22122024

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Loi de finances

Usufruit de parts sociales : un gros dividende contesté !

nue propriete lb2s 410 200

Dans cette affaire jugée en cassation (Cass. civ. 3e, 19 septembre 2024, pourvoi n° 22-18.687) le nu-propriétaire de parts de SCI réclamait un dividende à l’usufruitier sous prétexte qu’il s’agissait non pas d’une distribution de revenus mais du prix de vente de l’immeuble détenu par la société.

 

Dans cette affaire une SCI était constituée de quatre associés, avec 3135 parts sur 10000 démembrées entre deux et 1999 parts démembrées entre les deux autres.

Une assemblée générale extraordinaire décide à l’unanimité de vendre le seul bien détenu par la société. Elle décide de distribuer aux associés le prix de la vente. Question : à qui revient ce dividende lorsque les parts sont démembrées ? En principe à l’usufruit ! C’est ce que dit la cour d’appel : « les dividendes distribuant le bénéfice constituent des fruits et sont perçus par l'usufruitier en totalité et en toute propriété ».

Oui mais, rétorque un associé qui détient près d’un tiers des parts en nue-propriété et qui voit filer sous son nez près de 9 M€, « quand le résultat exceptionnel constitué de la vente de l'actif unique de la SCI n'était pas un bénéfice lié à l'activité courante de la société et n'avait pas vocation à être distribué aux usufruitiers » ce principe n’est-il pas contestable ? N’y a-t-il pas contradiction entre l’article 582 du code civil qui attribue à l’usufruitier « toute espèce de fruits » et l’article 578 qui lui commande de « conserver la substance », laquelle substance n’est plus du fait de ce dividende ? En somme, n’y-a-t-il pas deux sortes de dividendes, l’ordinaire tiré des bénéfices courants, revenant à l’usufruitier des parts, et l’exceptionnel venant des réserves et des opérations en capital, touchant à la substance de la société, devant revenir au-propriétaire ?

Deux sortes de dividendes

C’est ce raisonnement distinctif qu’a fait la Cour de cassation en 2015 : « dans le cas où la collectivité des associés décide de distribuer un dividende par prélèvement sur les réserves, le droit de jouissance de l'usufruitier de droits sociaux s'exerce, sauf convention contraire entre celui-ci et le nu-propriétaire, sous la forme d'un quasi-usufruit, sur le produit de cette distribution revenant aux parts sociales grevées d'usufruit ».

Par conséquent, nous dit la Cour, « l'usufruitier se trouve tenu… d'une dette de restitution exigible au terme de l'usufruit et qui, prenant sa source dans la loi, est déductible de l'actif successoral lorsque l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier » (Cass. com 27 mai 2015, pourvoi n° 14-16.246).
Une autre décision de la Cour de cassation a été rendue en 2016, mais en 1ère chambre civile. Elle reprend le même distinguo dans une affaire concernant une SCI dont une veuve détenait les parts en usufruit et ses trois enfants la nue-propriété. La Cour décide d’accorder le dividende au nus-propriétaires : « si l'usufruitier a droit aux bénéfices distribués, il n'a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l'accroissement de l'actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire » (Cass. civ. 1ère 22 juin 2016, n° 15-19.471).

Vente du seul actif de la SCI

On en était resté là jusqu’à ce nouvel arrêt que vient de rendre la Cour de cassation, cette fois dans sa 3e chambre civile, dans une situation différente où, là, l’AGE de la SCI décide de céder le seul actif qu’elle détient et de distribuer aux quatre associés le prix de vente. Dans ce cas, « la distribution, sous forme de dividendes, du produit de la vente de la totalité des actifs immobiliers d'une société civile immobilière affecte la substance des parts sociales grevées d'usufruit en ce qu'elle compromet la poursuite de l'objet social et l'accomplissement du but poursuivi par les associés ».
« Il en résulte, déclare la Cour de cassation, que, dans le cas où l'assemblée générale décide une telle distribution, le dividende revient, sauf convention contraire entre le nu-propriétaire et l'usufruitier, au premier, le droit de jouissance du second s'exerçant alors sous la forme d'un quasi-usufruit sur la somme ainsi distribuée ».
Par conséquent ce dividende spécial, dès lors que la SCI est devenue sans consistance du fait de la vente -précise la Cour de cassation- « de la totalité des actifs immobiliers », revient au nu-propriétaire mais c’est l’usufruitier qui en sera crédité sur son compte au titre d’un quasi-usufruit. L’usufruitier des parts ne sera donc pas crédité d’un « fruit » dont il pourra disposer librement comme il le pourrait d’un loyer, il sera débiteur d’une dette de restitution à son décès sur sa succession.

Il reste bien des questions !

- quid si l’assemblée générale extraordinaire décide de distribuer le prix de vente d’une partie des actifs ? À notre avis, la solution devrait être la même, avec un quasi-usufruit ;

- quid de la forme de cette convention contraire entre nu-propriétaire et usufruitier ? A notre avis, il s’agit d’un accord, de préférence notarié, lors du démembrement des parts ;
- le fisc peut-il voir une donation indirecte dans cette convention ? À notre avis non puisque c’est une alternative. De la même manière la Cour de cassation a estimé que ce n’est pas le cas lorsque l’usufruitier de parts sociales vote en AG pour une mise en réserve des bénéfices. « Il ne résultait de la décision des assemblées générales d'affecter les bénéfices à un compte de réserve aucune donation indirecte de [monsieur] à ses trois enfants » (Cass.com. 31 mars 2009, n°08-14.053).

 

JDE