L'Edito du mois - Janvier 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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L'art du paradoxe

Les épargnants sont comme les contribuables : toujours plus et son contraire. Moins d’impôts et plus de dépenses publiques pour les uns, et moins de risques et plus de performances pour les autres. Il est ainsi facile pour les esprits manipulateurs de raconter des contes de fées aux investisseurs sur des rendements garantis à 7 %, par exemple, tout en faisant croire qu’il n’existe aucun risque. Jules César écrit dans « La guerre des Gaules », « les hommes croient volontiers en ce qu’ils désirent » (pour expliquer comment il a vaincu une horde gauloise supérieure en nombre). Régulièrement, l’actualité met ainsi sur le devant de la scène des affaires scabreuses qui ternissent l’image des conseils en gestion de patrimoine à cause de quelques-uns peu scrupuleux.

Quel surprenant contraste à cet égard entre cette régulation tatillonne sur les « instruments financiers » et ce « far west » des placements divers ! Proposer un fonds boursier ou une assurance vie est devenu totalement anxiogène pour le client alors que des offres alternatives vont pouvoir mettre en exergue des taux de rentabilité affriolants comme ce « 17 % » affiché en gros caractères à Patrimonia par un vendeur de défiscalisation outre-mer, ou ce 13 % relevé dans une revue notariale pour un investissement en copropriété viticole d’un château... Quelle étonnante contradiction également entre la volonté des gouvernants d’inciter à investir dans « l’économie productive » et cette chape de réglementations pour en dissuader ! La structure d’un fonds en euros d’assurance vie est édifiante : c’est le règne absolu du monde de la dette.

La France a besoin de capitaux propres pour ses entreprises, cotées ou non, et la réglementation fait tout pour effrayer les Français ! « Attention à la Bourse, attention au capital-risque, attention au crowdlending, c’est dangereux », préviennent les censeurs de la « compliance ». Les épargnants en arrivent à croire que les actions c’est pire que le Forex et que les bitcoins c’est aussi ludique qu’un billet de loterie alors que c’est aussi mortel qu’un paquet de clopes !

La Banque de France vient de publier des statistiques inouïes sur le niveau historiquement très élevé des dépôts à vue des Français. Ces avoirs en friche se voient détournés des vrais placements utiles à l’économie par cet épouvantail d’une réglementation comminatoire et deviennent une proie pour les aigrefins, en particulier venant de l’étranger où souvent la protection de l’épargnant n’a pas le même sens que chez nous.

Des entreprises douteuses prospectent en France sans autorisation en se réfugiant derrière une sollicitation par l’épargnant. L’AMF a récemment rappelé à une société allemande que « la remise à des investisseurs de documents pré-remplis destinés à faire croire à un choix délibéré de leur part de souscrire à ces fonds d’investissement alternatif serait considéré comme un contournement de l’interdiction de commercialisation active de ces véhicules ». Une vraie Europe de l’épargne est encore à construire !

Souhaitons-le ! Bonne année à tous !