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La Fnaim pilonne la réglementation locative
- Mercredi 15 janvier 2025 - 16:37
- | Par Jonathan Blondelet
Indécence énergétique, encadrement des loyers ou location en meublé de tourisme, la fédération dégaine tous azimuts en ce début d’année, craignant que la baisse des taux n’arrive pas à juguler l’abrasion du nombre de biens disponible sur le marché de la location longue durée.
La conférence organisée le 15 janvier par la Fnaim pour revenir sur l’année 2024 tenait plus du plaidoyer pour 2025 que du bilan.
Il faut dire que les constats sur l’année écoulée sont partagés par les acteurs de l’immobilier : stabilisation des prix après une baisse de 4,9 % sur les logements anciens sur deux ans, reprise des ventes qui suit un recul de 11 % sur un an et augmentation du pouvoir d’achat immobilier de 8,5 % après un recul de 14 % les deux années précédentes.
Plancher bas
Le plancher bas semble avoir été atteint, 2024 marquant la troisième année consécutive de baisse des volumes : selon la Fnaim, 775 000 transactions ont été enregistrées, soit le niveau le plus bas depuis 2015. Une estimation proche des 780 000 ventes avancées par Century 21 mais plus optimiste que celle du notariat, autour de 750 000.
Une activité en berne qui a fatalement impacté les cartes T. Sur l’année écoulée, la Fnaim estime à 1 400 le nombre de défaillances d’agences immobilières. En avril 2024 sur 12 mois glissants, on en comptait 1 120, soit une augmentation de 112 %. Si le contingent des salariés reste stable dans la profession, celui des agents commerciaux recule de 15 % (de 93 000 à 79 000).
« La reprise sera progressive, sans emballement, prévient Loïc Cantin, président de la Fnaim. Certains projettent une année autour de 850 000 ventes, nous estimons qu’elle sera plus proche de 825 000, un niveau inférieur à celui de 2023. »
Déséquilibres structurels
Loïc Cantin estime cependant que la « crise de l’immobilier » laissera place à une « crise du logement », stimulée par la déliquescence du neuf, les difficultés d’accession à la propriété et le manque d’équilibre entre parc public et privé. « Les taux d’intérêts bas ont compensé pendant des années les mesures non prises pour remédier aux facteurs de déséquilibre structurels du marché », assène-t-il.
Mais en pleine incertitude sur la poursuite de la baisse des taux de crédit, la fédération exhorte l’Etat à pallier ce qu’elle pointe comme des entraves à l’investissement locatif, à commencer par l’encadrement des loyers, qui couvre 48 % du parc locatif privé. « Un logement qui se libère est déjà soumis à un plafonnement de l’augmentation du loyer, seuls les nouveaux logements sont libres de fixer leur loyer en dehors des zones tendues », minimise le président de la Fnaim, craignant un « épouvantail » pour les nouveaux investisseurs.
Encadrement des loyers inutile ?
A l’appui de ses dires, l’association a mesuré l’évolution de 113 000 baux signés en 2024 pour faire valoir que les loyers évoluent de façon semblable entre les communes où le loyer est encadré et les zones tendues où il n’est pas encadré. Il faut cependant préciser que cela n’est pas le cas pour les agglomérations en dehors des zones tendues.
Une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme récemment publiée conclut, quant à elle, à une modération des loyers de 4,2 % à Paris entre 2019 et 2023 par rapport à une situation sans encadrement, soit 768 euros économisés annuellement pour le locataire.
Plusieurs branches locales de la Fnaim ont déjà engagé des contentieux contre les mesures d’encadrement de collectivités locales et la fédération prévoit aussi un recours au niveau national. Fin novembre, une décision du Conseil d’Etat avait annulé un arrêté d’encadrement des loyers entre 2020 et 2021… sans que sa décision ne produise d’effet rétroactif ni se prononcer sur le fond du dispositif.
567 000 biens G
L’indécence énergétique, qui s’applique aux logements dont le diagnostic de performance énergétique (DPE) est classé G depuis le 1er janvier, est également accusée d’accélérer l’attrition de l’offre. « Ce n’est pas seulement un parc de 567 000 logements à l’étiquette G qu’il faut rénover, attaque Loïc Cantin. 230 000 de ces biens sont en copropriété, ce qui nécessite de rénover l’entièreté de la copropriété soit 730 000 biens au total. »
Selon les calculs de la Fnaim, qui prend comme base le rapport d’Olivier Sichel pour une réhabilitation énergétique massive - avec un coût moyen par logement de 40 000 € - le coût de la rénovation des passoires énergétiques pour rattraper le calendrier d’interdiction qui s’étendra aux F en 2028 serait de 190 Md€. A mettre en parallèle avec les 53 Md€ de travaux réalisés actuellement par l’ensemble de la filière entretien-amélioration du logement, sans compter que les entreprises labélisées RGE, nécessaires pour accéder aux aides à la rénovation, ne représentent que 11 % du total.
En guise de remède, la fédération demande à ce que l’indécence ne concerne que les baux conclus à compter du 1er janvier 2025, en laissant dans l’état ceux passés antérieurement. Dans une chronique à paraître dans le prochain numéro de Gestion de fortune, Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du management des services immobiliers, avance cependant que dans la pratique, il sera rare qu’un locataire engage des procédures contre son propriétaire pour forcer la rénovation. « Il devrait supporter des travaux en milieu occupé et il courrait le risque d’un refus de renou¬vellement de bail », écrit-il (1).
A jeu inégal
Un autre cheval de bataille de la Fnaim concerne la location meublée de tourisme, qui subit aussi les coups de boutoir de la représentation nationale, dont la dernière loi en date, dite loi Le Meur, renforce les outils de régulation à l’échelle locale.
La situation n’est pour l’heure pas encore jugulée : la France reste le premier marché européen de la location de courte durée, avec 160 000 000 de nuitées réservées en 2023, soit une hausse de 86 % sur cinq ans. Et si ces locations vont être aussi soumises à l’interdiction progressive de location des passoires thermiques, celle-ci ne s’appliquera qu’à compter de 2034, offrant toujours une porte de sortie aux propriétaires qui rechignent à rénover leur bien.
(1) Lire Gestion de fortune n°365, « La chronique immo », à paraître début février