Loi de finances
En attendant une nouvelle réforme de l'ISF, le plafonnement devient plus intéressant que le bouclier pour les plus fortunés !
- Lundi 25 mars 2013 - 15:35
- | Par Gestion de Fortune
Par Thomas Rone, associé responsable du département Gestion de patrimoine chez Exco Cap Expert.
Principes généraux et évolution récente du plafonnement
Afin de limiter le montant de leur ISF, les plus fortunés peuvent bénéficier de la mesure de plafonnement. Cette mesure, qui consiste à limiter (plafonner) le montant total des impôts, ISF compris, à une somme ne pouvant dépasser un certain pourcentage (85%) des revenus du contribuable, a été mise en place afin que les impôts ne soient pas considérés comme confiscatoires.
Ce plafonnement bénéficie aux personnes disposant de faibles revenus mais dotés d'un patrimoine d'une très grande valeur, comme par exemple les agriculteurs d'Ile de Ré disposant de peu de revenu mais dont la valeur du patrimoine foncier est importante. Les contribuables les plus fortunés ont également su tirer profit de ces textes en mettant en place des stratégies de plafonnement en limitant leurs revenus.
Le plafonnement de l'ISF est de fait très limité et ne concerne que les plus fortunés : Le système du plafonnement bénéficie à un redevable sur trois cents dans la plus faible tranche de patrimoine, mais à un sur quatre dans la dernière tranche[1].
La règle est qu'un redevable ne peut pas payer plus de 85% de ses revenus en impôt.
Par revenu, on entend la somme des revenus exonérés d'impôt, des revenus qui subissent l'impôt sur le revenu ou les prélèvements libératoires. Par impôt, il faut tenir compte de l'ISF, de l'impôt sur le revenu, des prélèvements forfaitaires libératoires, des taxes foncières et d'habitation sur la résidence principale.
Pour les contribuables dont l'actif taxable à l'ISF est supérieur à 2.570.000 €, le plafonnement était jusqu'ici limité et ne pouvait pas excéder 50% de l'ISF avant plafonnement[2] (Art 885 V CGI - 2313 CT). On parlait alors de plafonnement du plafonnement.
En 2007, le bouclier fiscal a permis de déplafonner la limitation au plafonnement, la restitution n'étant plus limitée, et de nombreux contribuables fortunés se sont vus rembourser une partie de l'ISF après plafonnement.
Compte tenu de cet empilement de mesures, on pouvait alors parler d'une sorte de déplafonnement du plafond du plafonnement.
Illustration du calcul du plafonnement
Couple marié sans enfants à charge.
Salaires M. (pilote de ligne) : 150.000 €
Salaire Mme (consultante) : 30.000 €
Revenu Foncier : 12.000 €
Impôt sur le revenu : 42.985 €
Taxe Foncière résidence principale : 3.500 €
Taxe Habitation résidence secondaire : 2.800 €
Actif taxable à l'ISF : 50 M°€
Montant de l'ISF avant plafonnement : 822.265 €
Total des revenus pris en compte dans le plafonnement : 174.000 €
Total des impôts à prendre en compte : 871.550 €
Plafond (85% des revenus) : 147.900 €
Réduction de l'ISF au titre du plafonnement : 723.650 € (871.550 - 147.900)
Limite de la réduction au titre du plafonnement : (50% de l'ISF avant plafonnement) : 411.132 €
ISF après plafonnement limité : 411 .132 €
Dans cette illustration, le plafonnement a permis de réduire de moitié l'ISF (de 822.265 € à 411.132 €)
Les mesures d'optimisation
Dans un contexte d'empilement de textes sur l'ISF et de règlementations mouvantes, les contribuables les plus fortunés ont mis en place des stratégies pour maximiser le montant du plafonnement ou le montant de la restitution au titre du bouclier fiscal.
Le montant du plafonnement est étroitement lié au montant des revenus encaissés. Le contribuable cherchera donc à baisser (limiter) ses revenus au sens du plafonnement.
Les principales catégories de revenus pouvant être limités sont les suivants :
- les salaires ou autres revenus professionnels peuvent être facilement contrôlés lorsque le redevable est dirigeant de son entreprise.
- les revenus fonciers sont plus difficilement maîtrisables mais les actifs immobiliers peuvent être vendus ou apportés à une société qui ne versera pas de revenu.
- les dividendes et revenus de placements peuvent être capitalisés sur des enveloppes comme l'assurance vie, les contrats de capitalisation ou des sociétés de capitaux ne versant pas de revenus.
En limitant au maximum les revenus, les contribuables maximisaient d'autant le montant de leur plafonnement. Il faut rappeler qu'un contribuable qui se situe « en zone de plafonnement »[3] paie 85% de son revenu en impôt direct. Cela signifie qu'à chaque fois qu'il diminue son revenu de 100 €, il diminue de 85 € ses impôts.
