21112024

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Loi de finances

Fraude fiscale des particuliers : La Cour des comptes pointe les résultats insuffisants de l’automatisation des contrôles

audit - fraude - détection - anomalieLa juridiction demande plus de transparence à l’administration fiscale et des chiffres tangibles pour comprendre ce que représente la fraude détectée au regard de la fraude globale.

 

 

 

Les débats sur la fraude fiscale en France s’accommodent depuis des années de chiffres approximatifs. Le Cour des comptes est allé chercher le responsable à la source : dans son dernier rapport sur la détection de la fraude fiscale des particuliers publié le 15 novembre, elle blâme l’administration fiscale pour ne pas fournir d’estimations précises.

Orientation vers l’analyse de risque

« La détection, qui intervient en amont du contrôle, est l’ensemble des opérations par lesquelles sont identifiés des anomalies fiscales, précise Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes lors d’une conférence de presse. Le contrôle est bien documenté mais il n’en va pas de même pour la détection des anomalies et irrégularités. »

La faute reviendrait aux orientations stratégiques de la DGFiP depuis qu’elle s’empare des nouvelles technologies : d’une logique de ciblage triennale des gros contribuables, le gouvernail fiscal a viré de bord en faveur d’une détection basée sur l’analyse de risque. Le data mining, ou la recherche automatique de données analysées par une intelligence artificielle qui évalue l’opportunité du contrôle, renforce cette tendance.

Si le rendement est maximal, la « vision est biaisée et empêche de percevoir l’ensemble du tissu fiscal », ont pointé les magistrats. Difficile donc de comprendre ce que représentent les 14,6 Md€ de droits rappelés en 2022 par rapport aux montants non détectés. La DGFiP prévoit bien d’établir des estimations d’ici 2027… pour les impôts des professionnels seulement.

Manque de lien entre détection et contrôle

Les reproches de la Cour ne s’arrêtent pas là. « Il est difficile d’apprécier la pertinence du contrôle de vérification, puisque les enquêteurs de la DGFiP ne font pas le lien entre la détection et le résultat du contrôle », tance Pierre Moscovici. Dit autrement, les lacunes des systèmes d’information ne permettent pas de savoir si le motif initial de déclenchement du contrôle correspond à celui retenu par l’agent au moment du redressement.

La Cour des comptes a par ailleurs remarqué que le taux de contrôles fiscaux sur des particuliers qui aboutissent à un rappel de droits (55 %) n’a « guère progressé » depuis 2018, empêchant de conclure « à un saut qualitatif permis par la « révolution technologique » ».

Plan anti-fraude

Le juge des deniers publics veut profiter de l’impulsion du plan anti-fraude présenté par le gouvernement en juin 2023. Il invite Bercy à le compléter d’une stratégie nationale de détection des irrégularités fiscales articulée autour de six axes :

- la fin de l’opacité sur les choix stratégiques de programmation des contrôles fiscaux, en veillant à ce que les méthodes choisies garantissent l’égalité entre contribuables. La formalisation d’une stratégie de détection des irrégularités permettrait au public de savoir si la politique de contrôle est pilotée par l’analyse de risque, les dossiers prioritaires, les enjeux de rendement, la sélection aléatoire…
« Les gros contribuables restent plus contrôlés que les autres, affirme Pierre Moscovici. L’enjeu se situe du côté des petites fraudes, notamment concernant les crédits et réductions d’impôts qui ne sont aujourd’hui pas la priorité »

- la mise sur pieds d’ici fin 2024 d’une méthodologie en partenariat avec l’Insee pour estimer le montant de la fraude à l’impôt sur le revenu des particuliers

- la traçabilité de l’intervention de l’administration pour faire le lien entre fraudes suspectées, détectées et établies et ainsi évaluer la pertinence des motifs de programmation des contrôles

- le renforcement des actions de prévention avec des alertes en temps réel sur le risque de contrôle lorsque des éléments de la déclaration en ligne sont incohérents ou manquants, pour notamment dissuader les fraudes mineures.

- l’amplification de la politique de détection fiscale grâce à une démarche plus structurée et la valorisation des compétences spécifiques à cette activité au sein de la DGFiP