02102025

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Fiscalité

Notaires : une profession transformée, mais fragilisée

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Le président du Conseil supérieur du notariat, Bertrand Savouré, a fait le portrait d’une profession transformée par l’ouverture mais menacée de « déclassement » à mesure que les offices se créent et que l’activité se tasse. La direction des Affaires civiles et du Sceau se veut rassurante.

 

 

 

 

« Voici réunie ici notre tribu : la tribu notariale ». Bertrand Savouré, président du Conseil supérieur du notariat (CSN), introduit le 121e Congrès des notaires par un parallèle entre la profession et le thème du moment : « famille et créativité notariale, accompagner les tribus d’aujourd’hui », réunissant 3 000 notaires à Montpellier les 25 au 26 septembre, avec 32 pays différents représentés.

Profession en mutation

Comme les familles, le notariat a muté, sous l’effet de la loi Croissance, avec l’arrivée des « créateurs ». De nouveaux entrants dans la profession qui, par tirage au sort, obtiennent le droit de créer leur office dans des zones géographiques prédéfinies.

« Encore fallait-il réussir cette ouverture, intégrer 78 % de nouveaux notaires en 10 ans, comprendre les aspirations nouvelles. Cette réussite, c’est notre œuvre », s’est félicité Bertrand Savouré.

Une enquête conduite par l’Ifop, à laquelle la moitié des notaires de France a répondu, reflète le profond bouleversement qu’a connu le notariat : près de 63 % de ces officiers publics ministériels ne l’étaient pas il y a dix ans.

La profession a ainsi réussi à s’arracher du cliché qui lui collait le plus à la peau, celui de la transmission des études en ligne directe au sein du cercle familial. Moins de 20 % des notaires ont un parent issu du notariat, proportion qui tombe à 6 % chez les étudiants.

Beaucoup sont des juristes avant tout, qui ont découvert le droit civil pendant leurs études, aiment le contact avec le public et leur statut d’officier ministériel.

Des « invisibles »…

L’étude dépeint le portrait du notaire en 2025, quasi-paritaire entre femmes et hommes, comme dans la composition des instances, sauf chez les élus. En incluant les notaires salariés, les notaires ont 46 ans en moyenne et sont femmes à 57 %.

Les notaires libéraux exercent majoritairement dans des TPE, en société avec un associé et huit collaborateurs, dont au moins un notaire salarié. Si la moitié est présente dans les villes de plus de 100 000 habitants, 16 % exercent en zone rurale ou dans des communes de moins de 5 000 habitants. Beaucoup sont des « invisibles », comme les appelle Bertrand Savouré : « Il n’est pas simple d’être notaire en zone rurale, dans des territoires désertés par la République, ou à Mayotte, pointe-t-il. Les difficultés sont là, économiques, psychologiques, matérielles… »

Si la profession, dans son ensemble, traverse une « crise économique majeure » depuis 2022, en lien avec le ralentissement du marché immobilier, les difficultés sont particulièrement visibles en zone rurale : sur les 11 % de notaires dont le chiffre d’affaires se situe sous le seuil de viabilité, presque un tiers exerce à la campagne.

… Au « déclassement »

En guise de remède, le président du CSN demande la fin du plafonnement du tarif pour les petites transactions, instauré en 2016. Il n’hésite pas à parler du risque de « déclassement » et de « paupérisation » qui guette la profession - dont le salaire médian est de 16 500 euros par mois - en cas de nouvelle réduction de ses marges.

La carte d’installation, qui définit tous les deux ans le nombre de nouvelles études et leur emplacement, a également eu droit à son tacle, comme chaque année depuis sa création. Bertrand Savouré s’est inquiété d’un rythme de création d’offices « excessif » qui « masquerait une baisse programmée » du modèle économique du notariat et a demandé leur suspension pendant cinq ans. « L’Autorité de la concurrence estime qu’une baisse du chiffre d’affaires des études de 35 % ne pose pas de difficulté car jusqu’à ce seuil, l’Etat n’a pas à les indemniser », a-t-il fustigé.

Il a également dénoncé les « chantres d’une authenticité étriquée », qui confondent « authenticité et légalisation », ciblant implicitement l’Autorité de la concurrence qui recommande de supprimer la nécessité de l’authenticité pour un certain nombre d’actes.

Première vague réussie

Gouvernement démissionnaire oblige, le Garde des Sceaux n’était pas présent, remplacé par la directrice des Affaires civiles et du Sceau, Valérie Delnaud. Celle-ci a félicité la profession pour son engagement dans la réforme du divorce par consentement mutuel - perçue par certains notaires comme une brèche dans l’authenticité en ce qu’elle fait intervenir des avocats - ainsi que celle sur la PMA avec tiers donneur.

Concernant l’état de la profession, les premiers résultats d’une enquête commandée par le ministère de la Justice sur les créateurs sont plutôt positifs. Le chiffre d’affaires des notaires de la première carte d’installation n’a fait qu’augmenter entre 2017 et 2024, avec un passage en territoire bénéficiaire pour la grande majorité depuis 2019. « Le démarrage de l’activité a été positif pour 54 % d’entre eux, et 73 % ne regrettent pas de s’être porté candidat », a poursuivi la magistrate.

Mais le chiffre d’affaires de la profession a connu une forte augmentation entre 2020 et 2022, avant de se dégrader en 2022 pour retrouver le niveau de 2020. Or, le nombre d’offices a considérablement augmenté entre 2020 et 2025. « Le garde des Sceaux Gérald Darmanin s’est prononcé pour une modification de la périodicité de révision de deux à cinq ans et se dit attentif aux prochaines négociations sur la révision tarifaire », a abondé Valérie Delnaud. A ce sujet, un observatoire économique du notariat devrait voir le jour.

Une mission d’inspection conjointe évalue actuellement les effets des réformes sur les modalités d’exercice, financières, le rythme de révision des cartes et les tarifs. « Le CSN va être entendu et les conclusions de la mission seront analysées par la direction des Affaires civiles et du Sceau (DACS) », a indiqué Valérie Delnaud.

Faciliter la sortie d’indivision

Un autre groupe de travail réunissant notaires avocats et magistrats planche sur la sortie de l’indivision - dont la longueur et la complexité avait été relevée par l’Inspection générale de la justice (IGJ) - pour améliorer la procédure de partage judiciaire. « Les conclusions convergent vers une procédure qui rapproche plus rapidement juge et notaire et offre au justiciable une sortie de l’indivision plus rapide et sûr », ajoute Valérie Delnaud.

Bien que le texte n’ait pas encore été rédigé, l’administration judiciaire espère le voir entrer en vigueur d’ici septembre 2026.

D’autres réflexions en cours visent à accroître le rôle du notaire dans les successions vacantes ou le prononcé des adoptions simples. Devant l’augmentation croissante des dossiers, la Chancellerie penche pour une déjudiciarisation afin d’accélérer le traitement des dossiers.