En limitant ses revenus, le contribuable doit toutefois s'assurer des moyens pour vivre. Pour vivre sans revenus, le contribuable pouvait avoir recours au crédit ou effectuer des retraits sur ses placements de capitalisation (en effet, seule la part d'intérêts et de plus-value dans le retrait rentrent dans les revenus au sens du plafonnement, ainsi, un retrait de 100.000 euros sur un contrat présentant 15% d'intérêt ne générait des revenus au sens du plafonnement qu'à hauteur de 15.000 €).
A noter que ces mesures restent globalement moins contraignantes que le changement de résidence fiscal. Pour le fisc, l'optimisation du plafonnement ou du bouclier est très certainement moins pénalisante que le changement de résidence fiscal. Politiquement, le fait de favoriser le plafonnement est moins risqué que de diminuer ou supprimer purement et simplement l'ISF.
Les mesures de la loi de finances 2013 et la censure du Conseil d'Etat
La loi de finances 2013 et les dernières mesures ont modifié la règlementation sur le plafonnement.
- Les mesures améliorant le plafonnement :
- La diminution du plafonnement de 85% à 75% : Cette mesure a peu d'impact sur les stratégies de plafonnement. En effet, cette réduction de 10% du taux de plafonnement s'applique aux revenus, qui se trouvent limités compte tenu des stratégies mises en place. Ainsi, un contribuable cherchant à maximiser son plafonnement, s'il réussit à limiter ses revenus à 75.000 € / an verra son plafonnement majoré, suite à la réforme de 7.500 €.
- La suppression de la limitation du plafonnement : La limitation du plafonnement (également appelé le plafonnement du plafonnement) a été supprimé par la loi de Finances pour 2013.
Cette mesure conduira nécessairement à doubler, pour la plupart des contribuables, le montant de la limitation de leur ISF. Cette mesure a les mêmes effets que le bouclier fiscal qui permet de supprimer la limitation du plafonnement.
- Les mesures diminuant les effets du plafonnement :
Il est probable que l'administration fiscale ait connaissance des techniques permettant de maximiser le plafonnement (voir paragraphe précédent).
Afin de limiter voir anéantir ces stratégies, la loi de finances pour 2013 prévoyait de rajouter dans les revenus au sens du plafonnement des « produits » qui ne sont pas des revenus au sens fiscal. (revenus que certains ont qualifié de « revenus virtuels »). La loi de finances devait ainsi rajouter aux revenus pris en compte pour le plafonnement :
- l'accroissement de la valeur des contrats de capitalisation
- les bénéfices non distribués dans une société patrimoniale détenue à plus de 25% par le contribuable ou sa famille.
La prise en compte de ces revenus « virtuels » aurait conduit à anéantir la plupart des stratégies de plafonnement reposant sur la capitalisation des revenus financiers dans des contrats de capitalisation et la capitalisation des revenus fonciers dans des sociétés. Seuls quelques contribuables disposant de faibles revenus et de patrimoine important mais non productifs de revenus, d'intérêt ou de plus-value auraient pu continuer à bénéficier du plafonnement.
Mais le conseil d'Etat ayant censuré la mesure de la loi de finances prévoyant de rajouter aux revenus les revenus « virtuels » (accroissement de la valeur des contrats de capitalisation et revenus de sociétés non distribués), la loi de finances pour 2013 prévoit deux mesures favorisant le plafonnement et aucune mesure le limitant. Les contribuables « en zone plafonnement » vont donc bénéficier d'un plafonnement illimité. Cette censure permet à ces contribuables de retrouver les mêmes avantages que le bouclier fiscal, à ceci près qu'ils ne seront pas obligés d'attendre un an avant de recevoir la restitution du bouclier et vont pouvoir pratiquer la réduction de leur ISF au titre du plafonnement dès cette année.
Malheureusement, il est fort probable qu'une nouvelle réforme de la fiscalité du patrimoine et de l'ISF soit votée pour corriger cette erreur du législateur.
Conclusion
Déjà en 2012, les redevables de l'ISF ont subi une contribution exceptionnelle sur leur ISF.
En 2013, ils pouvaient s'attendre, pour ceux bénéficiant du plafonnement, à une réduction conséquente de leur impôt. La prudence voudrait qu'en cette période de mouvante frénétique de la règlementation fiscale, ces contribuables n'escomptent pas ce cadeau du législateur qui va très certainement rectifier son erreur, soit par une nouvelle loi, soit pas l'institution d'une nouvelle contribution exceptionnelle.
Mis en ligne le 25 mars 2013