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Locations Airbnb : enfin une décision claire !
- Jeudi 14 mars 2024 - 09:45
- | Par Jean-Denis Errard
Cette question a pourri bien des AG de copropriété : les locations saisonnières de courte durée sont-elles de nature commerciale ? La Cour de cassation a clairement tranché (3e ch. civile 25 janvier 2024 n° 44 F-D, pourvoi n° A 22-21.455).
Voilà un contentieux tout à fait banal de nos jours tant ce sujet exaspère bien des AG de copropriété. Dans cette affaire le règlement de copropriété, comme souvent, interdit toute activité commerciale (excepté au rez-de-chaussée où se trouvent des boutiques). Or aux étages, des copropriétaires ont mis en location meublée leurs appartements sur le site Airbnb. D’où cette question devenue récurrente : ces locations de courte durée, gérées ici par une même société « Morzine ski chalets Promotions Limited », sont-elles en infraction avec le règlement de copropriété ?
La cour d’appel de Chambéry va rejeter la requête des contestataires en se fondant sur l’article 261 D du code général des impôts qui définit la location commerciale soumise à la TVA lorsque la location est « assortie d'au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ». Les magistrats d’appel constatent que « la fourniture de services annexes tels que le ménage, les transferts vers l'aéroport, la fourniture de petits-déjeuners est optionnelle et ne permet pas d'apparenter cette exploitation à une activité commerciale ».
Le contestataire se pourvoit en cassation en estimant qu’il importe peu, au regard de l’interdiction du règlement de copropriété, que la location soit exercée à titre professionnel ou non.
Des critères de commercialité
La Cour de cassation approuve les juges d’appel en estimant que « l'activité exercée par la société [de gérance] dans l'immeuble n'était accompagnée d'aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d'un service para-hôtelier ».
La Cour de cassation met un terme aux polémiques suscitées par les locations Airbnb : celles-ci n’enfreignent pas le règlement de copropriété interdisant toute activité commerciale ou imposant une habitation « bourgeoise » (adjectif courant dans de nombreux règlements de copropriété, notamment les plus anciens). La cour suprême utilise désormais des critères clairs, ceux du code général des impôts, pour caractériser une location de type commerciale. La fréquence des allers et venues des touristes locataires (en l’occurrence il s’agit d’un immeuble au pied des pistes de ski), le fait que les transactions se fassent par l’intermédiaire d’une même plateforme commerciale et l’ameublement de l’appartement ne permettent pas de qualifier la location de « commerciale ». Ce ne sont pas là des critères de commercialité.
En clair, les locations de type Airbnb ne sont pas interdites par les règlements de copropriété prohibant les activités commerciales dans les parties privatives d’habitation.
Une clarification
Cet arrêt de la Cour de cassation permet de clarifier la portée des précédentes décisions de la 3ème Chambre civile du 8 mars 2018 (RG n°14-15864) et du 27 février 2020 (RG n°18-14.305) qui, elles, concernaient des locations meublées courtes de type para-hôtelier.
Il en va de même d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 15 juin 2016 n°15/18917 dans lequel les juges ont considéré que si la location meublée n’était pas en elle-même « contraire à la destination bourgeoise d’un immeuble, le caractère commercial de la location de meublés touristiques la rendait incompatible avec une telle destination » (en l’espèce le loueur qui possédait 7 lots sur les 9 de la copropriété apparaissait comme un para-hôtelier).
D’autres décisions de cours d’appel vont dans le même sens (Pau, 13 décembre 2017 - RG n° 17/02992 ; Aix-en-Provence 25 mars 2021 n°19/18856) mais l’intérêt de cet arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2024 est de sortir de l’appréciation in concreto du dossier, forcément variable selon les éléments du dossier, et de recourir à des critères clairs et précis.
Reste la question de savoir si des copropriétaires exaspérés par les nuisances des aller-retour fréquents provoqués à toute heure par les touristes locataires pour des courts séjours pourraient proposer en assemblée générale une révision de règlement de copropriété pour prohiber les locations de courte durée. Une telle restriction à l’usage des lots privatifs va-t-elle à l’encontre de l’article 9 de la loi de 1965, une disposition selon laquelle le copropriétaire « use et jouit librement des parties privatives » mais « sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ».
JDE