28122024

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Les influenceurs toujours au cœur de schémas d’arnaques financières


influenceur réseau social marketing finflenceurAlors que les fraudes sont en forte hausse, ces personnalités du web, déjà au cœur de la polémique il y a quelques années, jouent toujours un rôle prépondérant dans leur diffusion. Avec la démocratisation de l’intelligence artificielle, les escrocs pourraient progressivement se passer de ces intermédiaires.

 

 

 

 

 

Entre 500 M€ et 1Md€ par an. Voici le préjudice estimé par le parquet de Paris des victimes d’arnaques financières, tel que délivré mi-décembre lors d’une conférence conjointe avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l’ACPR et l’AMF.

« Nous ne disposons que d’une fourchette car il est difficile de discriminer la part des arnaques financières parmi l’ensemble des escroqueries en raison de critères d’analyse judiciaire complexes », justifie Laura Beccuau, procureur de la République de Paris. L’évaluation reste de toute façon en-dessous de la réalité puisqu’elle ne concerne que les faits portés à la connaissance du ministère public. « Les victimes peuvent avoir honte, ne pas penser que les faits sont de nature pénale, ou il peut exister un décalage entre le ressenti et les faits, laissant le système judiciaire démuni », poursuit Laura Beccuau.

Du côté des autres autorités, le préjudice moyen par victime observé sur les 3 premiers trimestres de 2024 par l’ACPR s’élève à 69 000 € pour les faux livrets d’épargne et à 19 000 euros sur les faux crédits. Le montant moyen de la perte déclarée auprès de l’AMF, tous thèmes d’arnaques confondus, se chiffre à fin novembre 2024 à 29 000 €.

Trois marchés en augmentation

Le Parquet peut affirmer avec certitude que les fraudes sur trois marchés sont en hausse, sachant que certaines peuvent être « cross-assets » : les cryptoactifs (qui concentrent la majorité des arnaques depuis le second semestre 2023), le trading et le forex (le marché des devises).

Des arnaques dont les auteurs font fréquemment la publicité sur les réseaux sociaux, ou par le biais des influenceurs. Malgré la condamnation de Nabilla par la DGCCRF à une amende de 20 000 € pour publicité caché sur le bitcoin, malgré la mise en lumière des promotions frauduleuses de certains influenceurs - dont le rappeur Booba s’était fait le relai médiatique -, malgré la loi visant à encadrer l’activité des influenceurs, les dérives persistes.

La loi a bien permis de renforcer la répression contre les contenus non-conformes, qui ont chuté pour TikTok et Youtube de 27 % en 2020 à 11 % en 2022, selon l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Celle-ci propose d’ailleurs, en partenariat avec l’AMF, un certificat de l’influence responsable dans la finance sur les bonnes pratiques en matière de marketing d’influence. Mais ce n’est pas encore assez.

Points d’entrée

« Les influenceurs sont pour certains des points d’entrée pour les arnaques financières avec parfois des préjudices très importants, déplore Sarah Lacoche, directrice générale de la DGCCRF. Les victimes basculent souvent sur des réseaux privés comme Télégram, où interviennent d’autres acteurs très structurés. »

Les influenceurs peuvent être complices de ces schémas - promouvant souvent la liberté financière sans effort grâce à du « copy-trading » - mais aussi victimes. Quelque soit leur rôle, ils n’atteignent « jamais le train de vie promis grâce aux produits vendus », affirme Sarah Lacoche.

Demain, ces porte-parole de la fraude ne seront même plus nécessaires, en atteste le cas « Immediate Connect ». Il s’agit d’une plateforme de trading automatisée frauduleuse, qui a recours pour faire sa publicité à de faux articles de quotidiens français ou extraits de journaux télévisés. Dans ces derniers, une personnalité fait la promotion du site alors qu’elle pense les caméras coupées.

Montée des deepfakes

Sauf que tout est faux, de l’image jusqu’à la voix de la vedette. Ces deepfakes ne sont plus aujourd’hui un risque théorique, en atteste l’arnaque au président réalisée à Hong-Kong en début d’année pour un préjudice de 26 M$. Entre 2022 et 2023, les tentatives d’arnaques aux deepfakes ont été multipliées par 10, selon un rapport de la société Sumsub.

Lors de la conférence conjointe des autorités françaises, la société Wavestone produisait une démonstration de deepfake pour illustrer la facilité avec laquelle il est possible de feindre un humain à distance. « Il suffit de posséder trois à quatre photos et trois à quatre minutes d’audio de la personne cible, éclaire le collaborateur chargé de la présentation. Il suffit ensuite de laisser son ordinateur s’entraîner pendant quelques heures sur un logiciel en open source, librement accessible. »

Les imperfections sont pour l’heure encore facilement décelables si l’on y prête attention, et surtout si l’on connaît l’individu ciblé. C’est pourquoi les escrocs ciblent des personnes qui se connaissent peu, le monde de l’entreprise étant leur terrain de jeu privilégié.

268 M€ d’avoirs saisis

Dans sa lutte contre la promotion des produits financiers risqués, la DGCCRF a contrôlé en 2024 près de 30 opérateurs. Sur signalements de l’AMF en septembre dernier, la DGCCRF a récemment enjoint 10 influenceurs faisant la promotion d’une plateforme placée sur liste noire par l’AMF, de cesser cette publicité. 8 d’entre eux se sont mis rapidement en conformité. Les procédures se poursuivent s’agissant des deux autres influenceurs.

Du côté des aigrefins, la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) a saisi 268 M€ d’avoirs criminels cette année. Un chiffre notable au regard du montant total des saisines depuis sa création en 2020, de 645 M€.