12102024

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Pinel : l’heure des comptes


comptes comptable bilanLa Cour des comptes a fait le bilan du dispositif qui a fait ses preuves pour soutenir le logement intermédiaire, en dépit de son faible intérêt pour les investisseurs et de son coût difficile à évaluer pour les finances publiques.

 

 

 

 

  

Le dispositif fiscal de soutien à l’investissement locatif est mort, vive le dispositif fiscal de soutien à l’investissement locatif… sauf cette fois. Pinel, créé en 2014 en remplacement du Duflot pour favoriser le logement intermédiaire en zone tendue, va officiellement s’éteindre au 31 décembre 2024.

Pinel permettait aux particuliers investissant dans des biens à rénover ou neufs - option largement privilégiée - de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu (jusqu’à 21 % dans ses heures fastes) en contrepartie d’un engagement de détention.

Alors que son enterrement approche à grands pas, la Cour des comptes a préparé la cérémonie funéraire en dressant le bilan de ses 10 années de service le 5 septembre, dans un contexte de crise aiguë du logement et alors qu’aucun successeur n’a été annoncé.

Evaluation maison

« Cette mesure est jugée inefficace et trop coûteuse pour les finances publiques mais aucun montant précis n’a été avancé », fait remarquer Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.

La Haute juridiction a réalisé sa propre évaluation - qui ne prend pas en compte les déclarations papiers des particuliers -, estimant un manque à gagner pour les finances publiques de 7,3 Md€ entre 2014 et fin 2023. Le coût total du Pinel, qui ne sera connu qu’en 2038 puisque l’engagement de détention - et donc la réduction d’impôt - peut courir jusqu’à 12 ans au maximum, devrait être de l’ordre de 10 à 12 Md€.

Les Sages, de coutume très critiques sur l’utilisation des deniers publics, ont fait preuve de mansuétude vis-à-vis d’un dispositif dont les données fiscales manquent de fiabilité.

Les critères d’éligibilité ont en effet évolué constamment depuis sa création, qu’il s’agisse des modalités d’acquisition, des critères de qualité du logement ou du zonage déterminant les territoires éligibles. Le processus de déclaration fiscal était complexe, les déclarations truffées d’erreurs et insuffisamment contrôlées par l’administration.

Evaluation difficile

Ses impacts sur la construction ou la rénovation sont donc difficiles à évaluer. « Bien qu’il ait indéniablement orienté l’investissement des particuliers vers le secteur de la construction de logements intermédiaires en zone tendue, il n’est pas possible d’apprécier la part de logements qui n’auraient pas été construits sans avantage fiscal », est-il écrit dans le rapport d’évaluation.

Par ailleurs, le dispositif est difficilement pilotable au plan local, car si les collectivités territoriales sont les plus à même de constituer un maillage territorial efficace en définissant les zones où le déséquilibre entre l’offre et la demande de logement est patent, les données relatives aux logements Pinel ne leur sont pas accessibles.

Désavantage fiscal

Les propriétaires, qui ont été plus de 1 800 à répondre à une enquête réalisée lors de l’évaluation, se sont montrés pour certains critiques du dispositif. Les sondés, qui ont en majorité investi par le biais d’un conseil, sont prêts d’un tiers à ne pas se déclarer satisfait de l’avantage fiscal et plus de la moitié du montant de loyer applicable.

La Cour des comptes elle-même reconnaît que la rentabilité du Pinel « ne se révèle qu’au moment de la vente », avec une plus-value moyenne de 7 % par rapport au prix d’achat. La rentabilité de l’opération n’est donc pas liée à la carotte fiscale, souvent grignotée par la rémunération du conseiller ou le prix gonflé du bien.

La Carte T contre le Pinel

Autre insatisfaite, La Fnaim, qui ne s’est pas montrée encline au prolongement du dispositif. En effet, les logements Pinel sont très majoritairement gérés par des agences immobilières, dont les honoraires, fondés sur un pourcentage du loyer, sont de facto réduits puisque ce dernier est plafonné. De même, les logements sont souvent neufs et nécessitent donc moins de travaux d’entretien, réduisant une autre source de revenus des professionnels issue des facturations complémentaires.

Sur un plan plus positif, la Cour des comptes, qui s’est déplacée dans une cinquantaine de résidences, a pu constater que le dispositif Pinel bénéficie aux ménages locataires - souvent des jeunes actifs sans enfants - tant du point de vue des loyers que de la qualité des biens. Par ailleurs, le Pinel ne contribue pas « spécifiquement à l’étalement urbain », étant orienté vers le logement collectif, souvent dans des zones urbanisées, et bénéficie au logement social en sécurisant les opérations des promoteurs.

Avenir du logement intermédiaire

La Cour des comptes ne formule pas directement de recommandations en raison de la disparition du dispositif, tout en glissant qu’il serait « dommage de laisser un trou dans la raquette ». Elle propose néanmoins des pistes en faveur de la future politique du logement, qui devrait sans nul doute figurer dans les priorités du prochain gouvernement, parmi lesquelles figurent :
- la préservation de l’attractivité du logement locatif intermédiaire pour les particuliers, passant par exemple par la création de SCPI spécialisées, qui n’ont pas à l’heure actuelle la rentabilité escomptée pour attirer les flux d’épargne
- le renforcement du rôle des institutionnels, comme CDC Habitat ou Action Logement, pour soutenir la construction de logements locatifs intermédiaires. Les CGP interrogés par l’institution sont « réservés sur l’efficacité d’une telle mesure », qui serait « aussi coûteuse que l’avantage fiscal Pinel et ne conduirait pas nécessairement à la construction de nouveaux logements, mais plutôt au rachat et à la réhabilitation de logements existants ».