27122024

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La proposition de loi qui veut réformer le HCSF périclite


c Assemblée nationale 2024Le texte de Lionel Causse a été adopté le 10 avril par la commission des finances de l’Assemblée nationale. Vidé de sa substance dès le début de son parcours législatif, il ne s'attaque finalement plus ou peu aux règles macroprudentielles qui encadrent le crédit à l’habitat.

 

 

 

  

Fin de parcours avant de l'avoir commencé. La proposition de loi du député Renaissance Lionel Causse relative au Haut conseil de stabilité financière (HCSF), adoptée le 10 avril par la commission des finances de l’Assemblée nationale, ne retoque plus les règles de l'instance macroprudentielle.

Dérogation aux règles macroprudentielles du crédit

Se faisant le relais d’une demande poussée par les intermédiaires du crédit depuis le début de la remontée brutale des taux en 2022, le texte visait avant tout à pouvoir déroger aux normes HCSF en matière de crédit à l’habitat. Depuis 2022, elles limitent à 25 ans la durée maximale du prêt et à 35 % le taux d’effort maximum pesant sur les emprunteurs.

Le texte initial de Lionel Causse écartait les règles du HCSF au profit du jugement des établissements prêteurs, si ces derniers démontrent que l’emprunteur ne présente pas de risque d’endettement excessif. « Il n’est pas crédible qu’une banque consente un crédit immobilier à une personne alors que la situation financière de cette dernière est de nature à faire craindre une absence de remboursement, justifie l’exposé des motifs. La banque s’appuiera alors sur divers « outils » pour déterminer la capacité financière de l’intéressé : le taux d’endettement (ou taux d’effort) en est un, mais le « reste à vivre » aussi. »

Soutenue par l’exécutif et vilipendée par la Banque de France, cette mesure a fait l’objet de vives discussions au sein de la commission, les députés reprenant à leur compte les arguments déjà échangés par les courtiers et la Banque de France.

« La hausse des taux peut amener à un crédit plus cher, il ne faut pas qu’il en soit pour autant inaccessible, a défendu Lionel Causse devant la commission. Karine Berger, rapporteur du projet de loi qui institua en 2013 le HCSF, soutenait que son pouvoir en matière de fixation des conditions d’octroi doit être limité, écartant qu’il puisse mener une politique globale d’encadrement du crédit. »

Auto-régulation

Tout en invoquant le spectre de la crise de 2008, l’opposition s’est fait l’écho des arguments du gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, qui soutient que les banques ne sont pas entravées par les règles actuelles. Les établissements prêteurs ont en effet la possibilité de déroger à ces normes sur 20 % de leurs prêts, sachant que 7 prêts sur 10 consentis sur cette marge doivent bénéficier à l’acquisition d’une résidence principale. Or, cette capacité n’est aujourd’hui utilisée qu’à hauteur de 15 %.

L’article prévoyant la possibilité pour les banques de déroger aux règles du HCSF a finalement été complètement réécrit par Lionel Causse lui-même. Le nouvel article prévoit que le HCSF « fixe les conditions dans lesquelles les établissements de crédits [...] peuvent déroger » à ses règles macroprudentielles, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, « en tenant compte des variations d’offre et de demande de crédit ». 

En guise de contrainte, le HCSF doit statuer en tenant compte des exigences de Bâle III et « en veillant à préserver la capacité du système financier à assurer une contribution soutenable à la croissance économique ».

Il est prévu que les décisions du HCSF ne soient mises en place que pour trois mois, renouvelables si les conditions qui justifiaient leur mise en place n'ont pas disparu, après consultation du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Les propositions du gouverneur de la Banque de France comme les décisions du HCSF seraient systématiquement rendues publiques. 

Les parlementaires au HCSF

Le deuxième pan de la proposition de loi prévoit d’élargir la composition du HCSF de huit à dix membres. Aux ministres de l’Economie et des Finances, gouverneur de la Banque de France, vice-président de l’ACPR, présidents de l’AMF et de l’Autorité des normes comptables (ANC) ainsi qu’aux trois personnalités qualifiées (des économistes indépendants et non rémunérés) s’ajouteraient un député et un sénateur.

A cette deuxième mesure a été ajouté en séance le respect de la parité homme/femme dans le processus de nomination et l’impossibilité de désigner des parlementaires qui détiennent un mandat ou un intérêt dans une entité soumise au contrôle de l’ACPR ou de l’AMF. Cet alignement des exigences déontologiques sur celles des personnes qualifiées permet de prévenir un potentiel lobbying des intermédiaires ou des banques au sein de l’autorité macroprudentielle par le biais de la représentation nationale.

Accord de la BCE

Si le texte est conservé en l’état, il s’agira de voir s’il satisfait le conseil européen du risque systémique. Présidée par la présidente de la BCE Christine Lagarde, cette instance exige que les organes nationaux chargés de la surveillance macroprudentielle disposent d’une indépendance opérationnelle vis-à-vis des organes politiques et de l’industrie financière. En connaissance de cause, un amendement prévoit une consultation de la BCE comme préalable à l’entrée en vigueur du texte.

« Cette proposition de loi ne vise pas à remettre en cause l’indépendance du HCSF, essentielle à l’exercice de ses missions, mais bien à introduire davantage de transparence et de cohérence dans la fixation de ses critères en matière d’octroi de crédits », a soutenu Lionel Causse après le vote.

Contre-attaque de la Banque de France

Pour justifier le bien-fondé des règles macroprudentielles en vigueur, la Banque de France a publié le 8 avril une enquête réalisée en partenariat avec l’Insee sur l’endettement immobilier sur la période 2010-2021 en France, Allemagne, Espagne et Italie. C’est dans l’Hexagone que la hausse de l’endettement a été la plus forte, « notamment - mais pas seulement - pour les ménages à revenus plus élevés », avance la Banque de France.

La flambée des prix de l’immobilier entre 2017 et 2021 est allée de pair avec une forte diminution des coûts de financement pour les ménages. Si la reprise de l’inflation a enrayé cette tendance, les taux de crédit restent moins élevés en France que dans les autres pays étudiés.

La proposition de loi sera examinée en séance publique le 29 avril.