13032025

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Gestion d’actifs

[Tribune] Comment écologie peut rimer avec innovation financière

Valentin Lautier

Le monde du financement participatif ruisselle dans tous les secteurs et l’écologie n’échappe pas à cette règle. Financer des infrastructures, des green-tech en equity ou en dette, les projets sont nombreux et variés. Aujourd’hui, il est même devenu possible pour des investisseurs dit « retail » d’investir dans des instruments dédiés initialement aux professionnels, les quotas d’émission de CO2.

 

 

 

 

 

Il est habituel d’opposer le monde dynamique et effervescent des startups avec celui poussiéreux et rigide, d’acteurs historiques et institutionnels. Les uns seraient à l’origine d’innovations débridées où cryptographie, digitalisation, et communication décomplexée flirtent audacieusement avec les limites des seconds, empêtrés souvent dans un univers de régulation et d’acquis qu’il ne faudrait surtout pas remettre en cause.

Nouveaux canaux

Cette tension entre innovation et dérégulation, entre contrainte et liberté, entre ancien et nouveau monde, est un motif on ne peut plus classique, et pourtant terriblement actuel. On le retrouve ainsi dans les débats sur la simplification des directives CSRD et CS3D, sur la taxonomie et le devoir de vigilance, ou encore sur la stratégie pour les investisseurs particuliers (RIS) portée par la Commission Européenne.

Aujourd’hui, de nouveaux canaux de distribution des produits financiers émergent, de nouveaux profils d’investisseurs particuliers et de nouveaux produits financiers apparaissent sur le devant de la scène tous les jours. Et chacun parvient à disrupter son marché tout en étant contraint de répondre aux exigences réglementaires et de marché pour s’assurer la bonne exécutabilité de l’instrument, ainsi que de son succès auprès de la communauté d’investisseurs.

Ouverture du marché du carbone

Un exemple de cette évolution est l’accès au marché des quotas d’émission européen, qui a été ouvert aux investisseurs privés. Créé en 2005, ce marché représente un volume d’échanges de 800 Md€ et a enregistré une performance moyenne de 25% par an sur les dix dernières années. Il joue un rôle central dans la stratégie climatique et énergétique de l’Union Européenne, ayant permis une réduction de près de 1 gigatonne de CO2 en vingt ans.

Aucun autre mécanisme n’a fonctionné à cette échelle et avec une telle rapidité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

En permettant aux investisseurs privés de souscrire à des obligations adossées aux quotas d’émission européens, un nouveau canal d’investissement se crée. Ces investisseurs peuvent ainsi se positionner sur l’évolution du prix des quotas, qui jusqu’alors étaient accessibles principalement aux acteurs institutionnels. Étant donné que les quotas sont physiquement détenus par l’émetteur, cela réduit l’offre disponible dans un marché plafonné, entraînant une pression à la hausse sur le prix. Or, un prix plus élevé incite les industriels assujettis à accélérer leurs investissements dans des solutions de décarbonation.

Symbiose atypique

Pour gérer les risques liés à cet investissement, les acteurs de cet écosystème peuvent recourir à des tiers de confiance qui assurent le rôle d’agent des sûretés. Ils interviennent pour garantir que les quotas soient récupérés et vendus sur le marché en cas de défaut. Cela permet de rassurer les investisseurs en évitant toute confusion dans les bilans des entités impliquées.

Cette co-constrution de ce nouveau produit financier a permis de trouver l’équilibre entre robustesse et créativité. Malheureusement, cette symbiose entre deux entités aux cultures différentes est atypique dans le milieu. C’est pourtant bien elle qui génère le plus de valeur pour les investisseurs, les protégeant des affres de propositions supposées novatrices mais trop souvent précipitées.

L’étude publiée par l’AMF le 20 janvier sur le marché du financement participatif immobilier est l’illustration tragique des risques parfois portés par les investisseurs lorsqu’un marché se retourne. On y apprend notamment que la collecte a chuté de 1.3 Mds€ en 2022 à 1 Mds€ en 2023, et que la moyenne des retards pour les neuf plateformes observées est passée de 20,1 % à 36,9 %.

Source d’opportunités

Le monde financier accélère sa démocratisation. Son centre de gravité se déplace inéluctablement vers les réseaux sociaux et les plateformes en ligne. Et si certains voient les hordes de finfluenceurs comme une menace et la désintermédiation de la distribution comme un risque, la réalité est que ces mutations sont des sources d’opportunités. C’est dans la collaboration qu’acteurs institutionnels comme startups novatrices peuvent trouver l’espace d’expression de leurs zones de génie.