Gestion d’actifs
Emprunts d’Etat : l’analyse ESG d’Aviva Investors et M&G Investments
- Mercredi 26 juin 2019 - 10:33
- | Par Gestion de Fortune
S’il est assez facile de s’intéresser aux entreprises sous l’angle ESG, il en va autrement pour les Etats. Mais cela devient nécessaire, selon Aviva Investors et M&G Investments.
Maria Muccini, gérante chez M&G Invesments, explique pourquoi la prise en compte des critères ESG est déterminante dans la sphère de la dette souveraine. Chez Aviva Investors, Anton Kerknezov, gérant, et Carmen Altenkirch, analyste, examinent en quoi les facteurs extra-financiers sont importants dans une exposition à la dette émergente.
Un processus d’intégration méthodique
La dette des pays émergents négociables (plus de 25 000 Md$, d’après les statistiques de Bank of America Merrill Lync) offre aux investisseurs un vivier croissant d’opportunités qui pourraient être mieux évaluées en intégrant les facteurs ESG. C’est l’avis d’Anton Kerkenezov et Carmen Altenkirch. En 2014, l’annexion de la Crime par la Russie et le soutien des séparatistes en Ukraine ont déclenché une série de sanctions entraînant des coûts d’emprunt plus élevés, non seulement pour la Russie, mais également pour certaines entreprises non visées par ces sanctions.
La même année, l’enquête sur les fraudes de la société énergétique détenue par l’Etat brésilien, Petrobras, a fini par piéger des politiciens haut-placés, dont l’ancien président Luis Inacio Lula da Silva, et plongé le pays dans la récession. Et, pour la première fois depuis 10 ans, la Turquie est tombée en récession.
Devant de tels constats, il est logique, selon Anton Kerkenezov et Carmen Altenkirch, que l’analyse du segment dette émergente se transforme. « Les investisseurs évoluent d’une allocation de la dette émergente tactique à une allocation plus stratégique, font observer les spécialistes d’Aviva Investors. Dans le cadre de ce changement, ils estiment qu’un processus d’intégration ESG plus méthodique peut constituer un outil précieux à utiliser en plus de l’analyse fondamentale dans les décisions d’investissement. »
Par exemple, du point de vue de l’analyse fondamentale et des facteurs ESG, le Ghana paraît sous-évalué. Grâce au programme du Fonds monétaire international lancé en 2015, les indicateurs économiques et fiscaux se sont améliorés. Le pays a réduit son déficit budgétaire et stabilisé son inflation. En termes de facteurs ESG, il a également progressé, notamment dans les domaines de la solidité institutionnelle du gouvernement, de l’organisation d’élections libres et de la qualité des infrastructures.
Une évaluation qualitative indispensable
Pour Aviva Investors, l’environnement, le social et la gouvernance représentent 15 %, 35 % et 50 %, respectivement, de l’ensemble des facteurs ESG dans les pays émergents. Parce que les scores ESG se fondent généralement sur des données rétrospectives, une évaluation qualitative des tendances est également nécessaire. Il y a des informations provenant des variables ESG qui ne sont pas capturées par les notations de dette souveraine, comme la solidité institutionnelle, l’égalité des genres et la santé environnementale.
« Les activités d’une entreprise sont souvent restreintes, commente pour sa part Maria Municchi. Etablir un lien direct entre l’entreprise et les activités que nous ne cautionnons pas (pollution, jeux, tabac, boissons alcoolisées, etc.) ou celles que nous défendons (santé, éducation, ressources renouvelables…) est généralement aisé. En revanche, investir dans des emprunts d’Etat soulève des questions qui peuvent être complexes. Lorsque Goldman Sachs a acheté des emprunts d’Etat vénézuéliens en 2017, la société a été condamnée pour avoir soutenu un régime mal vu, tandis que, durant d’autres crises, les investisseurs ayant vendu des emprunts d’Etat ont parfois été considérés comme punissant la population locale et portant atteinte au droit à l’autodétermination. »
Selon la gérante, une telle complexité n’est pas une raison pour éviter tout investissement dans les emprunts d’Etat. Les Etats ont un rôle considérable à jouer de manière à influer sur ce qui préoccupe les investisseurs ESG. En outre, il s’agit d’une classe d’actifs qui peut jouer un rôle clé en matière de génération de performance et de gestion du risque de portefeuille. Cela est particulièrement important pour les fonds diversifiés qui cherchent à offrir des caractéristiques de performance et de volatilité spécifiques et stables dans divers environnements.
Michel Lemosof