L'Edito du mois - Mars 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Parler vrai

le débat actuel sur le rétablissement de l’ISF est troublant. Comme le suggère le chef de l’Etat lors d’un débat public, « il ne faut pas raconter de craques ». Pourtant sur ce sujet c’est pire que le fog londonien. Outre qu’il faut arrêter de dire que l’impôt sur la fortune a été supprimé puisqu’il est toujours applicable aux actifs immobiliers, il est pourtant clair que :

1. L’Ifrap et Rexecode chiffrent à 143 Md€ pour l’un, 200 Md€ pour l’autre, le montant des capitaux qui ont quitté la France depuis 1982 en raison de l'IGF et ISF. Ce désastre pour l’économie est tel que la Direction générale des finances publiques refuse de transmettre aux parlementaires son rapport annuel sur les exilés fiscaux (leur nombre et le montant des fortunes expatriées).

2. Alors que la concurrence économique, fiscale et sociale est de plus en plus rude entre les pays, en Europe et dans le monde, il n’y a que les Français pour être capables d’imaginer qu’on peut impunément infliger au capital une rente fiscale de 1,5 % par an. L’ISF a conduit à pomper la trésorerie des entreprises pour que les dividendes permettent aux minoritaires – ou majoritaires non exécutifs – de supporter cette gabelle ! Cet impôt a en outre généré un coût d’inquisitions et de contentieux multiples qui ont pourri la vie de bien des actionnaires. Les capitaux comme les capitalistes ont fui notre pays, ce que relève la Banque de France tous les ans lorsqu’elle rend public son rapport sur le taux de détention par les non-résidents dans le capital des entreprises du CAC 40. Les Français ne réalisent pas que la plupart de nos grandes entreprises pourraient d’un claquement de doigt de la part de leurs actionnaires américains, asiatiques et arabes transférer leur siège ailleurs.

« Est-ce qu'on veut aider nos entreprises ou pas ? », lançait récemment le chef de l’Etat lors d’un forum pour justifier la réforme de l’ISF. Mais pourquoi ne pas jouer la transparence sur la nocivité de cet impôt sur la fortune ? La solidarité est une chose, le réalisme en est une autre, exigeant un peu de pédagogie. Si réforme il devait y avoir, il serait impératif que les valeurs mobilières, qu’elles soient cotées ou non, d’entreprises commerciales, agricoles, artisanales, libérales, soient exonérées. Cela pour au moins deux raisons : la première, parce que ce capital est mis au service d’une activité économique, donc que des emplois sont en jeu ; la deuxième, parce que ce capital n’est que virtuel tant que l’entreprise prospère.

En outre – je reprends là l’idée du professeur Douet – il aurait été judicieux de rétablir la réduction ISF-PME (avec un « IFI-PME »), cela à un taux qu’il suggère de porter à 100 %, afin de drainer les capitaux stériles vers les entreprises. Il est invraisemblable dans ce monde de compétition d’avoir 1 300 Md€ placés sur les fonds en euros, 1 500 Md€ de comptes courants et livrets, 90 Md€ en or... exonérés d’impôt sur la fortune alors que dans le même temps, l’immobilier mis au service des entreprises et du logement des Français est puni par l’IFI.

Il serait temps de parler vrai sur le sujet.