24112024

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Gestion d’actifs

Combiner performances et lien social

Samir Ramdane

Interview de Samir Ramdane, Responsable de l’équipe Gestion OPC Actions Europe chez Covéa Finance

Quelles sont les principales caractéristiques du fonds Covéa Actions Solidaires ?

Labellisé ISR et en cours d’obtention du label Finansol, le fonds Covéa Actions Solidaires est investi à 75 % au minimum en actions de la zone euro sur des thématiques sociales et responsables. Plus précisément, il a pour objectif de promouvoir le lien social grâce à des investissements qui favorisent la création d’entreprise et la réinsertion. Créé en 2007, il était précédemment investi sur des thèmes liés exclusivement aux ressources humaines. Désormais ouvert à l’ensemble des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, il dispose d’un univers d’investissement plus large.

Comment délimitez-vous cet univers d’investissement ?

Grâce à l’analyse extra-financière « best in universe » retenue, nous définissons un univers investissable. Conformément aux exigences du label ISR, nous excluons les 20 % d’entreprises qui ont obtenu les notes les plus basses. Ensuite, nous nous intéressons en priorité aux valeurs qui obtiennent une notation moyenne positive après l’analyse rigoureuse de tous les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Notez enfin que nous sommes actifs dans le champ de l’engagement actionnarial : nous exerçons systématiquement nos droits de vote en assemblée générale et interagissons régulièrement avec les équipes de direction des entreprises.

Procédez-vous à des exclusions systématiques ?

Oui, conformément à la politique d’exclusion définie par Covéa Finance, nous pratiquons certaines exclusions normatives, sectorielles et thématiques. Les exclusions thématiques concernent les entreprises ayant recours au charbon pour produire de l’énergie ou dans le cadre de leur activité. Ces exclusions se font selon certaines conditions et avec des seuils d’activités liés au charbon qui sont progressivement abaissés. Les exclusions sectorielles concernent les entreprises qui produisent du tabac, ainsi que celles qui réalisent plus de 5 % de leur chiffre d’affaires dans le secteur des jeux d’argent. Enfin les exclusions normatives concernent les entreprises qui sont impliquées dans les armes controversées, à savoir les armes à sous-munition, les mines antipersonnel et les armes bactériologiques et /ou chimiques.

Comment sélectionnez-vous les valeurs du portefeuille ?

Nous nous appuyons sur nos perspectives économiques et financières qui définissent, trois fois par an, nos orientations de gestion mais aussi sur une équipe de recherche, composée de 23 personnes qui sont dédiées aux analyses macroéconomiques, quantitatives et financières. L’équipe de gestion est par ailleurs composée d’une douzaine de gérants/analystes dédiés aux marchés d’actions européens. Riches de toutes ces ressources, nous procédons à une analyse fondamentale classique qui couvre les aspects financiers et stratégiques pour construire le portefeuille. Celui-ci compte actuellement 44 lignes auxquelles il faut ajouter une position dans un OPCVM monétaire ISR qui nous permet de gérer au mieux nos positions d’attente en trésorerie.

Quelle est votre allocation d’actifs actuelle ?

Près de 65 % de l’actif du fonds est investi en actions françaises, le solde est déployé sur les autres marchés européens à l’exception de 5 à 10 % de l’actif qui sont dédiés aux titres non cotés de structures solidaires d’utilité sociale.

Comment sélectionnez-vous ces structures d’utilité sociale ?

Nous les sélectionnons en fonction de leur objet : il est impératif qu’elles favorisent la cohésion sociale, en permettant l’insertion, par le travail ou l’habitat en particulier, de personnes en situation de difficultés économiques.

Est-ce par le biais du logement et de l’activité professionnelle que vous appréhendez la notion de réinsertion ?

Effectivement, la réinsertion passe par un toit décent, c’est à dire un logement, mais aussi par un métier ou un projet d’entreprise. De l’abbé Pierre au professeur Muhammad Yunus, le lauréat du prix Nobel de la paix qui a déployé et démocratisé la notion de microcrédit depuis le Bangladesh, les idées ne manquent pas pour initier des processus de réinsertion.

Les institutions de microcrédit sont présentes dans le fonds ?

L’intérêt du microcrédit a été démontré : il n’y a en effet pas nécessairement besoin de beaucoup de capitaux pour démarrer une activité que ce soit, par exemple, dans le secteur de la coiffure ou dans celui du lavage de voiture. C’est pour cette raison que l’association pour le droit à l’initiative économique, l’ADIE, association à la fois pionnière et leader du microcrédit en France, fait partie des associations sélectionnées pour intégrer le fonds.

Quelles sont les autres associations sélectionnées ?

On peut citer le réseau France Active dont la mission est de favoriser la réussite des entrepreneurs en leur apportant conseils, financements et connexions avec de nombreux partenaires. Il y a également la SIDI ou Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement. Il s’agit d’un investisseur social qui émane de CCFD-Terre Solidaire et qui est également actif dans le domaine de la microfinance. Il vise à améliorer les conditions de vie des populations vulnérables dans les pays du Sud et de l’Est par le renforcement d’activités économiques, qu’elles soient individuelles ou collectives.

Les aspects solidaires sont-ils limités à ces participations ?

Non, nous pouvons également investir jusqu’à 10 % de l’actif dans d’autres fonds solidaires de droit français. La pondération des investissements solidaires est donc comprise entre 5 % et 20 %. Dans le cadre de ces allocations, nous sommes particulièrement attentifs aux problématiques de risque. Nous sélectionnons donc avec beaucoup de soin les associations dans lesquelles nous prenons des participations. Notamment, alors que l’encours du fonds progresse, nous veillons à ce que notre ratio d’emprise ne soit pas trop élevé. Plus précisément, nous nous refusons de détenir plus de 5 % du capital d’une association. Dès lors, il nous faut diversifier cette poche.

Dans combien d’associations êtes-vous actuellement investis ?

Nous en avons actuellement cinq en portefeuille. Celles-ci nous permettent de garder un lien fort et direct avec une réalité qui, in fine, ne touche que rarement les sociétés cotées. Ce lien, la plupart des fonds strictement ISR ne savent pas l’appréhender. D’autres partenaires associatifs devraient suivre prochainement, notamment dans le champ des aspects sanitaires et de l’accès aux soins pour les personnes en grande difficulté.

TB