21112024

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Viager : qu’advient-il du bouquet en cas d’annulation ?


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Voilà une décision inédite sur une situation qui n’a rien d’exceptionnelle : si le débirentier ne règle plus ses échéances la vente peut être annulée. Peut-il alors se faire rembourser son bouquet ?

 

 

En janvier 1992, un couple a vendu en viager une maison d'habitation moyennant 1 M Francs (150 000 €) avec un bouquet de 44% et le solde ayant été converti en rente viagère mensuelle de 4 300 F (655 €).

En août 2015 le ménage débirentier décide de cesser d’acquitter la rente (se rendant compte sans doute qu’il a fait une très mauvaise affaire). Dès lors, le couple crédirentier le met en demeure puis l’assigne en résolution de la vente, paiement des arrérages impayés, restitution de la maison et expulsion. Les deux époux débiteurs étant décédés en cours de procédure, leurs héritiers prennent leur place.

L’avocat des héritiers soutient qu'en cas de résolution du contrat de vente en viager, les parties doivent être mises dans la même situation que s'il n'y avait pas eu de contrat. Donc, selon la clause résolutoire insérée dans ce contrat, seuls les arrérages versés et les embellissements restent à la charge de l'acquéreur ; les magistrats devaient ordonner la restitution du bouquet de 66 000 € (44% du prix de vente).

La cour d’appel va exiger le règlement des arrérages échus et impayés jusqu'à l'acquisition de la clause résolutoire (avec aussi des indemnités d’occupation jusqu’à l’expulsion effective). Mais pas la restitution du bouquet. Selon elle, ce montant reste acquis aux vendeurs.

Une décision curieuse

En effet, selon la jurisprudence, la restitution de la chose et du prix constituent une conséquence légale de la résolution du contrat (3ème Civ., 29 janvier 2003, pourvoi n° 01-03.185 ; 3ème Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 17-26.783).

Il résulte de l’article 1183 du code civil (transposé au 1229), affirme la Cour de cassation, que la condition résolutoire entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat ainsi que des restitutions réciproques qui en constituent des conséquences légales. Par conséquent la cour d’appel s’est fourvoyé car elle devait ordonner la restitution du bouquet correspondant à la part du prix payé comptant lors de la signature du contrat.

Quant aux arrérages échus et impayés au jour de la résolution, les juges d’appel doivent s’en tenir à ce qui est convenu : selon la clause de résolution du contrat, seuls « les arrérages versés et les embellissements et améliorations apportés au bien » demeuraient acquis au vendeur. Les arrérages échus et impayés ne sont donc pas exigibles !

La Cour de cassation laisse une porte entre-ouverte aux juges du fond qui ont statué « sans retenir que le bouquet et les arrérages échus et impayés étaient laissés au vendeur à titre de dommages-intérêts » ; ces montants auraient pu être acquis au couple crédirentier pour peu que le contrat de vente en viager le stipule dans une clause pénale ou bien que les juges accordent un dédommagement demandé pour préjudice.