12102024

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Fiscalité

Assurance, banque et épargne : les régulateurs font plusieurs rappels à l’ordre

Le Pôle commun constitué des deux régulateurs du marché de l’épargne, de la banque et de l'assurance, l'AMF et l'ACPR, ont rendu public leur rapport. Voici ce qu’il faut en retenir.

Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers (AMF), a insisté deux enjeux clés aujourd’hui : 

D'une part, la montée en puissance de la finance durable, « un mouvement très fort » selon lui qui exige une surveillance des publicités pour les produits financiers. « Sur les six derniers mois en France, 43% des publicités pour des fonds vendus en direct ou via l’assurance vie mettent en avant à titre principal une composante verte ou finance responsable ». L’AMF redoute que la bonne intention dissimule le risque pris et appelle à une information « claire, lisible et compréhensible pour le client ».

D'autre part, « l'environnement de taux très bas et la défiance vis-à-vis des produits financiers classiques a pour résultat le développement d’offres frauduleuses et des arnaques », selon lui. Ce contexte est propice aux sollicitations en ligne, via les réseaux sociaux et par téléphone, avec « des promesses de rendement élevés stupides et des fausses garanties ». Le rôle du Pôle commun est d’identifier rapidement les arnaques.

Nathalie Beaudemoulin, directrice du contrôle des pratiques commerciales à l’ACPR, coordinatrice du Pôle commun, observe que le site internet ABEIS (Assurance Banque Épargne Info Service) a enregistré 750 000 consultations en 2018, soit +14%. Elle explique que les deux régulateurs ont mis en place des « outils de veille innovants pour surveiller la publicité sur les medias, réseaux sociaux, emailing, et la manière dont sont vantés les produits ». « On a noté une réorientation forte vers les UC en assurance vie et dans ce contexte nous vérifions que les épargnants ont bien compris le choix fait ».

Un sondage sur 200 publicités leur a permis de constater que l’information délivrée n’est pas toujours équilibrée. « Le message de risque de perte en capital n’est pas mentionné en message principal de la publicité mais en note de bas de page peu perceptible et parfois absent ».

Le Pôle commun a décidé de mener un audit sur les autoplacements (parts sociales par exemple du Crédit Mutuel, du Crédit Agricole... auprès de leur propre clientèle). « C’est un point d’intérêt important pour les superviseurs, a-t-elle expliqué, certes constitutif de certains modèles bancaires mutualistes mais impliquant une gestion précautionneuse des conflits d’intérêt qui sont inhérents à cette pratique ». Une enquête a été lancée pour quantifier le phénomène et évaluer les pratiques de mauvaise commercialisation. « Une bonne information doit être donnée sur la nature du titre, sa liquidité, sa rémunération ». Un rapport va être publié sur le sujet.

Claire Castanet, directrice en charge des relations avec les épargnants à l’AMF, a quant à elle dressé un bilan avec un certain nombre d’observations critiques :

- une insuffisance du recueil des connaissances et de l’expérience des clients. A cet égard, « il faut bannir l’autoévaluation par le client », a-t-elle mis en garde, ce qui semble viser spécialement les sites internet ;

- une insuffisance du recueil de la situation financière du client est « important pour mesurer la capacité à mesurer les risques ». Elle explique ainsi que pour beaucoup de Français, l’objectif est de préparer la retraite, un souci que partage 75% d’entre eux. « Or l’approche du conseiller est trop ciblé sur le court et moyen terme : 3 à 5 ans ce n’est pas du long terme ! »

- une insuffisance de la traçabilité du conseil donné en déplorant l’absence ou la mauvaise qualité des rapports d’adéquation ! « C’est un point d’amélioration très fort ! » ainsi qu'une insuffisance d’équilibre d’informations sur le couple performances/risques liés en ce qui concerne les offres dites atypiques.

- et enfin, un manque de transparence sur les rémunérations, notamment pour les CIF non déclarés indépendants.  

Par ailleurs, elle a souligné que « la lutte contre les arnaques financières est une priorité pour nous. L’environnement de taux bas et la puissance d’Internet pour entrer dans l’intimité des gens favorisent les fraudes ». « Les arnaques aux livrets d’épargne se développent ». Elle lance une mise en garde : « l’objectif est de capturer et détruire votre épargne, les escrocs sont très habiles pour le faire, les abus pullulent : après les diamants, terres rares, on arrive aux cryptooactifs qui ont entraîné 55 M€ détournés en 2018 et déjà 18 M sur le 1er trimestre. Attention aussi aux usurpations de noms de sociétés très connues, une tendance qui « monte très fort ».

Environ 150 noms ont été ajoutés en 2018 aux quatre listes noires et une cinquième liste recensant les sites proposant des produits dérivés sur crypto-actifs sans respecter la réglementation - déjà 77 inscrits - a été créée. « Au total plus de 750 noms figurent sur nos listes noires », a indiqué Claire Castanet.

Enfin, autre chantier majeur, celui de la clientèle vulnérable et des majeurs protégé. Compte tenu des  spécificités de ces populations, et dans le contexte de vieillissement de la population, la directrice en charge des relations avec les épargnants à l’AMF explique qu’il « s’agit d’identifier les bonnes pratiques à partager pour favoriser un consentement éclairé ». Un rapport est paru en 2018 mais une synthèse des retours d’expérience dans les réseaux viendra compléter ce document de base.

Les régulateurs proposent de constituer un groupe de travail de place pour traiter de la conception des produits, la stratégie de distribution, la réalité du consentement.

Jean-Denis Errard