Fiscalité
[Tribune] PLF : la taxe sur les holdings en pratique
- Jeudi 30 octobre 2025 - 09:49
- | Par Vincent Forestier, avocat counsel chez CMS Francis Lefebvre Avocats

Mesure phare du projet de loi de finances pour 2026, la nouvelle taxe sur la patrimoine financier des holdings patrimoniales soulève de nombreuses questions. Qui est visé, comment se calcule l’assiette, quand entre-t-elle en vigueur ? Décryptage
Le projet de loi de finances pour 2026 contient une taxe annuelle de 2 % sur les actifs non affectés à une activité opérationnelle détenus via des entités patrimoniales, françaises ou étrangères. L’objectif affiché est d’endiguer les stratégies de thésaurisation de revenus dans des structures soumises à l’impôt sur les sociétés, perçues comme un moyen de différer indéfiniment l’imposition au niveau des personnes physiques et, partant, de rétablir une forme de progressivité sur les hauts patrimoines. Derrière cet objectif simple se cache un mécanisme d’une grande sophistication, au risque de rendre le dispositif difficilement intelligible.
Quelles entités sont concernées?
Entrent dans le champ les entités, françaises ou étrangères, assujetties à l’impôt sur les sociétés, dont la valeur des actifs atteint au moins 5 M€, dont les revenus passifs représentent plus de 50 %, et sur lesquelles une personne physique détient directement ou indirectement, au moins 33,33 % des droits financiers ou de vote, ou y exerce en fait le pouvoir de décision.
Le texte assimile le cercle familial (conjoint, partenaire pacsé ou concubin notoire, ascendants, descendants, frères et sœurs) à une seule « personne », tout comme les associés ayant conclu un accord, tel qu’un pacte d’associés, engageant à une unité de vote en matière de politique de distribution.
Une entité contrôlée par une autre société elle-même soumise à la taxe sort du champ, afin d’éviter les doubles impositions en chaîne. Les organismes de placement collectif sous forme de sociétés (notamment les Sicav), les sociétés de capital-risque et les SIIC en sont exclus sous certaines conditions.
Il est fait observer que bien que la mesure vise les « holdings patrimoniales », son champ d’application est en réalité plus large. Par exemple, sont également susceptibles d’être concernées des holdings cotées ou encore des sociétés foncières sans filiales.
Les revenus passifs visés
Un des critères clé est celui de la prépondérance des revenus passifs, lesquels sont entendus largement : dividendes, intérêts, produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, redevances, produits de droits d’auteur, loyers, ainsi que produits de cession d’actifs générateurs de tels revenus lorsqu’ils sont comptabilisés en produits d’exploitation ou financiers. Une société qui n’aurait que des revenus passifs serait ainsi soumise à la taxe dès le premier euro de revenu, sous réserve du franchissement des autres seuils.
Les redevables de la taxe
Le redevable diffère selon la localisation du siège de la société. Lorsque celui-ci est en France, la taxe est acquittée par la société. Lorsqu’il est à l’étranger, le paiement de la taxe incombe aux personnes physiques fiscalement domiciliées en France qui la détiennent.
Ainsi, une personne qui détiendrait une seule action d’une société dans le champ de la taxe, mais dont les membres du cercle familial détiendraient 33,33 %, serait instituée redevable.
Calcul de l’assiette pour une entité française
L’assiette agrège trois composantes, appréciées à la clôture de l’exercice.
Première composante : la valeur vénale des biens meubles corporels et immeubles, à l’exception des actifs professionnels
Sont exclus les actifs affectés à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, y compris lorsqu’ils sont mis à disposition de sociétés liées ou du bien professionnel au sens de l’IFI (à l’exception des actifs affectés par la société à l’activité de gestion de son propre patrimoine). Les dettes immobilières liées à l’acquisition sont déductibles selon des règles spécifiques qui empruntent à celles applicables en matière d’IFI. En revanche, le projet de texte ne prévoit pas de déduction des dettes de travaux et des dettes afférentes aux biens meubles corporels pris en compte dans l’assiette.
Deuxième composante : une fraction des disponibilités et des titres autres que les titres de participation
Les titres de participation sont exclus de cette composante, de même que les titres de PME européennes et les parts de FCPR « fiscaux ».
Par ailleurs, plusieurs réfactions viennent minorer le montant des disponibilités pour tenir compte de leur affectation à l’activité : apports en capital de moins de 24 mois destinés à l’activité opérationnelle, produits de cessions des deux derniers exercices clos d’actifs opérationnels ou de titres de participations non encore employés, et un montant correspondant au plus élevé de plusieurs indicateurs (15% de l’actif, deux fois la moyenne du résultat comptable des trois derniers exercices, dettes à court terme ou moyenne des actifs immobilisés acquis au cours des trois derniers exercices et affectés à l’exercice de l’activité.).
Troisième composante : la valeur vénale des participations directes dans certaines filiales, plafonnée à la valeur taxable des actifs taxables sous-jacents
Sont concernées les participations dans des entités non cotées contrôlées majoritairement et dont les seuils de 5 M€ actifs et de prépondérance des revenus passifs sont atteints, ainsi que les participations dans des entités qui participent au contrôle de telles filiales. Un plafonnement limite la valeur retenue à la proportion des actifs sous-jacents taxables, tout en neutralisant certaines dettes. Ce volet, tout particulièrement complexe, vise à éviter les contournements par interposition de filiales.
Et pour une entité étrangère?
L’assiette est déterminée au niveau des personnes physiques domiciliés en France détenant la participation dans l’entité concernée, selon une méthode de calcul inspirée de la troisième composante ci-dessus : elle correspond à la somme des valeurs vénales de certaines participations directes dans la limite de la valeur des actifs taxables sous-jacents. En outre, des règles de majoration s’appliquent aux créances détenues par les redevables sur la société ou les entités interposées. En cas de démembrement, les principes de l’IFI s’appliquent, conduisant, sauf exceptions, à imposer l’usufruitier domicilié en France.
Taux et articulation avec l’IFI
Le taux de la taxe est fixé à 2 %, sans mécanisme de plafonnement. Afin d’éviter une double imposition avec l’IFI sur les mêmes actifs, un mécanisme d’exonération des titres soumis à la taxe est prévu en matière d’IFI.
Entrée en vigueur
La taxe s’appliquerait aux exercices clos à compter du 31 décembre 2025 pour les entités françaises, et du 31 décembre 2026 pour les entités étrangères. Pour les premières, la taxe suit les modalités déclaratives et liquidatives de l’impôt sur les sociétés. Pour les secondes, la taxe est déclarée par les personnes physiques associées avec l’impôt sur le revenu de l’année suivante, soit en 2027 pour la première fois.
Une conformité aux normes supérieures qui interroge
Entre autres malfaçons, le traitement différencié entre structures françaises et étrangères, contraignant les associés domiciliés en France à recourir à leur patrimoine pour acquitter la taxe, l’absence de plafonnement ou encore la prise en compte partielle du passif soulèvent des questions de conformité à la constitution et au droit européen. Si la taxe survit au processus parlementaire il lui faudra vraisemblablement passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel. Sa suppression – par inadvertance – en commission des finances (avant d’être présentée avec l’ensemble du texte initial en séance publique à l’Assemblée nationale le 24 octobre) marque le début d’un chemin semé d’embûches pour la taxe sur les holdings.


