 2007, il comprenait les secteurs de la consommation, de la distribution, des médias et des services aux entreprises. Il s’est ensuite ouvert aux secteurs automobile, immobilier, technologique, aéronautique, industriel et aux financières diversifiées. En résumé, un nouveau secteur a été intégré tous les 18 mois en moyenne. Au fil des années, j’ai ainsi pu progressivement ajouter des briques d’investissement sectorielles.
Vous avez fait évoluer la stratégie du portefeuille il y a trois ans. Pour quelles raisons ?
Au cours des 15 premières années de vie du fonds, j’ai fait le choix d’une stratégie market neutral. Le principe était alors de mettre en œuvre ses convictions sur les différents titres et indices, à la hausse comme à la baisse, mais sans exposer le portefeuille au risque de marché. Cette stratégie a bien fonctionné, notamment en 2008, lorsque le fonds a progressé de 9 % alors que le marché baissait d’environ 40 %. En 2022, le choix s’est porté sur une stratégie long/short, plus dynamique, avec une exposition nette au marché comprise entre 25 et 35 %. La capacité à définir le bon market timing et la bonne connaissance des valeurs françaises pour générer de l’alpha sont ainsi pleinement mises à profit. Si ce basculement s’est avéré peu favorable au départ, dans la mesure où l’univers d’investissement d’Exane Ceres a sous-performé le marché en 2022, le fonds a tout de même surperformé son indice de référence1 de plus de 400 points de base sur la période 2022-2024 et la performance annualisée du fonds sur trois ans s’établit même actuellement aux alentours de 10 %.
Quel est le profil des entreprises que vous sélectionnez ?
D’une manière générale, je privilégie une exposition nette aux sociétés globales, soumises à de faibles contraintes règlementaires, avec une faible intensité capitalistique et avec un profil ESG robuste.
Quelles sont les démarches ISR déployées dans le fonds ?
Exane Ceres est un fonds article 8 selon la classification SFDR. Dès lors, les aspects ESG y sont présents : 100 % des positions longues et de couverture font l’objet d’une analyse interne, et nous dialoguons régulièrement avec les entreprises sur les différents sujets ESG. Nous veillons à ce qu’à la fois le score de risque ESG et l’intensité carbone du portefeuille long du fonds soient inférieurs à ceux de l’indice de référence. Nous procédons également à des exclusions, normatives et sectorielles, sur les armes controversées, le tabac, les jeux d’argent, la pornographie, l’extraction du charbon ou encore les valeurs non conformes aux principes du Global Compact, ainsi que les valeurs liées à la liste de sanctions de l’Ofac2.
Quel regard portez-vous sur le contexte de marché actuel ?
Entre les États-Unis et la Chine, le marché européen fait penser à une petite barque qui évolue sur des flots mouvementés. En tant que gérant, ma mission consiste à naviguer le plus sereinement possible dans cet environnement. Dès lors, le fonds n’a aucune exposition nette sur les secteurs qui offrent peu de visibilité. C’est le cas du secteur automobile par exemple.
Quels sont vos choix de gestion actuels ?
Le choix des secteurs sur lesquels le fonds a une exposition nette est déterminant. C’est le cas actuellement pour l’industrie, la consommation, le luxe, les services aux entreprises, la technologie, les media et les financières diversifiées. Ainsi, nous sommes investis sur Danone, un groupe sur lequel l’actuel président, Antoine de Saint-Affrique, effectue un travail de fond remarquable depuis quatre ans. Dans le luxe, la priorité est donnée à Richemont et Prada.
Dans l’industrie, nous avons récemment vendu Thales et nous conservons une exposition sur Safran qui est sans doute l’une des plus belles entreprises de la cote française avec Hermès.
Et dans les media ?
Nous apprécions particulièrement Publicis, un groupe extrêmement bien géré qui n’a eu que trois CEO en 110 ans, ce qui rappelle sa culture familiale. On peut mentionner également RELX qui s’est repositionné sur le segment de la « must have information » il y a plus de 20 ans, c’est-à-dire sur des activités avec une rétention très forte des clients.
Qu’en est-il des secteurs financier et immobilier ?
Le secteur des financières diversifiées offre beaucoup de profondeur et compte de nombreux segments. On peut mentionner les groupes de gestion d’actifs, les holdings financières, les infrastructures de marché comme Euronext ou Deutsche Börse, ou encore les firmes de private equity, telles que Partners Group. Nous sommes particulièrement actifs sur ce secteur. Concernant le secteur de l’assurance, nous l’avons récemment ajouté à nos expertises, ce qui nous a permis de renforcer l’exposition du fonds au marché domestique européen : c’était une étape nécessaire compte tenu du feuilleton à répétition sur les tarifs douaniers. Nous n’avons qu’une faible exposition nette au secteur immobilier, au sein duquel nous privilégions la logistique et notamment WDP, un groupe familial belge. l
1. Indice composite : 30 % indice MSCI Europe calculé avec dividendes nets réinvestis et 70 % de l’indice €STR capitalisé
2. Office of Foreign Assets Control
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TB