12122024

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Actualité des sociétés

L’allocation d’actifs comme moteur de performance

Julien Pierre Nouen

Interview de Julien-Pierre Nouen - Gérant du fonds Lazard Patrimoine SRI et Directeur des études économiques et de la gestion diversifiée chez Lazard Frères Gestion.

 

Quel est l’objectif de gestion du fonds Lazard Patrimoine SRI ?
Fin 2014, nous avons eu l’idée de créer un fonds patrimonial qui soit adapté au contexte de taux d’intérêt bas. En effet, il y a 10 ans, la partie obligataire des fonds patrimoniaux délivrait un rendement minimum de 4 % et le tout était dynamisé avec une allocation en actions. L’environnement était donc plus porteur. Aujourd’hui, avec des taux d’intérêt nuls voire négatifs, nous avons besoin d’autres leviers pour générer de la performance.

Quels sont les leviers que vous avez identifiés ?
Il s’agit des actifs classiques que l’on retrouve dans les portefeuilles, à savoir les actions de toutes zones géographiques et de toutes capitalisations, les obligations d’Etat, les obligations d’entreprises investment grade ou high yield, les obligations financières subordonnées et les devises. Nous pilotons aussi la sensibilité du portefeuille aux taux d’intérêt, ce qui permet, le cas échéant, de générer de la performance quelle que soit l’orientation des taux. Tous ces actifs sont aujourd’hui combinés dans ce fonds multiclasses d’actifs ISR, géré selon une approche flexible patrimoniale et investi au niveau mondial pour la poche actions.

Vous ne mentionnez pas les matières premières ?
Nous ne sommes pas investis sur les matières premières car il s’agit d’un marché spécifique, parfois indépendant de la dynamique économique. Par ailleurs, contrairement aux actifs plus classiques tels que les actions et les obligations, ils ne permettent pas, dans le cadre d’une gestion patrimoniale, de percevoir de rendements tels que des coupons ou des dividendes. Les matières premières présentent néanmoins un intérêt dans le contexte actuel dans la mesure où il s’agit d’actifs qui sont corrélés à l’inflation et qui permettent donc de protéger un portefeuille contre une hausse générale des prix mais, dans la mesure où nous avons recours au pilotage de la sensibilité au taux d’intérêt, nous n’avons pas besoin d’avoir recours à de tels actifs.

Comment est structurée l’équipe de gestion ?
Le fonds est une combinaison de toutes les expertises de notre société de gestion. Il répond donc naturellement à une gestion collégiale. Nous sommes trois gérants titulaires du fonds : Matthieu Grouès, Colin Faivre et moi-même. Nous pilotons l’allocation d’actifs et déléguons ensuite à chacune des équipes spécifiques de Lazard Frères Gestion la composition, via le stock picking, de chacune des poches par classe d’actifs.

Avez-vous retenu une allocation d’actifs cible ?
Nous estimons que l’allocation est le principal moteur de performance de toute gestion d’actifs. Aussi, nous nous sommes octroyés des marges de manoeuvre importantes avec la ferme intention de les utiliser. La part des actions dans le portefeuille peut ainsi varier de 0 à 40 %. Connaissant l’aversion significative des investisseurs pour les pertes, nous avons mis en place un mécanisme de réduction du risque qui permet de limiter l’amplitude des baisses. Il s’agit d’un outil quantitatif qui suggère une exposition du portefeuille de 0 à 100 % en fonction des conditions de marché.

Comment fonctionne-t-il ?
Il s’active dans les phases de forte volatilité du marché. Le mécanisme que nous avons mis en place permet d’éviter des baisses significatives dans les phases de panique grâce à un ajustement de nos expositions en actions, en obligations et en devises.

Dans cette démarche, quels sont les paramètres auxquels vous êtes particulièrement attentifs ?
Pour la sélection des titres, nous avons retenu une approche de stock picking, axée sur la recherche fondamentale. Au niveau de l’allocation entre classes d’actifs, nous identifions le positionnement des marchés dans le cycle économique, car ce dernier est indéniablement le principal facteur explicatif de la dynamique des cours de bourse. Néanmoins, ce n’est pas le seul.

Quels sont les autres ?
Nous nous intéressons aux éléments qui ont un impact sur les marchés sans pour autant avoir un impact sur le cycle économique. On peut évoquer certaines élections médiatisées à l’international, mais aussi certaines initiatives politiques en lie avec le commerce international ou encore la situation conjoncturelle de certains pays émergents. C’est ainsi qu’en février 2020, lorsque l’épidémie de COVID s’est étendue hors de Chine, nous sommes très rapidement revenus à une exposition globale neutre avec une allocation voisine de 20 % en actions. Ce choix nous a permis de limiter l’impact sur le fonds de la baisse globale des marchés qui a suivi tout en nous donnant l’opportunité de reprendre position sur des niveaux de valorisation attractifs.

Qu’en est-il de la composante ISR ?
Le fonds a été labellisé ISR l’an dernier. À ce jour, toutes les gestions proposées par notre société intègrent une analyse ESG qui est réalisée par les analystes-gestionnaires de chacun des fonds avec l’appui d’une équipe interne dédiée à l’ISR. Celle-ci nous apporte les aspects méthodologiques nécessaires et assure la collecte des données.

Quelle approche ISR avez-vous retenue ?
Nous avons recours à la notation ESG. Le profil du portefeuille doit être supérieur à 80 % de l’univers d’investissement. Cette exigence présente l’avantage d’avoir un impact direct sur la qualité des titres détenus en portefeuille. Dans la poche action, la note ESG a une influence directe sur la fair value des entreprises analysées. En effet, le calcul du coût du capital de la société dépend de la note ESG attribuée. Plus l’entreprise est vertueuse et plus le coût du capital est bas. Par ailleurs, nous déployons une politique d’engagement vis-à-vis des entreprises dans lesquelles nous sommes investis via des échanges réguliers sur les aspects extra-financiers de leur activité.

Et pour la partie obligataire ?
Nous procédons à l’exclusion des émetteurs les moins bien notés. Il faut aussi mentionner une exposition aux obligations vertes - Green Bonds - à hauteur de 30 % du portefeuille.

Thierry Bisaga